Alice_liddell
Ceci est un rp privé entre Eilinn Melani et Alice Liddell. Si vous voulez y participer, merci de contacter l'un des protagoniste.
Le titre du rp est une référence au second livre des aventures d'Alice par Lewis Caroll, Through the looking glass, and what Alice found there, traduit en français par De l'autre côté du miroir, et ce qu'Alice y trouva. Une traduction possible du titre, si on voulait garder la référence, pourrait donc être "De l'autre côté de la porte close, et ce qu'Alice y trouva".
http://www.youtube.com/watch?v=iNCXiMt1bR4
Le froid, la neige, le vent. Les flocons tourbillonnaient autour d'elle dans une valse folle. Alice leva péniblement la tête. Ses mains tenaient les bords d'une cape miteuse qu'elle fermait au mieux autour de ses épaules. Sous l'effet d'une bourrasque plus forte, elle plissa les yeux, laissant tout juste apparaître la moitié de ses iris pâles veinées de sang. Un très léger strabisme, quasiment invisible, rapprochait sa pupille gauche de son nez. Sa peau était d'une pâleur mortelle. Il semblait que la vie pouvait la quitter à tout moment, surtout par le froid mordant qui régnait dans la rue en cette nuit d'hiver. Derrière elle, ses cheveux de neige flottait dans le vent, se perdant entre les flocons. Grelottant, les lèvres tremblantes, elle saisit une nouvelle fois l'étoffe qui recouvrait ses épaules pour couvrir son corps, tout juste protégé de la tempête par une robe. Elle allait mourir ici. Elle en était sûr. La Bête Sans Nom allait rappeler l'être qu'elle avait créée.
Elle s'effondra sur un perron. Devant ses yeux, les dernières semaines défilèrent. La manière dont elle était traitée à l'orphelinat. Moins bien qu'un chien. On balançait les auges des enfants sur le sol. Il ne fallait pas gaspiller le précieux argent du diocèse pour des enfants qui n'en valaient même pas la peine. La vaisselle était tout juste rincée une fois l'an. En dehors des repas, on les laissait se terrer dans les coins sombres du bâtiment ou dormir sur les planches de bois de ce qu'on ne pouvait nommer autrement que leurs cellules. Enfin, ça c'était ce que les autres pouvaient faire. Elle, elle n'avait même pas le doit de sortir. Elle, elle était enfermée en permanence dans une pièce sombre. Tout ce qu'elle connaissait du monde, c'était ce qu'elle avait vu part la petite lucarne qui ornait le mur du fond de sa prison. Pour elle, l'univers se limitait à cette cellule et le carré qu'elle pouvait voir de sa fenêtre. Elle ne connaissait pas d'autre lumière que celle qui filtrait à travers ces barreaux. Mais c'était mieux ainsi. La lumière, ça faisait mal, ça brûlait les yeux. Il fallait mieux ne pas la voir.
Elle était maudite, elle le savait. Depuis sa naissance, elle le savait. C'était pour ça que sa mère l'avait amenée ici. Tout juste lui avait-elle laisser un nom. Parce que c'était obligé. Alice. Alice Liddell. Bien sûr, personne ne s'appelait Liddell dans la ville. Il fallait juste qu'elle ait un nom. Pour qu'elle puisse s'en débarrasser, de cette enfant maudite. Le révérend ne se lassait pas de lui décrire l'air de soulagement qu'avait sa mère quand elle est partie sans elle. Mais ça ne la faisait même plus réagir. Elle s'était habituée, à ça. Alors ça ne calmait plus le prêtre. Il était obligé de passer ses nerfs autrement. Elle recevait parfois tellement de coup dans le ventre qu'elle crachait du sang. Mais ce n'était pas grave. Ce n'était pas un péché. Elle n'était pas humaine. Ces yeux veinés de sang, cette peau trop pâle, cette peur du Soleil le prouvait bien, non ? Elle était juste un rejeton de la Bête Sans Nom. Une aberration qui n'aurait jamais du exister. Tout juste était soignée après cela. Ça aurait nuit à l'établissement que quelqu'un meurt entre ses murs.
