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[RP] Balbuzard et Salamandre : Parade Nuptiale, extraits.

Eusaias
Moi c’est moralement que j’ai mes élégances,
Je ne les sortirai pas avec par négligences.
Un affront pas très bien lavé,
la conscience jaune encore de sommeil dans le coin de son œil,
un honneur chiffonné, des scrupules en deuil.
Mais je marche sans rien sur moi qui ne reluise,
Un panaché d’indépendance et de franchise !

Ronstand.




[Mars 1459 - Paris - Quartiers des Halles et Galeries Lafayotte – Maugréer devant chaque échoppe.]

Les bottes du bourguignon raclaient les pavés, bottant de temps à autres un caillou à la manière d’un petit garçon qu’on emmène de force à l’école. Les mains dans les poches de son mantel, la tête rentrée entre les épaules, il grognait et geignait dans le dos de l’Artésienne. Comme tout bon mâle qui se respecte, le Balbuzard suait juste à l’idée de faire le tour des échoppes, échoppes pour ampoulés et donzelles il fallait le dire. Et en ce beau jour de Mars, c’est d’une manière sournoise qu’il fut contraint et forcer de suivre sa comtesse de maitresse.

La journée avait pourtant bien commencée, les quillistes Sémurois avaient encore mis une volée aux quillistes de l’amical Armagnac. Ils courraient droit vers une énième quille d’or. Agnès lui rendait visite et il avait donc pu la charrier avec un : La Guyenne vient se rendre à la Bourgogne déposez le tribut sur le bureau, je prends ! Et de paroles grivoises en répliques douteuses, la Saint Just repoussa les avances du Balbuzard et le plia à sa volonté. Du shopping qu’elle disait ! Oh il avait bien tenté de résister, mais une fois le nez entre les seins de sa promise alors qu’elle lui caressait la chevelure il avait failli et dit oui. « Prenons des écus dans la cassette que les ducs de bourgogne se gardent en cas de souci sur Paris » qu’il avait dit sans une once de remord.

Les yeux du balbuzard se posèrent sur Agnès de Saint Just alors qu’elle l’apostrophait.

Cinq toises ? Allons vous n’êtes point autant en chair. Trois toises, drapier ! Et vous nous ferez un bon prix, où serez battu avant de voir le moindre écu !

Un reniflement siffla dans la boutique, signe d’agacement du Blanc Combaz. La comtesse prenait à parti l’écorcheur afin de peser plus lourd sur le Baron. Comment pouvait-elle lui faire cela ? Des écus dans des fanfreluches alors qu’il pouvait encore équiper une lance avec cette fortune. Il arracha des mains du marchand, une nouvelle étoffe que le parisien sortait de derrière un comptoir. Ni une ni deux elle fut renvoyée derrière le comptoir avec un sourire satisfait.

Hector je t’interdis de lui donner raison et vous Agnès… Agnès ressaisissez-vous Sang Dieu ! Nous courrons droit à la disette, alors que ce porcinet de bourgeois il désigna du doigt le vendeur, vous prend mes écus en nous crachant son mépris au visage. Je sais, il n’a rien dit, mais regardez comme il a l’air sournois !

Et au balbuzard de froncer les sourcils et de se placer de l’autre côté du comptoir face à l’artésienne.
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Gnia
La Saint Just fronça les sourcils lorsque le Bourguignon sortit de ses gonds. C'était à prévoir, certes, mais tout de même... Aussi tôt ?

Mais...

Et de serrer le poing sur l'une des draperies qui jonchaient le comptoir pour éviter qu'elle ne vole également et rejoigne sa pauvre comparse à l'autre bout de l'échoppe.


Mais enfin...


Et de se piquer d'une moue boudeuse et contrariée lorsque le Blanc Combaz se subtilisa au drapier, campé devant elle

Mais enfin... Merde Digoine ! Là c'est pas encore vot' pognon qu'on claque, c'est l'mien !
Vous, c'est après... Quartier des orfèvres.. Souvenez-vous...


