Sebelia
[Au numéro 1 du quartier de l'Orée du bois]
Par matin, à l'anjorner elle s'était levée et vestue silencieusement, gardant ses bottes à la main. Un dernier regard vers la couche d'Yvon son frère pour s'assurer qu'il ne s'était point éveillé. La respiration ne l'aurait trompée, il dormait du sommeil du juste après toutes ces nuits agitées depuis son retour de Savoie. Il fallait bien admettre que la guerre l'avait fortement ébranlé. Son discours était emplein de colère à l'égard de ces gratte papiers qui se permettaient de lui réclamer un impost qu'il tardait à payer alors que soldat de l'OST il était mobilisé depuis plus d'un mois sur le front avec pour toute solde quelque nourriture afin de se sustenter.
Sebelia s'avança vers le jeune homme et caressa de ses noisettes sa joue mal rasée. Lui l'aisné avait su prendre soin de sa cadette. Il était temps de renverser les rosles. Elle ne laisserait quiconque lui faire du mal. Les crocs et les griffes acérés, elle ferait rempart de son corps. De ce corps souple et nerveux devenu étique, de cette verve loin d'estre poétique qu'elle utilisait en bonissant à qui mieux mieux les vrais préceptes de la vie. Cette chienne de vie comme l'appelait Yvon. Certes mon frère mais ne sommes nous point ses enfants ? La brunette esquissa le plus doulx des sourires et se glissa à l'entrant se carapatant discrètement de la maisonnée familiale.
C'est sous un petit rayon de soleil qui tentait de réchauffer l'air frais de ce mois de février que la bella, vestue d'une tenue de garçonne en cuir sombre, se bottait pensivement. Ses épis avaient été domptés, le casque de jais recouvrait maintenant ses fresles épaules et jurait sur le tissu rouge de la cape en chaude laine, deux tresses ceinturaient son crasne. Sebelia se redressa le visage tourné vers l'astre solaire les yeux mi clos puis observa à travers ses longs cils la campagne environnante. Il était temps de rejoindre les buissonades si elle voulait estre rentrée avant la brune. Un dernier regard vers la porte avant de cheminer vers ce qui avait été la fermette de J.V.Jones.
[Sur des terres fertilisées par l'asme d'un défunt]
Ses pas l'avaient conduite sur ces terres maudites qui avaient abrité leurs amours bien éphémères. Quelques semaines à peine s'étaient écoulées depuis le drame et Sebelia pouvait encore sentir le feu bruslant qui roussissait sa peau tendre et laiteuse. Elle pouvait encore entendre ses cris, le poids de ses mots et l'amour qui transperçait dans sa voix. Elle pouvait voir ses yeux dans lesquels elle s'était si souvent noyée, son biau visage aux traits réguliers, ses lèvres pleines et bien ourlées. Elle se tenait le dos roide les opalines voilées par un rideau de larmes endiguées.
De la fermette il ne restait que quelques ruines. La jeune femme s'avança là où elle avait croisé une dernière fois son regard. Elle s'agenouilla et fouilla le sol méticuleusement de la pointe de sa botte d'abord puis avec ses mains à la recherche d'un objet qui avait du résister aux flammes de l'enfer. Une lueur traversa ses prunelles claires. Elle s'immobilisa puis ses doigts fins et agiles se refermèrent sur un petit médaillon de baptesme non identifiable à première vue. Elle se releva et se dirigea sous un vieux chesne où elle avait rassemblé auparavant un amas de grosses pierres.
Pierre par pierre, Sebelia édifia la tombe de Jo. Elle savait que Gwendo viendrait la rejoindre. Elle espérait que d'autres personnes se joignent à elles. Elle enchevestra deux branches de façon à former une croix et la planta profondément à l'ouest. Elle contourna la tombe et vint s'immobiliser à l'est. Il était temps pour la mâconnaise de lui rendre un dernier hommage, loin de cette église, honorée par la seule présence des masnes et d'un sacristain qui ne respectait mesme pas les cérémonies en cours, en commençant par la prière du pardon. Mains jointes, nuque inclinée la brunette murmura.
Nous confessons au Tout puissant, à tous les Saints, que nous avons pesché, en parole, en pensée, en action. Nous supplions tous les Saints, de prier le Créateur pour J.V.Jones. Que le Très Haut nous accorde son pardon, l'absolution et la rémission de tous nos pêchés.
Puis Sebelia psalmodia quelques prières et rituels aristotéliciens pour le salut de l'asme de Blondin.