Elle s'inventait tout un monde, seule, au fond de sa cellule. Un monde où elle n'était pas isolée, un monde où les gens acceptaient de lui parler. Un monde grand. Un monde beau. Et elle parlait ainsi, seule, dans la nuit de sa cellule. Elle parlait avec les gens qui peuplaient son esprit. Il fallait bien. Sans cela, son esprit se serait perdu depuis longtemps. Ils étaient gentils. Ils devaient bien exister quelque part, non ? Elle les trouverait. Elle se l'était promis.
Et puis un jour, alors qu'on lui apportait l'eau et le pain dur qui consistait son seul repas de la journée, il y eût un incident. Elle ne sut pas lequel. Elle s'en fichait. De toutes manières, c'étaient aux Autres que ça arrivait. A Ceux qui la détestaient. A Ceux qui se moquaient d'elle. A Ceux qui la maltraitaient. Quoiqu'ils leur arrivaient, c'était bien fait. Celle qui la nourrissait sortie cependant presque en courant en entendant le bruit. Elle oublia de fermer la porte. Il n'en fallut pas plus à Alice pour décider d'aller découvrir le monde. Sans plus réfléchir, elle prit le pain qu'elle glissa dans le col de sa robe dont la jupe partait en lambeau et sortie dans le couloir. Elle parvint à se glisser par une fenêtre dans le rue. Le soleil lui piqua les yeux, lui brûla la peau, mais elle pouvait enfin aller trouver les gens de ses rêves. Un grand sourire naquit sur ses lèvres.
Elle avait perdu le compte des jours, depuis ce moment. Elle ne faisait que marcher. Elle dormait le jour, dans des maisons abandonnées, sous des arbres ou au fond des ruelles les plus sombres. Elle n'arrivait pas à marcher le jour. La lumière du soleil lui faisait trop mal. Celle de la Lune était plus douce, plus calme. Elle arrivait même à la regarder en face. Elle était belle. Elle n'avait pu s'empêcher de sourire quand elle l'avait vu ronde. Elle la guidait dans sa quête, elle en était sûr. Alors, elle avait marchait. Elle avait suivi cette douce lumière, toute les nuit depuis qu'elle était partie. Elle mangeait ce qu'elle arrivait à voler au matin dans les villages. Ou ce que certaines personnes gentilles voulaient bien lui donner. Ou alors des baies qui lui semblaient jolies. Elle arrivait à survivre.
Mais plus maintenant. Là, sous ce porche, elle sentait peu à peu le froid l'envahir, ses membres devenir de plus en plus lourd, ses paupières se fermer. Elle avait été idiote de croire que le Très-Haut pourrait bénir un être comme elle. Il n'avait fait que ce jouer d'elle, Lui aussi. Il lui avait fait croire qu'elle pouvait vivre, Il lui avait d'abord donné l'espoir avant de le reprendre. Il n'avait fait que faire comme les autres. Et maintenant, on la rappelait. C'était peut-être mieux ainsi. Peut-être que Là-Bas la vie serait meilleure. Il y aurait peut-être d'autres personnes comme elle, qui pourront la comprendre. Le sommeil commençait peu à peu à engourdir ses pensés en plus de ses membres. Oui, dormir. Dormir et ne plus jamais se réveiller. Doucement, comme une plume, son petit corps s'affaissa, devant la porte, sous le regard ardent d'une salamandre.
****************
C'était un matin comme les autres pour Paul. Cela faisait six mois maintenant qu'il servait la maison Melani et la vicomtesse d'Avize. Il n'était qu'un simple serviteur, et ça lui suffisait bien. Il était logé et nourri de manière raisonnable, et la paye n'était pas mauvaise. Bon, parfois, la maîtresse était un peu capricieuse. Mais on ne pouvait pas attendre beaucoup d'autres choses d'une enfant, non ? Bien sûr, il serait peut-être temps qu'elle grandisse un peu. Mais enfin, elle était noble et connaissait suffisamment de personnes pour se permettre des excentricités. D'accord, certaines étaient un peu irritante, et il était parfois énervant de voir que les grands pouvaient se permettre d'être totalement déraisonnable quand pour sa part il avait du être adulte à douze ans. Mais ce n'était pas comme s'il pouvait y faire quelque chose, hein ?