Et de se pencher finalement sur le comptoir, le décolleté posé en offrande sur un tas de taffetas gris souris, comme un écrin abritant deux perles nacrées, et de se cambrer de la façon la plus licencieuse qui soit en ancrant un regard mutin dans celui du Balbuzard.


Vous ne voulez pas parader avec à votre bras une radasse attifée comme un sac ? Si ?
Ne pensez-vous pas que vous méritez que je sois comme un joyau qui vous pare ?
C'est cinq toises qu'il faut, ainsi, je pourrai faire confectionner deux chainses...


Et de murmurer à voix basse et rauque, les lèvres entrouvertes, les yeux fiévreux

Ainsi s'il vous prenait l'envie d'en déchirer une... Il m'en resterait toujours une autre... Hum ?


Et tandis que la Saint Just testait son pouvoir hypnotique de cobra improvisé sur son amant qu'elle espérait sans défense, elle fit un signe discret au marchand et lâcha entre ses dents

Cinq toises du bleu et trois du jaune ! A faire livrer à l'Hostel Bourguignon.
Ah ! Et n'oubliez pas le cendal aussi. Deux toises.

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Eusaias
Ah il fallait avouer qu’elle savait y faire. Et alors que le Balbuzard, concentré au plus haut point, avait toute cette attention braquée dans le décolleté de la Saint Just le contrat fut conclu. Il avait aussi benoîtement acquiescé d’un signe de tête le fait qu’il se ruinerait et partiellement la bourgogne pour offrir quelques parures à la succube. Aussi il reprit ses esprits quand les deux globes lui furent retirés des yeux.

Ah vous avez fini ? Vous n’achetez rien du coup ?

Le regard se posa sur le marchand qui empaquetait le tout et le balbuzard se mit à grimacer.

Oh la perfide ! Vous m’avez eu Agnès ! Mais une fois pas deux !

Un long soupir fut poussé en voyant sa maitresse lui tourner le dos pour quitter l’échoppe à la recherche d’une autre. Hector avait visiblement choisit son camp, à moins que lui aussi fut hypnotisé par Agnès, puisqu’il la suivait.

Hector je te préviens, si tu la suis ça sera fini entre nous ! Hector…. Attention…. Hector ! Sal*ud !

Le juron s’écrasa sur la porte qui venait se refermer dans le dos de l’écorcheur. Le duc, bras ballants, chercha un mot de réconfort en regardant le marchand. Mais en découvrant le visage souriant de celui-ci, il comprit que le bougre était bien trop occupé à imaginer les pièces bourguigno-artésiennes rejoindre ses caisses.

Et il sourit comme un niais ! Je lui ferai placer sa tête sur un billot !

Et au balbuzard de prendre la sortie rejoignant sa dépensière de compagne.
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Gnia
Par-fait !
Le Duc avait à peine eu le temps de tenter de grommeler que déjà l'affaire était réglée et Agnès se dirigeait d'un pas sûr vers la suivante. Finalement, il s'avérait que la myriade d'étoffes que vomissaient chaque étal et échoppe n'était finalement plus aussi attrayante, une fois qu'elle était parvenue à faire entendre au Blanc Combaz toute l'utilité d'une frénésie d'achat compulsive. Il était temps de changer de quartier.
Quoique... Ce beau drap flamand de la plus belle facture qui soit, peut-être ? Ou bien ce coupon de lin ? Elle plissa le nez, jaugea un instant la boutique, hésita, avisa le faciès du Bourguignon qui les avait rattrapés et opta pour une retraite prudente.


Fuyons Hector... Il faut qu'il tienne jusqu'au quartier des orfèvres...

