Le frère Bardieu s'en revenait de Genève, de Genève à Bourges, en passant par Nevers, suivant le long de la digue de la Loire. Il y était allé porter la foi et un message, qu'il avait mis longtemps à comprendre : le message de Dieu. Aristote a mis la moitié de sa vie pour ne comprendre que la moitié du message, et l'église demandait à tous de le comprendre en moins d'un mois, c'est à dire le temps d'une pastorale. C'est pour dire l'évolution de la société du temps des grecs jusqu'à notre époque moderne.
Le modernisme ne semblait pas avoir, jusque là, toucher Genève, qui vivait dans un archaïsme dément au point de se faire appeler "république". Cela faisait plus de mille ans que l'on avait point vue de forme aussi désuète de manière de gouverner. La ville avait quand même eu une drôle de manière d'être diriger. Une caste, composée de quelques bourgeois, constituait un gouvernement dirigé par un acoyer, en l'occurrence, la dernière en date fut une acoyère, elle même entièrement dirigé par les lions, qui avaient tous les droits dans la ville. Ailleurs, on aurait appelé cela "tyrannie", "despotat", ou autre mot poétique issus de la Grèce antique ou de la splendeur de Rome, les lions avaient eu plus d'imagination. Il appelait cela du doux nom de république. Probablement les lions sont ils plus latinistes qu'hellénophones. Un sérieux manque de culture qui les conduisait inévitablement à ne comprendre qu'en partie des saints textes. Mais enfin, depuis pratiquement deux mois, la situation s'était assainit. Les réformés avaient disparu, les lions s'étaient réfugiés à Lausanne, mais, face aux volontés de Dieu sur Lausanne, ils avaient du aller encore plus loin, vers Fribourg, abandonnant en grosse partie Genève, au profit de l'ordre, de la paix, bref, dans la tête de Bardieu, de la sainte église.
Bref, la mission du frère Bardieu à Genève n'était pas encore terminée. On élimine pas une année de cauchemar en deux mois de paradis. Il avait du l'interrompre à cause de bruits insistants, provenant du Berry, à propos des saintes reliques d'Arnvald. Les pouvoirs politiques s'affrontaient pour décider qui avait le droit d'utiliser les reliques.
Flânant le long de la route, bâton de pèlerin en tête en complètement perdu dans ses réflexions, Bardieu avait peine à suivre un soldat de l'argent, qui, par le plus grand des hasards, avait quitté Autun pratiquement en même temps que lui. Le fort mercenaire était bien plus fort et courageux que le cistercien, qui ne pouvait garder la cadence. De toute manière, avait il besoin d'aller aussi vite ? Nevers n'était pas si loin et une journée était amplement suffisante. Alors que le soleil était à son zénith, Bardieu fit une pause pour son déjeuner en haut d'une colline. La longue marche pour un homme aussi âgé l'avait complètement épuisé. Il sortit de sa poche un mini livre des vertus, dont il feuilleta rapidement les pages, mais en respectant la tradition, c'est à dire en humidifiant ses doigts systématiquement après chaque page tournée. Il s'arrêta sur un morceau d'Oane qu'il avait travaillé. Décidément, Bardieu était de plus en plus opposé à ce passage.
Citation:J'ai longtemps réfléchi au Néant qui existait avant tout, qui existait avec Dieu et qui existait en Dieu; j'en suis arrivé à la conclusion que cela ne pouvait être que la part obscure de Dieu, un peu comme la terre, sale, grasse et collante qu'il a créée, lieu où tout fermente, pourrit et où grouillent aussi ces vers de terre qui se tordent d'une façon qui, à elle-seule, reflète leur noirceur.
Et c'est pourtant de ce lieu sordide que sortent les plus beaux fruits du monde et que du noir Néant naquirent les beaux fruits des vertus divines.
Comme si le Néant lui-même, était un chaos à la fois putride et fécond, exactement comme la terre que nous foulons aux pieds.
Bien et mal, noir et blanc; c'est un peu comme si du noir naissait le blanc, et sans doute du blanc, le noir, en une sorte de mouvement perpétuel infernal qui reproduirait le chaos primitif.