On manquait justement de pain, aujourd'hui. Et s'il n'y en avait pas, la vicomtesse risquait encore de piquer sa colère. Enfin, si elle avait justement envie de pain. Mais on était jamais trop prudent. Alors on lui avait demander d'aller en acheter au plus vite, avant qu'on ne doive servir la maîtresse. Ce n'était pas vraiment son rôle habituel, mais il y avait plus désagréable que de courir jusqu'au meunier le plus proche. Prendre l'air lui permettrait en plus d'un peu mieux se réveiller. Se lever tous les jours à l'aube, en se couchant à point d'heure pour pouvoir satisfaire tous les désirs de la vicomtesse, ça aidait pas à un bon réveil. Il ouvrit donc la porte et pris son élan pour se rendre le plus vite possible à son but.
Sa marche fut stoppée nette. Et son esprit réveillé instantanément. En effet, tomber la tête la première dans une couche de plusieurs centimètres de neige, habituellement ça réveille efficacement n'importe quel être humain. Utilisant tous les jurons qu'il avait pu apprendre alors qu'il trainait avec les gamins des rues dans ses jeunes années, il se retourna pour voir ce qui l'avait fait ainsi tombé. Les mots s'étranglèrent dans sa gorge. Sur le seuil gisait une petite fille à la peau pâle et aux cheveux blancs, dans une robe blanche suffisamment légère pour qu'aucune des femmes qu'il connaissait n'acceptent de la porter même en été. Elle devait avoir huit ans, tout au plus. Paul resta quelques instants interdit. Elle semblait ne pas bouger. Elle était morte ? Non. Doucement, une main esquissa un signe et ses paupières semblèrent se plisser imperceptiblement, tandis qu'un petit gémissement sortait de sa gorge. Elle s'assit difficilement sur le seuil, comme si ses membres étaient gelés, puis, serrant d'une main la fripe qui la recouvrait jusqu'alors et s'essuyant les yeux de l'autre, elle demanda :
"Je suis où ?"
******************
Tout était noir. Alice avait l'impression de sombrer dans quelque de profond. D'infiniment profond. Elle se sentait tomber, encore et encore, sans fin. Elle sentait ses tourments s'en aller un à un. Pour la première fois de sa vie, elle se sentait presque bien. Elle aurait voulu que jamais ça ne s'arrête. Elle aurait voulu rester dans cet état pour toujours, sentir ses soucis s'envoler petit à petit. Se sentir de plus en plus légère, avoir l'impression de voler. Sauf que...
Elle eût l'impression qu'un cheval au galop lui rentrait dedans. Elle se sentit d'un seul coup durement ramené dans son corps. Elle sentit sa couverture glisser et la pierre froide lui mordre la peau. Elle sentit à nouveau la lourdeur de ses membres. Elle ne parvint tout d'abord pas à faire le moindre geste. Et puis, lentement, elle sentit à nouveau son bras, puis ses jambes, puis tout son corps. Tout était douloureux, et ce fut tout juste si elle arriva à se remettre debout. D'une main, elle se frotta les yeux. Elle sentait son esprit encore embrumé, grisé par la liberté de son rêve. Puis elle parvint à faire la netteté devant elle. Il y avait un homme avachi dans la neige qui la regardait avec de grands yeux. Encore ensommeillé, elle demanda sans bien s'en rendre compte :
"Je suis où ?"
Et puis, soudainement, une dure réalité s'imposa à elle. Son estomac décida de se rappeler à sa mémoire. La douleur envahi tout son ventre tandis que celui-ci se tordait pour lui faire comprendre qu'il avait besoin de nourriture. Elle baissa des yeux où se livrait une bataille entre l'étonnement et le sommeil, et dit d'une voix pâteuse :
"J'ai faim."
Elle ne vit ni n'entendit ce que répondait l'homme en face d'elle. Mais, après quelques instants, elle sentit qu'on la tirait par la main et qu'on l'entrainait à l'intérieur. Elle était trop faible pour faire quoique ce soit. Elle n'arrivait même pas à voir réellement net. Son corps refusait tout simplement d'obéir. Ils arrivèrent dans une grande pièces d'où venaient des odeurs qu'elle n'avait jamais senti mais qui arrivèrent à rendre son ventre encore plus douloureux. Des voix s'élevèrent autour d'elle. Elle n'arrivait pas à voir qui parlait ni ce qu'ils disaient. Puis on l'assit à la table. Elle n'avait jamais manger à une table. Comment elle devait faire ? On disposa alors de ces choses qui sentaient si bon devant elle. Les manières furent alors le dernier de ses soucis.
*****************
"J'ai faim."