Maugréa-t-elle entre ses dents tout en se dirigeant à petits pas vers le coche.
Coche dont elle escalada lestement le marchepied pour atterrir sur l'une des banquettes où elle attendit avec un sourire ravi et angélique son souffre-douleur.
Sans donner l'impression d'être affectée outre mesure par la mauvaise trogne qu'il tirait, elle entama la seconde partie de son plan.
Tandis que la voiture cahotait sur les pavés, elle se lança dans un monologue destiné à argumenter sa cause et à surtout ne pas laisser en placer une au Blanc Combaz, voir même, si elle réussissait au delà de ses espérances sa perfidie, de le souler de paroles jusqu'à ce qu'il crie grâce.


Vous avez parfaitement raison mon beau Duc ! Ces vils marchands de frusques et oripeaux sont sournois et voleurs. Vous avez fort bien fait de m'avertir, j'aurai pu me laisser berner. Mais je nous emmène maintenant dans une échoppe dont la réputation nous parvient même jusque dans nos contrées du Sud, pourtant reculées et peuplées de bouseux sans goût - cela va sans dire. Maître Watelse est orfèvre de renom. On raconte que la petite Vergy - oui, oui, celle-la même qui est à présent la Dauphine - a dépensé toute sa dot chez lui et vous ne pourrez me contredire lorsque je dis que la Duquesita est en toute occasion fort digne et bien mise. De toutes façons, vous n'avez qu'à regarder à quel point je me sens nue.


Et de lever ses doigts en agitant les poignets devant le nez du Balbuzard, de tendre le cou, de mettre en avant son décolleté.


Pas de bracelet, pour unique bague mon sceau, pas de pendants d'oreilles, et pour unique collier cette vilaine chaîne et son méchant bout de ferraille en pendentif. J'ai l'air de rien ! Une comtesse sans au moins une bague à chaque doigt et des tas de bracelet autour des poignets ?!


Et qui chantait avec une voix qui, elle l'espérait enjôlerai sa proie.*

Ce n'est plus possible, mon beau Duc, il faut faire quelque chose im-mé-dia-te-ment !
D'ailleurs, nous sommes arrivés !



*[HRP : Le Tourbillon de Serge Rezvani par Jeanne Moreau.]
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Eusaias
Sans dans le coche tout bringuebalant que le baron ruminait sa défaite. Il avait écarté légèrement, à l’aide de l’index et du majeur, les rideaux afin de voir les échoppes défiler sous yeux. A chaque fois qu’une boutique défilait sans que le coche ne s’arrête, le balbuzard s’octroyait une victoire. Il tentait de fermer ses oreilles aux propos d’Agnès afin de ne pas avoir de nausée en pensant à tout cet argent perdu en futilité. Le Bourguignon avait beau chercher à comprendre ce qui était agréable dans le fait de se ruiner, il ne voyait pas. Même lorsqu’il avait tenté d’inverser mentalement les rôles et s’imaginant chez un forgeron digne de ce nom, entrain de découvrir une nouvelle bombarde se faire « démouler » à coup de maillet, il n’avait pu exprimer la même frénésie qu’Agnès. Non vider les bourses n’était vraiment fait que pour les femmes. Un rictus redressa ses babines sur cette dernière pensée. C’est quand elle parla de Watlese qu’il sursauta.

Agnès vous allez encore engraisser un porc de Bourgeois ! Vous allez nous ruiner et bientôt nous serons obligés de vendre des terres ! Rhaaaaaaa…

Son cri de désespoir se termina en râle puis en grimace. Elle allait vraiment le saigner et avait même prévenue que ça serait la Bourgogne qui paierait. Il ne releva les yeux de ses bottes que pour regarder s’agiter doigts et cou de la promise. Pour un peu, il les aurait croqués à pleines dents afin qu’elle les remballe vite de son côté du coche et ne cherche plus à le perturber.

Agnès je préfère cent fois « Comtesse sans bague que terre perdue ! ». Non mais on aura belle figure quand vous aurez de belles bagues mais rien dans votre gamelle ! Donc nous ne descendrons pas !

Mais le coche stoppa devant l’échoppe.

Agnès !

La comtesse descendit aidée par l’écorcheur.