Ainsi, de Dieu lui-même naquit une sorte de rejet maléfique, la Créature Sans Nom que l'on ne peut nommer précisément parce qu'elle s'appellerait pareillement Dieu.
Dieu est le créateur du bien; il l'est aussi du mal.
De même que le Néant est la part obscure de Dieu au Ciel, de même la Créature Sans Nom l'est sur terre.
Et moi, Oane, seul parmi les Hommes, je suis au centre de ce duo infernal où Dieu affronte Dieu.
Réfléchissant au sens profond, Bardieu ne put en conclure que le traducteur de ce texte avait profondément été sous l'inspiration de cocktail de plantes paradisiaques lors de la traduction du texte en langue françoise. Il fallait reprendre l'original, le texte en grec, car il était évident que si Dieu est Tout Puissant, alors la créature sans nom était une petite crotte qui pouvait être écrasée à tout moment.
Alors qu'il sortait son pain, un éclat de lumière provenant d'un reflet d'une lame, peut être un couteau. Plus bas, dans la vallée de la Loire, deux hommes s'affrontaient. Bardieu reconnut le premier, il s'agissait du mercenaire qui avait fait une partie de la route avec lui.
Le second était plus confus. Il venait de surgir de nul part pour attaquer le mercenaire.
Trouvant l'endroit très mal fréquenté et sentant l'influence néfaste de la créature sans nom, Bardieu préféra s'éloigner assez vite et traverser la Loire à guet, afin de se retrouver du bon côté, celui de la foi et de la sécurité. Après quelques heures de marche pressé, Bardieu arriva devant les remparts de la ville de Nevers, dernière ville étape avant son départ pour Bourges. Ayant avertit la maréchaussée pour aller faire chercher l'homme, faisant ainsi amende aristotélicienne, Bardieu chercha en ville un petite lieu pour se détendre et écrire.
Souhaitant apporté son concours à la justice, le cistercien écrivit un petit courrier une fois au sein d'une confortable taverne de la ville. Parler était abominable, alors écrire sans une choppe de bière à la main était insupportable pour un des plus grands brasseurs du royaume.
Citation:
Du Frère Bardieu, homme de Dieu
A Monseigneur Frim2811, procureur temporel de Bourgogne,
Qu'Aristote vous apporte la sagesse dans vos actes,
Que Saint Arnvald vous protège contre l'injustice,
Par cette plume, je souhaite vous conter une petite histoire. Elle se passe au cour de cette journée, près de la Loire, alors que je me rendais vers votre bonne ville de Nevers, après avoir quitté Antun et sa cathédrale.
Une foi encore, la grâce de Dieu a agit sur ma personne et je tiens, en vous prenant à témoin, à remercier le Tout Puissant de ses bontés, car il m'a permit, aujourd'hui d'échapper au pire. Hélas, la foi n'a pas été de bon guide pour un homme, dont j'ignore le nom, mais qui a été attaqué en chemin par un brigand.
Malheureusement, étant loin, grâce aux archanges, de la scène, je n'ai pu reconnaitre que très peu de trait de l'agresseur. Mais je tiens à vous transmettr la lettre de menace que j'ai reçu à mon arrivée à Nevers, d'un certain Falco de Cartel, Seigneur d'Oserez, revendiquant l'attaque et surtout, extrêmement mécontent de ne pas avoir réussit à me trouver.
Bien que, procureur, je traite ce genre de lettre par dizaine et que rien ne dit que l'homme qui revendique cette attaque et ce messire Falco soit les même, il semblerait que les lions connaissaient à l'avance mon parcours et voulaient me tendre une embuscade. Heureusement, la foi en Dieu a été la plus forte... sauf pour ce pauvre hère.
Que ma plume puisse vous aider à faire triompher la justice dans votre province.
Frère Bardieu
Une fois replié, Bardieu alla directement à la mairie pour la donner au chef des maréchaux, charge à lui de transmettre à l'intéresse. _________________