L'enfant devant Paul semblait faible, au bords de l'évanouissement. On l'avait habitué faire ce qu'on lui demandait. Ce fut donc surtout par réflexe qu'il obéit. Il tendit gentiment une main à la petite fille en lui disant de le suivre. Elle sembla ne pas réagir. Elle semblait le regarder sans arriver à le voir. Elle avait quelque chose de dérangeant. Il n'arrivait pas à mettre le doigt dessus, mais elle avait quelque chose qui vous mettez mal à l'aise.
Mais ce n'était pas vraiment le moment de chercher. Elle semblait prête à rendre l'âme à chaque instant. Il se demandait même un peu comment elle pouvait être encore consciente. Sans plus attendre de réponse de la part de la gamine, il lui prit la main et l'entraîna jusqu'au cuisine. Là, il demanda au cuisinier de lui donner quelque chose à manger, quoique ce soit, puis l'assit à la table et lui dit qu'il allait revenir. Elle sembla, comme jusqu'alors, ne pas noter sa présence. Il sortit de la pièce. Il fallait quand même aller prévenir la vicomtesse de ce qu'il se passait entre ses murs. Sinon, c'était sûr, il allait en prendre plein la figure, et peut-être pas qu'au sens figuré.
Alors qu'il avançait à travers les couloirs, il parvint à mettre le doigt sur ce qui le dérangeait tant depuis qu'il avait vu la gamine. Ses yeux étaient rouges. Irisés de sang. Il accéléra le pas.
****************
Alice dévorait tout ce qu'elle avait devant elle en prenant à peine le temps de respirer. Elle ne savait pas depuis combien de jours elle n'avait pas pu manger, mais elle avait l'impression de n'avoir jamais rien connu de meilleur que de manger en cette instant. Ce qui était probablement vrai. Peu à peu, tandis que son estomac se remettait en marche pour digérer ce qu'on lui envoyait, ses esprit lui revinrent. Elle était dans une grande pièce, avec une table en bois au milieu, et plein d'ustensile en métal autour d'elle. Les derniers relents de fatigue quittèrent son esprit. Elle se rendit compte alors où elle était vraiment.
Dans une maison. Chez des gens.
Non. Elle ne pouvait pas être ici. Elle devait partir. Sinon, ils allaient la ramener là-bas. Elle allait encore être seule. Ils allaient encore la frapper. Elle allait encore avoir mal. Elle devait partir. Vite. Avant qu'ils l'enferment.
Sans plus réfléchir, elle posa ce qu'elle était entrain de manger, aussi bon que ce soit, et elle commença à se relever. Mais l'homme devant elle se retourna. Non. S'il la voyait, il allait l'empêcher de partir. Il allait lui faire du mal. Il ne fallait pas qu'il la voit si elle voulait pouvoir s'enfuir. Mais elle ne pouvait pas se cacher.
"Tu as finis de manger, demanda-t'il ?"
Alice continua de la regarder avec de grands yeux horrifiés. Elle n'écoutait pas ce qu'il lui disait. Il allait la frapper, c'était sûr. Elle hocha doucement la tête de droite à gauche, avec une peur intense peinte sur son visage. Elle allait encore avoir mal. Ils allaient encore lui faire mal. Elle ne voulait pas.
Se préparant à prendre un coup, elle se recroquevilla sur elle même, les larmes aux yeux. Rien ne venait, mais elle était sûre que ça allait venir. C'était toujours comme ça. Tout le monde la détestait. Tout le monde lui voulait du mal.
Ce fut à cet instant que la vicomtesse entra dans la pièce.
Le titre du rp est une référence au second livre des aventures d'Alice par Lewis Caroll, Through the looking glass, and what Alice found there, traduit en français par De l'autre côté du miroir, et ce qu'Alice y trouva. Une traduction possible du titre, si on voulait garder la référence, pourrait donc être "De l'autre côté de la porte close, et ce qu'Alice y trouva".
http://www.youtube.com/watch?v=iNCXiMt1bR4
Le froid, la neige, le vent. Les flocons tourbillonnaient autour d'elle dans une valse folle. Alice leva péniblement la tête. Ses mains tenaient les bords d'une cape miteuse qu'elle fermait au mieux autour de ses épaules. Sous l'effet d'une bourrasque plus forte, elle plissa les yeux, laissant tout juste apparaître la moitié de ses iris pâles veinées de sang. Un très léger strabisme, quasiment invisible, rapprochait sa pupille gauche de son nez. Sa peau était d'une pâleur mortelle. Il semblait que la vie pouvait la quitter à tout moment, surtout par le froid mordant qui régnait dans la rue en cette nuit d'hiver. Derrière elle, ses cheveux de neige flottait dans le vent, se perdant entre les flocons. Grelottant, les lèvres tremblantes, elle saisit une nouvelle fois l'étoffe qui recouvrait ses épaules pour couvrir son corps, tout juste protégé de la tempête par une robe. Elle allait mourir ici. Elle en était sûr. La Bête Sans Nom allait rappeler l'être qu'elle avait créée.