Agnès m’entendez vous ? Agnès je vous sommes de vous arrêter ! Agnès….. M*rde !

Et au balbuzard de descendre du coche. Son premier objectif fut de monter sur le devant du coche et de faire pleuvoir sur le cochet une pluie de coup de coiffe à grand renfort de « crétin, foie jaune, andouille » et autres joyeusetés. Puis se recoiffant après avoir remis sa toque en état il rejoignit l’échoppe avant de voir une comtesse sortir, croulant sous le poids des bijoux.
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Gnia
VIII.

Les corps qui peuplent cette voûte du Ciel
Déconcertent ceux qui pensent.
Prend garde de perdre le bout du fil de la sagesse,
Car les guides eux-mêmes ont le vertige.
        Ainsi parlait Assad, pèlerin du Lion



[Avril 1459 - Bourgogne - Dijon, Palais des Ducs - A un détail près.]


Il avait fallu au moins vider une bonne carafe de vin et rebourrer deux ou trois fois la pipe en terre cuite avant de se résoudre à emprunter les couloirs du Palais ducal, à peu près déserts à cette heure avancée de la soirée, ce qui convenait parfaitement à la Saint Just.
Dernière hésitation devant la porte des appartements du Duc de Bourgogne sous l'oeil bovin des gardes de faction. Ils en avaient vu d'autres. Ce n'était pas la maîtresse beurrée comme un P'tit Lu de leur grand malade de régnant actuel qui se rongeait nerveusement l'ongle du petit doigt de la main droite tandis que la main gauche triturait la cicatrice sous la joue, là, plantée devant la porte sans se résoudre à entrer qui allait les faire sourciller plus que ça.


Oh puis merde !

Ce fut ce qui annonça l'entrée d'Agnès dans le cabinet de travail du Blanc Combaz qui de fait leva son faciès en lame de couteau du tas de paperasse qu'il compulsait. Sans lui laisser le temps de partir dans une longue discussion où il serait question de ses vastes projets ou des dernières idioties de son conseil ou pire encore, lui laisser une marge de manoeuvre propice à instaurer un climat libertin, la Comtesse prit une infime respiration avant de se lancer.

Eusaias, il faut que je vous entretienne de quelque chose qui me semble... hmm... important avant de quitter Dijon.

Mouais, ça c'était de l'entrée en matière délicate. Rien à dire...


Oui, j'escompte rentrer en Guyenne avant la fin de votre mandat finalement. Période électorale oblige. Vous comprendrez.

Vala, ça, c'était fait.
Le plus dur restait à venir.
Et évidemment, ce fut à cet instant que s'installa un silence gêné tandis que le regard azur cherchait désespérément l'ombre d'un flacon de Bourgogne, histoire de se donner du coeur à l'ouvrage.
L'objet de son affection ayant sonné l'alarme dans le sonar interne de la Saint Just - comprendre qu'elle avait repéré un beau liquide sombre prisonnier d'un écrin de cristal qui l'appelait incontinent à l'aide - elle s'ancra au guéridon qui portait le graal et s'en servit une grande rasade.
Transportant dans une main le flacon et dans l'autre un gobelet plein, elle s'approcha de la table de travail du Balbuzard qui la suivait du regard, l'air un poil inquiet de l'attitude étrange de l'artésienne. A moins qu'il ne maudisse intérieurement son goût un peu trop prononcé pour le chanvre. "Encore vos merdes..." Elle était prête à parier qu'il allait lui sortir d'un instant à l'autre.
Et pour cause.


Bon.
Puisqu'il semble que vous ne renonciez pas à l'idée de m'épouser puisque vous vous amusez déjà à l'annoncer haut et fort à qui veut l'entendre - et même qui ne veut pas - et que vous vous donnez en sus les moyens d'obtenir la bénédiction de mes suzerains, et que tout ceci ne parait être qu'une question de temps, il me semble judicieux de vous confier un détail crucial.


