.lilith.
En d'autres temps, en d'autres lieux, elle aurait tout fait pour que son entrée dans cette ville nouvelle soit remarquable, et remarquée. Elle aurait sans doute commencé par saluer tous les hommes qu'elle aurait croisé, d'un grand sourire enjôleur. Puis, malgré la température frisquette, sans doute que son jupon aurait volé "innocemment" à la faveur d'un coup de vent, imaginaire ou réel.
L'étoffe aurait laissé apparaître ses jolies jambes, peut-être même jusqu'au dessus du genoux, faisant deviner des cuisses jeunes, fermes et soyeuses. Normal pour une jeune femme de son âge.
Surtout que, contrairement aux autres donzelles de son âge, elle avait toujours pris soin de ne pas se faire engrosser malencontreusement. Les vergétures, la poitrine molle et le ventre flasque, ça rebutait le client.
Mais ça, c'était avant.
Avant le Limousin. Avant ce qui s'y était passé. Avant ce qu'elle y avait vu. Avant que ses nuits ne soient hantées par ces images, ces odeurs, ces sons qui l'obsédaient.
Hébétée...
Aujourd'hui, la catin n'était plus qu'une ombre. Fille de joie... un bien joli mot quand on y songe. Elle qui arborait autrefois des formes généreuses avait désormais le visage un peu émacié, non pas qu'elle manquait d'argent pour se nourrir, non. L'argent n'était pas un soucis. C'était l'absence totale d'appétit qui avait creusé ses traits. Les nuits sans sommeil, ou dans le meilleur des cas entrecoupées de cauchemards, avaient achevé le travail en imprimant sous ses yeux des cernes de fatigue.
Fatiguée...
Elle entra dans la ville aussi discrètement que possible, ombre drapée dans sa vieille cape, élimée par endroit jusqu'à la trame. Ses cheveux bruns étaient dissimulés par une capuche, attachés en une très longue tresse dont on ne pouvait deviner que quelques mèches.
Elle ne rasait pas vraiment les murs. Elle ne marchait pas non plus en pleine lumière.
Elle ne fixait pas le sol comme le font les gens peu sûr d'eux, mais elle ne regardait pas vraiment les passants non plus.
Elle n'était pas morte, mais n'était pas pour autant tout à fait vivante...
Invisible...
Quelconque... Tout le contraire de ce qu'elle fut.
Pourquoi était-elle ici?
Elle n'en était elle-même plus très sûre. Une missive. Quelques lettres en fait, si elle se souvenait bien. Mais elle ne les avait pas gardées, sans doute qu'elle les avait brûlées, comme elle avait brûlé beaucoup d'autres choses qui Lui appartenaient. Vaine tentative de faire disparaître l'horreur de sa mémoire. Ridicule espoir de ne garder aucune trace de ce qui se passait autour d'elle. Se concentrer sur les besoins immédiats, sans s'attarder sur le passé, immédiat ou plus lointain. Ni spéculer sur le futur, jamais.
Quel futur, d'ailleurs?
Rien. Aucun. La putain jeta un regard sombre vers la silhouette de l'église qui se dessinait là, au milieu du village, comme il se doit. Un haut-le-coeur lui serra les tripes, il ne cessa que lorsqu'elle détourna les yeux du bâtiment. Symbole maudit...
Une missive, donc. Inattendue, mais qui l'avait marquée, puisqu'elle avait décidé de prendre la route pour rejoindre son auteur. Des mois, si pas des années qu'ils ne s'étaient pas vus. Et pourtant, les mots couchés sur le vélin avaient réveillé le souvenir aussi fugace que vivace d'un baiser volé, précisément sur le parvis d'une église. Ironie du sort. Baiser volé par pure provocation, son principal passe temps, auparavant.
Où était-il? Aucune idée. Elle se souvenait qu'il lui avait écrit quelque chose à ce sujet. Mais quoi? Ce jeu d'entraîner sa mémoire à oublier les informations se montrait efficace. Mais pas avec les bonnes informations.
Elle n'avait en tête que deux noms propres, en fait. Son prénom et St-Lizier.
Est-ce qu'il avait une demeure ici? Un commerce? Des terres, peut-être... S'il le lui avait dit, elle ne s'en souvenait plus.
Elle aurait pu s'adresser à quelqu'un pour demander son chemin, le village n'est pas énorme, tout le monde doit plus ou moins se connaître. Il lui semblait d'ailleurs que celui qu'elle était venue rejoindre avait aussi fait mention d'une personne à contacter. Mais qui? Lilith renonça à fouiller ses souvenirs avant même d'avoir commencé, peur d'ouvrir le mauvais tiroir. En outre, demander à quelqu'un, c'eût été renoncer à cette invisibilité à laquelle elle tenait...