Elle s'effondra sur un perron. Devant ses yeux, les dernières semaines défilèrent. La manière dont elle était traitée à l'orphelinat. Moins bien qu'un chien. On balançait les auges des enfants sur le sol. Il ne fallait pas gaspiller le précieux argent du diocèse pour des enfants qui n'en valaient même pas la peine. La vaisselle était tout juste rincée une fois l'an. En dehors des repas, on les laissait se terrer dans les coins sombres du bâtiment ou dormir sur les planches de bois de ce qu'on ne pouvait nommer autrement que leurs cellules. Enfin, ça c'était ce que les autres pouvaient faire. Elle, elle n'avait même pas le doit de sortir. Elle, elle était enfermée en permanence dans une pièce sombre. Tout ce qu'elle connaissait du monde, c'était ce qu'elle avait vu part la petite lucarne qui ornait le mur du fond de sa prison. Pour elle, l'univers se limitait à cette cellule et le carré qu'elle pouvait voir de sa fenêtre. Elle ne connaissait pas d'autre lumière que celle qui filtrait à travers ces barreaux. Mais c'était mieux ainsi. La lumière, ça faisait mal, ça brûlait les yeux. Il fallait mieux ne pas la voir.
Elle était maudite, elle le savait. Depuis sa naissance, elle le savait. C'était pour ça que sa mère l'avait amenée ici. Tout juste lui avait-elle laisser un nom. Parce que c'était obligé. Alice. Alice Liddell. Bien sûr, personne ne s'appelait Liddell dans la ville. Il fallait juste qu'elle ait un nom. Pour qu'elle puisse s'en débarrasser, de cette enfant maudite. Le révérend ne se lassait pas de lui décrire l'air de soulagement qu'avait sa mère quand elle est partie sans elle. Mais ça ne la faisait même plus réagir. Elle s'était habituée, à ça. Alors ça ne calmait plus le prêtre. Il était obligé de passer ses nerfs autrement. Elle recevait parfois tellement de coup dans le ventre qu'elle crachait du sang. Mais ce n'était pas grave. Ce n'était pas un péché. Elle n'était pas humaine. Ces yeux veinés de sang, cette peau trop pâle, cette peur du Soleil le prouvait bien, non ? Elle était juste un rejeton de la Bête Sans Nom. Une aberration qui n'aurait jamais du exister. Tout juste était soignée après cela. Ça aurait nuit à l'établissement que quelqu'un meurt entre ses murs.
Elle s'inventait tout un monde, seule, au fond de sa cellule. Un monde où elle n'était pas isolée, un monde où les gens acceptaient de lui parler. Un monde grand. Un monde beau. Et elle parlait ainsi, seule, dans la nuit de sa cellule. Elle parlait avec les gens qui peuplaient son esprit. Il fallait bien. Sans cela, son esprit se serait perdu depuis longtemps. Ils étaient gentils. Ils devaient bien exister quelque part, non ? Elle les trouverait. Elle se l'était promis.
Et puis un jour, alors qu'on lui apportait l'eau et le pain dur qui consistait son seul repas de la journée, il y eût un incident. Elle ne sut pas lequel. Elle s'en fichait. De toutes manières, c'étaient aux Autres que ça arrivait. A Ceux qui la détestaient. A Ceux qui se moquaient d'elle. A Ceux qui la maltraitaient. Quoiqu'ils leur arrivaient, c'était bien fait. Celle qui la nourrissait sortie cependant presque en courant en entendant le bruit. Elle oublia de fermer la porte. Il n'en fallut pas plus à Alice pour décider d'aller découvrir le monde. Sans plus réfléchir, elle prit le pain qu'elle glissa dans le col de sa robe dont la jupe partait en lambeau et sortie dans le couloir. Elle parvint à se glisser par une fenêtre dans le rue. Le soleil lui piqua les yeux, lui brûla la peau, mais elle pouvait enfin aller trouver les gens de ses rêves. Un grand sourire naquit sur ses lèvres.