Après tous nos regards qui ont croisé le sien Azur, qu'elle puisse enfin voir le tien, Seigneur.
Seigneur ne détournes pas ton regard de cette asme.
Après l'amitié qu'elle a reçue et qui a guidé sa vie, accorde lui l'Ultime qui est la Tienne, Seigneur.
Seigneur ne détournes pas ton regard de cette asme.
Après les peines et les larmes qui ont obscurcit sa vie, illumine sa route pour l'éternité.
Seigneur ne détournes pas ton regard de cette asme.
Seigneur, nous tournons vers Toi, nos espoirs, à l'heure où disparaît le corps de cette asme, qui nous est chère. Accordes-nous l'espoir de la revoir auprès de Toi, pour les siècles des siècles.
Amen.
La bella se signa et resta silencieuse. Elle se souvenait d'un texte qu'elle avait lu autrefois dans le livre des vertus. Il y était question de l'amour dans un couple. Jo avait été son amant. Un amant fidèle jusqu'à la mort. Elle chercha en sa mémoire les mots exacts et les prononça d'une voix où l'émotion transperçait.
"Alors, Dieu créa deux astres au-dessus du monde. Lun, rayonnant de lumière, fut appelé soleil. Lautre, luisant froidement, fut nommé lune. Dieu expliqua à Oane: Que votre fidélité soit celle des enfants envers leurs parents ou je serai aussi sévère que les parents envers leurs enfants. Car, lorsque chacun de vous mourra, Je le jugerai, en fonction de la vie quil a menée. Le soleil inondera chaque jour le monde de sa lumière, par preuve damour pour Ma création. Ceux, parmi les tiens, que jy enverrai, vivrons une éternité de bonheur. Mais entre chaque jour, la lune prendra la relève. Et ceux qui, parmi les tiens, y seront jetés ny connaîtront plus que la tourmente".
Tristeusement, Sebelia effleura une dernière fois du regard la tombe de Blondin et ajouta dans un souffle.
L'outil que Dieu a donné à notre ami pour éclairer nos asmes retournera nourrir la Création comme il en a toujours été et en sera toujours...
Riposa in pace Jo
La bella s'accroupit, baisa le petit médaillon qu'elle avait tenu serré dans sa main et le déposa au creux de la pierraille.
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Sic itur ad astra
Par matin, à l'anjorner elle s'était levée et vestue silencieusement, gardant ses bottes à la main. Un dernier regard vers la couche d'Yvon son frère pour s'assurer qu'il ne s'était point éveillé. La respiration ne l'aurait trompée, il dormait du sommeil du juste après toutes ces nuits agitées depuis son retour de Savoie. Il fallait bien admettre que la guerre l'avait fortement ébranlé. Son discours était emplein de colère à l'égard de ces gratte papiers qui se permettaient de lui réclamer un impost qu'il tardait à payer alors que soldat de l'OST il était mobilisé depuis plus d'un mois sur le front avec pour toute solde quelque nourriture afin de se sustenter.
Sebelia s'avança vers le jeune homme et caressa de ses noisettes sa joue mal rasée. Lui l'aisné avait su prendre soin de sa cadette. Il était temps de renverser les rosles. Elle ne laisserait quiconque lui faire du mal. Les crocs et les griffes acérés, elle ferait rempart de son corps. De ce corps souple et nerveux devenu étique, de cette verve loin d'estre poétique qu'elle utilisait en bonissant à qui mieux mieux les vrais préceptes de la vie. Cette chienne de vie comme l'appelait Yvon. Certes mon frère mais ne sommes nous point ses enfants ? La brunette esquissa le plus doulx des sourires et se glissa à l'entrant se carapatant discrètement de la maisonnée familiale.
C'est sous un petit rayon de soleil qui tentait de réchauffer l'air frais de ce mois de février que la bella, vestue d'une tenue de garçonne en cuir sombre, se bottait pensivement. Ses épis avaient été domptés, le casque de jais recouvrait maintenant ses fresles épaules et jurait sur le tissu rouge de la cape en chaude laine, deux tresses ceinturaient son crasne. Sebelia se redressa le visage tourné vers l'astre solaire les yeux mi clos puis observa à travers ses longs cils la campagne environnante. Il était temps de rejoindre les buissonades si elle voulait estre rentrée avant la brune. Un dernier regard vers la porte avant de cheminer vers ce qui avait été la fermette de J.V.Jones.