Peut-être qu'en parcourant les rues, elle finirait par tomber sur lui...
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L'étoffe aurait laissé apparaître ses jolies jambes, peut-être même jusqu'au dessus du genoux, faisant deviner des cuisses jeunes, fermes et soyeuses. Normal pour une jeune femme de son âge.
Surtout que, contrairement aux autres donzelles de son âge, elle avait toujours pris soin de ne pas se faire engrosser malencontreusement. Les vergétures, la poitrine molle et le ventre flasque, ça rebutait le client.
Mais ça, c'était avant.
Avant le Limousin. Avant ce qui s'y était passé. Avant ce qu'elle y avait vu. Avant que ses nuits ne soient hantées par ces images, ces odeurs, ces sons qui l'obsédaient.
Hébétée...
Aujourd'hui, la catin n'était plus qu'une ombre. Fille de joie... un bien joli mot quand on y songe. Elle qui arborait autrefois des formes généreuses avait désormais le visage un peu émacié, non pas qu'elle manquait d'argent pour se nourrir, non. L'argent n'était pas un soucis. C'était l'absence totale d'appétit qui avait creusé ses traits. Les nuits sans sommeil, ou dans le meilleur des cas entrecoupées de cauchemards, avaient achevé le travail en imprimant sous ses yeux des cernes de fatigue.
Fatiguée...
Elle entra dans la ville aussi discrètement que possible, ombre drapée dans sa vieille cape, élimée par endroit jusqu'à la trame. Ses cheveux bruns étaient dissimulés par une capuche, attachés en une très longue tresse dont on ne pouvait deviner que quelques mèches.
Elle ne rasait pas vraiment les murs. Elle ne marchait pas non plus en pleine lumière.
Elle ne fixait pas le sol comme le font les gens peu sûr d'eux, mais elle ne regardait pas vraiment les passants non plus.
Elle n'était pas morte, mais n'était pas pour autant tout à fait vivante...
Invisible...
Quelconque... Tout le contraire de ce qu'elle fut.
Pourquoi était-elle ici?
Elle n'en était elle-même plus très sûre. Une missive. Quelques lettres en fait, si elle se souvenait bien. Mais elle ne les avait pas gardées, sans doute qu'elle les avait brûlées, comme elle avait brûlé beaucoup d'autres choses qui Lui appartenaient. Vaine tentative de faire disparaître l'horreur de sa mémoire. Ridicule espoir de ne garder aucune trace de ce qui se passait autour d'elle. Se concentrer sur les besoins immédiats, sans s'attarder sur le passé, immédiat ou plus lointain. Ni spéculer sur le futur, jamais.
Quel futur, d'ailleurs?
Rien. Aucun. La putain jeta un regard sombre vers la silhouette de l'église qui se dessinait là, au milieu du village, comme il se doit. Un haut-le-coeur lui serra les tripes, il ne cessa que lorsqu'elle détourna les yeux du bâtiment. Symbole maudit...
Une missive, donc. Inattendue, mais qui l'avait marquée, puisqu'elle avait décidé de prendre la route pour rejoindre son auteur. Des mois, si pas des années qu'ils ne s'étaient pas vus. Et pourtant, les mots couchés sur le vélin avaient réveillé le souvenir aussi fugace que vivace d'un baiser volé, précisément sur le parvis d'une église. Ironie du sort. Baiser volé par pure provocation, son principal passe temps, auparavant.
Où était-il? Aucune idée. Elle se souvenait qu'il lui avait écrit quelque chose à ce sujet. Mais quoi? Ce jeu d'entraîner sa mémoire à oublier les informations se montrait efficace. Mais pas avec les bonnes informations.
Elle n'avait en tête que deux noms propres, en fait. Son prénom et St-Lizier.
Est-ce qu'il avait une demeure ici? Un commerce? Des terres, peut-être... S'il le lui avait dit, elle ne s'en souvenait plus.
Elle aurait pu s'adresser à quelqu'un pour demander son chemin, le village n'est pas énorme, tout le monde doit plus ou moins se connaître. Il lui semblait d'ailleurs que celui qu'elle était venue rejoindre avait aussi fait mention d'une personne à contacter. Mais qui? Lilith renonça à fouiller ses souvenirs avant même d'avoir commencé, peur d'ouvrir le mauvais tiroir. En outre, demander à quelqu'un, c'eût été renoncer à cette invisibilité à laquelle elle tenait...
Peut-être qu'en parcourant les rues, elle finirait par tomber sur lui...
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