Une petite moue, le nez qui se fronce, un soupir agacé.
Et fi des pincettes. La diplomatie n'a jamais été le fort d'Agnès.


Notre fils a été baptisé à sa naissance.
Par un pasteur réformé.
Et son parrain est également ministre de la foi réformée.
A ma demande et selon ma volonté.


Et de lui tendre le godet de vin en espérant que le chemin emprunté pour lâcher sa confidence, comme une bouse bien fraîche qui viendrait étoiler les graviers d'une cour impeccablement ratissée, était suffisamment explicite pour ne pas qu'elle ait à s'y reprendre à plusieurs fois pour faire comprendre au Bourguignon qu'il s'apprêtait à prendre pour épouse une hérétique, clandestine certes, mais hérétique tout de même.
Tendre la coupe n'était pas simplement destiné à lui faire boire jusqu'à la lie le vinaigre qu'elle venait de lui servir, mais aussi à libérer sa main qui vint se nicher dans la poche de sa robe et enserrer la garde damasquinée de la dague dont le fourreau se lovait dans à la naissance de l'aine, à même la peau.
On n'est jamais trop prudent.

Les secrets même les plus terribles meurent quand en meurent les témoins.
*


*[HRP : Carmen Posadas]
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Eusaias
Un baiser, mais à tout prendre, qu'est-ce?
Un serment fait d'un peu plus près, une promesse
Plus précise, un aveu qui peut se confirmer,
Un point rose qu'on met sur l'i du verbe aimer;
C'est un secret qui prend la bouche pour oreille,
Un instant d'infini qui fait un bruit d'abeille,
Une communion ayant un goût de fleur,
Une façon d'un peu se respirer le coeur,
Et d'un peu se goûter au bord des lèvres, l'âme!

Edmond Rostand, Cyrano de Bergerac, Acte III, scène 10



[Avril 1459 - Bourgogne - Dijon, Palais des Ducs – Le nez sur le traité de Bouillon.]

Eusaias, il faut que je vous entretienne de quelque chose qui me semble... hmm... important avant de quitter Dijon.

Tout homme normalement constitué pourra vous dire mesdames que l’on sait d’avance que ça sent les emm*erdes à plein nez ce genre de phrase. C’est donc un Balbuzard fortement concentré sur sa maitresse qui se redressa. Le regard d’oiseau de proie venait de se fixer sur les lèvres, allait elle lui réclamer autre bijoux ? Ou encore de ces chanvres qui n’étaient plus utilisé de manière anesthésiante par la Saint Just.

Oui, j'escompte rentrer en Guyenne avant la fin de votre mandat finalement. Période électorale oblige. Vous comprendrez.

« Jusque là ça va ! » pensa-t-il. Après tout il avait lui aussi prévu de prendre le départ à un moment ou l’autre et savait pertinemment qu’ils devaient passer du temps en Guyenne. Elle ravirait le trône et lui éduquerait ces demi-anglais aux bonnes mœurs bourguignonnes. Ses doigts lâchèrent le traité sur les frontières du duché afin de se croiser sous son menton en guise d’appui tête.

Notre fils a été baptisé à sa naissance.
Par un pasteur réformé.
Et son parrain est également ministre de la foi réformée.
A ma demande et selon ma volonté.


« Jusque là ça va ! Mais non ça ne va pas ! » Les yeux du balbuzard se firent pénétrants et meurtriers. Les plats des mains vinrent claquer de toutes leurs forces sur le bureau faisant retentir un véritable coup de tonnerre. Quelques parchemins furent soulevés par le choc et avant de rejoindre le sol. Le revers de la main sec et brutal envoya voler la coupe à travers la salle. Le Bourguignon se dressa de toute sa stature avant de se mettre à « aboyer »

Comment avez-vous osé ? Me faire ça à moi ! Votre quasi époux ! Le père de votre fils ! Je n’ai donc nul mot à dire sur son avenir ?