Elle avait perdu le compte des jours, depuis ce moment. Elle ne faisait que marcher. Elle dormait le jour, dans des maisons abandonnées, sous des arbres ou au fond des ruelles les plus sombres. Elle n'arrivait pas à marcher le jour. La lumière du soleil lui faisait trop mal. Celle de la Lune était plus douce, plus calme. Elle arrivait même à la regarder en face. Elle était belle. Elle n'avait pu s'empêcher de sourire quand elle l'avait vu ronde. Elle la guidait dans sa quête, elle en était sûr. Alors, elle avait marchait. Elle avait suivi cette douce lumière, toute les nuit depuis qu'elle était partie. Elle mangeait ce qu'elle arrivait à voler au matin dans les villages. Ou ce que certaines personnes gentilles voulaient bien lui donner. Ou alors des baies qui lui semblaient jolies. Elle arrivait à survivre.
Mais plus maintenant. Là, sous ce porche, elle sentait peu à peu le froid l'envahir, ses membres devenir de plus en plus lourd, ses paupières se fermer. Elle avait été idiote de croire que le Très-Haut pourrait bénir un être comme elle. Il n'avait fait que ce jouer d'elle, Lui aussi. Il lui avait fait croire qu'elle pouvait vivre, Il lui avait d'abord donné l'espoir avant de le reprendre. Il n'avait fait que faire comme les autres. Et maintenant, on la rappelait. C'était peut-être mieux ainsi. Peut-être que Là-Bas la vie serait meilleure. Il y aurait peut-être d'autres personnes comme elle, qui pourront la comprendre. Le sommeil commençait peu à peu à engourdir ses pensés en plus de ses membres. Oui, dormir. Dormir et ne plus jamais se réveiller. Doucement, comme une plume, son petit corps s'affaissa, devant la porte, sous le regard ardent d'une salamandre.
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C'était un matin comme les autres pour Paul. Cela faisait six mois maintenant qu'il servait la maison Melani et la vicomtesse d'Avize. Il n'était qu'un simple serviteur, et ça lui suffisait bien. Il était logé et nourri de manière raisonnable, et la paye n'était pas mauvaise. Bon, parfois, la maîtresse était un peu capricieuse. Mais on ne pouvait pas attendre beaucoup d'autres choses d'une enfant, non ? Bien sûr, il serait peut-être temps qu'elle grandisse un peu. Mais enfin, elle était noble et connaissait suffisamment de personnes pour se permettre des excentricités. D'accord, certaines étaient un peu irritante, et il était parfois énervant de voir que les grands pouvaient se permettre d'être totalement déraisonnable quand pour sa part il avait du être adulte à douze ans. Mais ce n'était pas comme s'il pouvait y faire quelque chose, hein ?
On manquait justement de pain, aujourd'hui. Et s'il n'y en avait pas, la vicomtesse risquait encore de piquer sa colère. Enfin, si elle avait justement envie de pain. Mais on était jamais trop prudent. Alors on lui avait demander d'aller en acheter au plus vite, avant qu'on ne doive servir la maîtresse. Ce n'était pas vraiment son rôle habituel, mais il y avait plus désagréable que de courir jusqu'au meunier le plus proche. Prendre l'air lui permettrait en plus d'un peu mieux se réveiller. Se lever tous les jours à l'aube, en se couchant à point d'heure pour pouvoir satisfaire tous les désirs de la vicomtesse, ça aidait pas à un bon réveil. Il ouvrit donc la porte et pris son élan pour se rendre le plus vite possible à son but.