[Sur des terres fertilisées par l'asme d'un défunt]
Ses pas l'avaient conduite sur ces terres maudites qui avaient abrité leurs amours bien éphémères. Quelques semaines à peine s'étaient écoulées depuis le drame et Sebelia pouvait encore sentir le feu bruslant qui roussissait sa peau tendre et laiteuse. Elle pouvait encore entendre ses cris, le poids de ses mots et l'amour qui transperçait dans sa voix. Elle pouvait voir ses yeux dans lesquels elle s'était si souvent noyée, son biau visage aux traits réguliers, ses lèvres pleines et bien ourlées. Elle se tenait le dos roide les opalines voilées par un rideau de larmes endiguées.
De la fermette il ne restait que quelques ruines. La jeune femme s'avança là où elle avait croisé une dernière fois son regard. Elle s'agenouilla et fouilla le sol méticuleusement de la pointe de sa botte d'abord puis avec ses mains à la recherche d'un objet qui avait du résister aux flammes de l'enfer. Une lueur traversa ses prunelles claires. Elle s'immobilisa puis ses doigts fins et agiles se refermèrent sur un petit médaillon de baptesme non identifiable à première vue. Elle se releva et se dirigea sous un vieux chesne où elle avait rassemblé auparavant un amas de grosses pierres.
Pierre par pierre, Sebelia édifia la tombe de Jo. Elle savait que Gwendo viendrait la rejoindre. Elle espérait que d'autres personnes se joignent à elles. Elle enchevestra deux branches de façon à former une croix et la planta profondément à l'ouest. Elle contourna la tombe et vint s'immobiliser à l'est. Il était temps pour la mâconnaise de lui rendre un dernier hommage, loin de cette église, honorée par la seule présence des masnes et d'un sacristain qui ne respectait mesme pas les cérémonies en cours, en commençant par la prière du pardon. Mains jointes, nuque inclinée la brunette murmura.
Nous confessons au Tout puissant, à tous les Saints, que nous avons pesché, en parole, en pensée, en action. Nous supplions tous les Saints, de prier le Créateur pour J.V.Jones. Que le Très Haut nous accorde son pardon, l'absolution et la rémission de tous nos pêchés.
Puis Sebelia psalmodia quelques prières et rituels aristotéliciens pour le salut de l'asme de Blondin.
Après tous nos regards qui ont croisé le sien Azur, qu'elle puisse enfin voir le tien, Seigneur.
Seigneur ne détournes pas ton regard de cette asme.
Après l'amitié qu'elle a reçue et qui a guidé sa vie, accorde lui l'Ultime qui est la Tienne, Seigneur.
Seigneur ne détournes pas ton regard de cette asme.
Après les peines et les larmes qui ont obscurcit sa vie, illumine sa route pour l'éternité.
Seigneur ne détournes pas ton regard de cette asme.
Seigneur, nous tournons vers Toi, nos espoirs, à l'heure où disparaît le corps de cette asme, qui nous est chère. Accordes-nous l'espoir de la revoir auprès de Toi, pour les siècles des siècles.
Amen.
La bella se signa et resta silencieuse. Elle se souvenait d'un texte qu'elle avait lu autrefois dans le livre des vertus. Il y était question de l'amour dans un couple. Jo avait été son amant. Un amant fidèle jusqu'à la mort. Elle chercha en sa mémoire les mots exacts et les prononça d'une voix où l'émotion transperçait.
"Alors, Dieu créa deux astres au-dessus du monde. Lun, rayonnant de lumière, fut appelé soleil. Lautre, luisant froidement, fut nommé lune. Dieu expliqua à Oane: Que votre fidélité soit celle des enfants envers leurs parents ou je serai aussi sévère que les parents envers leurs enfants. Car, lorsque chacun de vous mourra, Je le jugerai, en fonction de la vie quil a menée. Le soleil inondera chaque jour le monde de sa lumière, par preuve damour pour Ma création. Ceux, parmi les tiens, que jy enverrai, vivrons une éternité de bonheur. Mais entre chaque jour, la lune prendra la relève. Et ceux qui, parmi les tiens, y seront jetés ny connaîtront plus que la tourmente".
Tristeusement, Sebelia effleura une dernière fois du regard la tombe de Blondin et ajouta dans un souffle.
L'outil que Dieu a donné à notre ami pour éclairer nos asmes retournera nourrir la Création comme il en a toujours été et en sera toujours...
Riposa in pace Jo
La bella s'accroupit, baisa le petit médaillon qu'elle avait tenu serré dans sa main et le déposa au creux de la pierraille.
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Sic itur ad astra