Il quitta le bureau pour rejoindre l’Artésienne loin d’imaginer qu’une dague pouvait venir lui perforer la vie. Il planta son visage pointu et son aquilin face à l’Artésienne. Sa main arracha une caresse sur ce visage encore jeune qu’arborait la comtesse. Elle venait de lui faire une crasse, mais pouvait il lui en vouloir ? Evidemment que oui ! Au moins par mauvaise foi histoire de lui rappeler qui était l’homme.

On donnera Parfait au premier monastère trouvé, il suivra une vie monastique et deviendra plus tard prêtre afin de répandre la foi. Je devrais laver l’affront qu’a fait mon épouse et je m’engagerai aussi sur une voie religieuse afin de sauver votre âme madame mon épouse. Nous allons écrire à notre vassale de Lusigny afin qu’elle nous dirige aux bons endroits pour rejoindre l’inquisition. Nous sommes de bons aristoléciens Agnès, n’allez pas vous acoquiner avec les âmes en perdition. Ceci dit je vous pardonne et j’ose espérer que vous saurez à l’avenir éviter ce genre de chose.
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Gnia
Elle avait beau s'y attendre, au claquement annonciateur de l'orage à venir, elle tressaillit. Et lorsqu'il refusa d'un geste des plus inélégants la coupe tendue -faire voler la vaisselle au travers d'une pièce est normalement l'apanage des femmes - elle eut un mouvement de recul et resserra son poing sur la garde de sa courte dague. Puis, soutenant d'un regard étonnamment froid celui, furieux, du Balbuzard, elle le laissa postillonner sa colère.

Un instant de silence ponctua sa dernière tirade avant que la voix rauque de l'artésienne ne vienne lui répondre, dehors calme et intérieur bouillonnant.


Blanc Combaz, vous oubliez l'essentiel dans votre solution miracle.
C'est justement notre fils qui rend possible une quelconque idée d'union entre vous et moi. Décidez de son avenir différemment de celui que je souhaite lui donner et plus aucun possible héritier ne vient peser dans la balance.

Quant à ma foi et mes croyances, elles ne sont guère malléables à votre volonté. Plutôt que de tenter de me... réparer...
La bouche se tordit alors d'une moue méprisante acceptez ou renoncez.

L'Artésienne dans toute sa splendeur. Comment pouvait-on penser un seul instant faire entrer dans un moule de conventions un membre d'un peuple qui avait toujours résisté aux grands désirs de façonnage de ses voisins ? Agnès secoua la tête, le visage qui était resté grave jusqu'alors s'anima d'une profonde déception. Un pas en arrière avant qu'elle ne rétorque encore, vibrante d'émotions.

Parce que vous pensez qu'il ne s'agit là que d'un foutu caprice irréfléchi ? Comment pouvez-vous vous méprendre à ce point, Blanc Combaz ?
C'est justement être bon aristotélicien que de refuser qu'un clergé pourri à la moelle ne vienne dicter notre relation au Très Hauct, et s'interposer entre Lui et nous ! C'est votre âme qui se perd tandis que par hypocrisie vous souriez à ses prélats que vous savez fort bien menés non par la gloire du Très Hauct mais par la poursuite de leurs intérêts personnels. Tandis que vous acceptez les lourdeurs et l'arbitraire d'une administration poussive qui se meurt et ne sait que menacer, allant au rebours de la belle amitié aristotélicienne qu'elle prône !


Reprendre son souffle, calmer la sourde colère qui pointait, faire mouche si c'était encore possible.

Merde Digoine ! Vous voulez continuer à baiser les bagues de ceux qui vous ont ravi celle que vous chérissiez ?! J'ai peine à y croire !

