[ Chez Ariana, le 6 février 1459
]
Il était grand temps quelle dorme, complie venait de sonner à la Cathédrale, pourtant elle nen avait pas envie. Tiberge, devait croire à lentendre faire les cent pas au dessus de sa tête, quelle était comme toutes ces futures épousées, c'est-à-dire anxieuse et en proie à linsomnie
En fait, il nen était rien. Celle qui était encore une jeune femme pour quelques heures, navait tout bonnement pas envie de se coucher et encore moins sommeil. Elle était plutôt impatiente, et aurait voulu que les heures quelle voyait sécouler aussi lentement quun ruisselet , défilent aux pas dun cheval lancé au galop.
Oui, le temps lui durait, depuis plusieurs semaines déjà. Et plus le mariage approchait, plus lattente lui paraissait longue. Elle soupira, délaissa la bougie marquant les heures posée sur le manteau de la cheminée et sapprocha de la fenêtre.
Que faisait-il ? Dormait-il déjà
? De cela, elle douta fort, elle le connaissait trop bien. Elle savait dexpérience que, pour lui, seul le jour lui permettait le repos, la nuit nétait pas son amie, il en était ainsi, elle devrait sy faire. Perdue dans ses pensées, elle fut surprise par une chouette frôlant sa fenêtre, elle se recula prestement, comme effrayée par lattaque, puis rit en se rendant compte de sa sottise. Cest alors quon toqua à sa porte
Entrez
La porte souvrit sur une Tiberge, qui sembla à Ariana telle une mère furieuse de voir sa fille encore debout à une heure aussi tardive. Celle-ci sadressa dailleurs dune voix bien sèche à sa maîtresse ce qui rendit plus difficile que d habitude la compréhension de son occitan quAriana avait parfois du mal à assimiler bien quelle eut été élevée aussi bien dans cette langue que dans celle du pays dOïl.
Donà ! Allez donc dans votre couche ! Il est plus temps de regretter votre choix !
Ariana la regarda, oui, elle avait bien compris
Tiberge pensait quelle regrettait
Tiberge ? Pourquoi pensez-vous que je puisse avoir quelques regrets ?
La femme grommella, rougit tout de même un peu puis répondit
Cest que le Senher est plus tout jeune
Vous auriez pû trouver dans vos âges
Ariana la regarda, interdite, ainsi même Tiberge
Que lui répondre ? Que lâge ne compte pas, que lamour ne se commande pas ? Elle soupira et reprit la parole
Ma bonne Tiberge, je nai aucun regret, je dis bien aucun. Je ne dors pas tout simplement parceque jaimerais déjà entendre le chant du coq, ce chant qui annoncera le jour de mes noces, le plus beau jour de ma vie.
Tiberge rougit un peu plus de son erreur et sexcusa comme elle le put dun simple
Pardon, Donà
Mais si vous ne voulez point avoir lair fatiguée, alitez vous
Je vous ai mené une tisane pour dormir
Ariana lui sourit, oui, elle avait raison. Elle prit la tisane des mains de la femme et la remercia.
Une fois celle-ci sortie, elle retourna à la fenêtre le temps de boire le breuvage, ce quelle fit en pensant à nouveau à lAimé et ensuite, posant la tasse vide, elle se dévêtit, moucha la bougie et se coucha. Là, sans même sen apercevoir, elle sendormit
[7 février 1459, à laube]
Elle séveilla comme on séveille dun songe. Ariana mit quelques instants à réaliser que le jour était enfin venu. Elle se mariait aujourdhui, enfin, pensa-t-elle
Elle sauta du lit, attrapa une chemise quelle recouvrit dun blanchet* chaud pour cacher sa nudité.
Ainsi vêtue, elle descendit aux cuisines, elle escomptait bien prendre un bain, le temps que leau chauffe, elle aurait tout loisir de prendre quelque collation afin de commencer une journée qui sannonçait riche en émotion
[HRP : * le blanchet est une sorte de "sur robe" qui pourrait ressembler à notre actuelle robe de chambre]