Un nouveau pas en arrière car c'était probablement là le coup d'estoc qui pouvait déclencher une réaction démesurée. Pourtant, elle ne parvint point à retenir un haussement d'épaule las et un soupir qui signifiait "à quoi bon ?".
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Eusaias
Agnès ne soyez pas menteuse, cela ne vous va pas. Vous savez tout aussi bien que moi que vous allez-y gagner dans ce mariage. Ne suis-je pas la meilleure épée du royaume ? Ne suis-je pas un fin stratège ? Ne suis-je pas craint par la plupart des français ? Mes forces militaires personnelles feraient pâlir d’envie plus d’un régnant et tout ceci sera votre lorsque nous serons mariés. Allons Agnès, votre conquête du monde s’arrête au premier obstacle ? Ou alors, comme moi, vous ne prenez rien à la légère et évaluez les forces avant de faire un pas ? Vous avez l’influence, j’ai la force, vous le savez pertinemment et c’est bien pour cela que vous avez accepté ce mariage à mi-mot.

Il marqua une pause les onyx toujours plantés dans les azurs. Croyait-elle l’avoir aussi facilement ? Il espérait bien que non pour ne pas être déçu.

Vous avez manœuvré votre barque de manière à ce que je pense que je sois le seul à vouloir tel union, ainsi vous pouviez me réclamer vos caprices et vous faisiez d’une pierre deux coups. Agnès, me prenez vous pour un idiot ? Vous n’avez pas un seul moment imaginé que si j’acceptais vos caprices c’était pour vous laisser croire que vous dominiez ? Bien piètre mari j’aurai été à me faire dominer de la sorte. Enfin bon… Désormais vous savez que je sais.

Il fit quelques pas en direction de son épée, Victoria, qui trônait sur un support mural. Le cuir de la fusée mériterait d’être changé, et l’un des quillons devrait être réparé. Les nombreux combats avaient peu à peu raison de sa terrible épée, mais le Balbuzard craignait que le poids puisse changer en cas de réparation et ainsi perdre ses sensations. Le fourreau n’était guère en meilleur état, raccommodé en divers endroits un peu comme la carcasse du bourguignon. S’extirpant de la contemplation de la reitschwert pour s’inquiéter de son autre maitresse, celle de chair, il reprit :

Agnès, vous êtes « Dicé » de ce fait vous savez que l’enfant ne pourra hériter s’il n’est baptisé comme le souhaitent les romains. A quoi servirait de bâtir un empire si nous ne pouvons le transmettre ? Vos envies n’ont pas à contrecarrer nos plans communs. Je hais la plupart des romains et sachez que l’un de leurs inquisiteurs, Asdrubaelvect, est mort de main. Je l’ai abattu comme un chien dans la forêt dijonnaise et j’ai fait porter le chapeau à quelques va-nu-pieds que j’ai expédiés en enfer par la suite. Voyez mon amour pour eux et sachez madame mon épouse, que le prévôt romain ne sera pas le dernier à trépasser de ma main. Mais pour l’heure, Lionel Christos Parfait doit être baptisé comme on baptise à Rome et vous vous devez vous montrer sage. Vous êtes bien libre de vos convictions, tant que vous ne mettez pas bâton dans les roues de notre coche. Pour Aléanore, je vous conseille vivement de ne plus jamais parler d’elle pour me blesser, plus jamais…

Le ton était sans appel, le visage toujours fermé.
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Gnia
Etrangement, elle avait eu envie de rire.
Envie qu'elle réfréna tant l'atmosphère dans le bureau ducal semblait suspendue à un fil mais qui lui arracha tout de même un fin sourire en coin. Elle retira enfin les mains des poches de ses robes et elle parcourut la distance de sécurité qu'elle avait mise plus tôt entre le Balbuzard et elle.


Et bien, à la bonne heure donc. Aucun de nous n'est dupe du jeu que l'autre joue.
Evidemment que je sais où est mon intérêt dans cet hymen, sinon vous pouvez être bien sûr que vous auriez pu ruer et cabrer, rien n'y aurait fait.
Mais ni vous ni moi n'aimons la facilité pas plus que nous ne sommes bêtes dociles aisées à dresser.


Le visage de l'artésienne avait fini par se détendre. Elle s'enhardit même à venir prendre la main du Duc et la tenant fermement entre les deux siennes, elle poursuivit.

Je ne mens pas. Sinon, vous auriez appris ce genre de détail trop tard.
J'ai besoin de savoir si vous serez mon allié, envers et contre tout, car je ne conçois une union qu'à travers ce prisme. Deux sont plus forts qu'un, et les deux forment un tout dans lequel il ne doit pas y avoir de brèche.


Le regard, radouci, s'ancra dans celui d'Eusaias.

Encore une fois, ne vous méprenez pas.
Prudence et conservation m'ont toujours guidé et je tiens pas à ce que cela change demain.
Pensez-vous donc que je vous fasse telle confidence pour ensuite la faire au monde ?
A visage découvert, je ne sers en rien ma cause et mes convictions.
Alors bien évidemment, il me faudra dissimuler, encore. La clandestinité est le meilleur atout que je puisse offrir à mes coreligionnaires.
Qui vous parle de contrecarrer ?
Pour le reste du monde, je suis bonne aristotélicienne et me comporte comme telle, mais vous, qui sensément allez devenir mon allié, mon ami, mon soutien, mon étai, il faut que vous sachiez et qu'à votre tour vous ne vous mettiez pas en travers du chemin détourné que j'emprunte.
A défaut de m'y accompagner.


Un profond soupir souleva la poitrine d'Agnès tandis qu'elle porta contre elle la main qu'elle serrait toujours.

Au delà du serment qui doit nous unir, c'est un pacte que je vous propose.
Le Très Hauct en soit témoin. Et personne d'autre.

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Eusaias
Les doigts du balbuzard virent alors arracher une caresse sur cette poitrine artésienne. Agnès avait tout pour séduire son monde, la beauté, l’esprit et les titres les plus grands du royaume auraient pu être bien meilleur choix pour elle, si sa soif de conquête n’était pas démesurée. La comtesse était du genre à s’imposer, à refuser de courber l’échine si ce n’était pour mieux poignarder et de ce fait elle avait bien compris que son époux devait être taillé dans le même bois. Le Bourguignon dégela et se mit à sourire avec tendresse à Agnès.

Vous ferez parfaite épouse madame ma mie. Et je vous rassure déjà, je ne vous laisserai pas seule sur ce chemin bien détourné que vous empruntez. Oui car une fois mariée vous serez mienne et qui souhaitera vous inquiéter, qu’il soit en tord ou raison, aura à défendre sa vie face à moi.

Sa main valide vint remonter une de ses lourdes mèches noires jais qui venait de tomber sur la pointe de son nez aquilin. Le rapace passe celle-ci derrière son oreille alors qu’il fixait toujours attentivement sa promise.

Ne doutez plus de moi, vous avez le meilleur des alliés, soyez en rassurée. D’ailleurs je me dois d’écrire à vos suzerains, « Héraclès » vient de terminer le nettoyage des écuries d’Augias et bientôt le cerbère sera capturé.

Il retint à son tour un rire. Douze épreuves lui avaient été confiés à Saint Omer, douze épreuves pour montrer sa force, sa détermination et obtenir la main d’Agnès. Il lui en restait plus que trois et non les moindre. De cette union naitrait une puissance, il en était convaincu et chaque suzerain devait en ce cas préparer son vassal à cette force qui allait naitre. Toutefois chaque vassal devait plaire à son futur suzerain et il n’était pas aisé que cela soit compatible entre Agnès et Marie Alice. Il souffla un fois, un peu plus fort, avant de reprendre.

Ceci dit, ma belle, vous devrez rencontrer ma suzeraine. Sa seigneurie le Grand Maitre de France aimerait fortement savoir de qui va-t-elle hérité comme vassale. Vous la connaissez sans doute déjà un peu mais elle impose une discussion entre vous et elle. Chose qui me parait, naturel et signe de bienveillance à mon égard.

Aucunement les sentiments, pourtant bien présents du côté du balafré, ne furent évoqués. On n’épousait pas par amour, mais on épousait par intérêt chez les grands.
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