Sa marche fut stoppée nette. Et son esprit réveillé instantanément. En effet, tomber la tête la première dans une couche de plusieurs centimètres de neige, habituellement ça réveille efficacement n'importe quel être humain. Utilisant tous les jurons qu'il avait pu apprendre alors qu'il trainait avec les gamins des rues dans ses jeunes années, il se retourna pour voir ce qui l'avait fait ainsi tombé. Les mots s'étranglèrent dans sa gorge. Sur le seuil gisait une petite fille à la peau pâle et aux cheveux blancs, dans une robe blanche suffisamment légère pour qu'aucune des femmes qu'il connaissait n'acceptent de la porter même en été. Elle devait avoir huit ans, tout au plus. Paul resta quelques instants interdit. Elle semblait ne pas bouger. Elle était morte ? Non. Doucement, une main esquissa un signe et ses paupières semblèrent se plisser imperceptiblement, tandis qu'un petit gémissement sortait de sa gorge. Elle s'assit difficilement sur le seuil, comme si ses membres étaient gelés, puis, serrant d'une main la fripe qui la recouvrait jusqu'alors et s'essuyant les yeux de l'autre, elle demanda :
"Je suis où ?"
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Tout était noir. Alice avait l'impression de sombrer dans quelque de profond. D'infiniment profond. Elle se sentait tomber, encore et encore, sans fin. Elle sentait ses tourments s'en aller un à un. Pour la première fois de sa vie, elle se sentait presque bien. Elle aurait voulu que jamais ça ne s'arrête. Elle aurait voulu rester dans cet état pour toujours, sentir ses soucis s'envoler petit à petit. Se sentir de plus en plus légère, avoir l'impression de voler. Sauf que...
Elle eût l'impression qu'un cheval au galop lui rentrait dedans. Elle se sentit d'un seul coup durement ramené dans son corps. Elle sentit sa couverture glisser et la pierre froide lui mordre la peau. Elle sentit à nouveau la lourdeur de ses membres. Elle ne parvint tout d'abord pas à faire le moindre geste. Et puis, lentement, elle sentit à nouveau son bras, puis ses jambes, puis tout son corps. Tout était douloureux, et ce fut tout juste si elle arriva à se remettre debout. D'une main, elle se frotta les yeux. Elle sentait son esprit encore embrumé, grisé par la liberté de son rêve. Puis elle parvint à faire la netteté devant elle. Il y avait un homme avachi dans la neige qui la regardait avec de grands yeux. Encore ensommeillé, elle demanda sans bien s'en rendre compte :
"Je suis où ?"
Et puis, soudainement, une dure réalité s'imposa à elle. Son estomac décida de se rappeler à sa mémoire. La douleur envahi tout son ventre tandis que celui-ci se tordait pour lui faire comprendre qu'il avait besoin de nourriture. Elle baissa des yeux où se livrait une bataille entre l'étonnement et le sommeil, et dit d'une voix pâteuse :
"J'ai faim."
Elle ne vit ni n'entendit ce que répondait l'homme en face d'elle. Mais, après quelques instants, elle sentit qu'on la tirait par la main et qu'on l'entrainait à l'intérieur. Elle était trop faible pour faire quoique ce soit. Elle n'arrivait même pas à voir réellement net. Son corps refusait tout simplement d'obéir. Ils arrivèrent dans une grande pièces d'où venaient des odeurs qu'elle n'avait jamais senti mais qui arrivèrent à rendre son ventre encore plus douloureux. Des voix s'élevèrent autour d'elle. Elle n'arrivait pas à voir qui parlait ni ce qu'ils disaient. Puis on l'assit à la table. Elle n'avait jamais manger à une table. Comment elle devait faire ? On disposa alors de ces choses qui sentaient si bon devant elle. Les manières furent alors le dernier de ses soucis.
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"J'ai faim."
L'enfant devant Paul semblait faible, au bords de l'évanouissement. On l'avait habitué faire ce qu'on lui demandait. Ce fut donc surtout par réflexe qu'il obéit. Il tendit gentiment une main à la petite fille en lui disant de le suivre. Elle sembla ne pas réagir. Elle semblait le regarder sans arriver à le voir. Elle avait quelque chose de dérangeant. Il n'arrivait pas à mettre le doigt dessus, mais elle avait quelque chose qui vous mettez mal à l'aise.
Mais ce n'était pas vraiment le moment de chercher. Elle semblait prête à rendre l'âme à chaque instant. Il se demandait même un peu comment elle pouvait être encore consciente. Sans plus attendre de réponse de la part de la gamine, il lui prit la main et l'entraîna jusqu'au cuisine. Là, il demanda au cuisinier de lui donner quelque chose à manger, quoique ce soit, puis l'assit à la table et lui dit qu'il allait revenir. Elle sembla, comme jusqu'alors, ne pas noter sa présence. Il sortit de la pièce. Il fallait quand même aller prévenir la vicomtesse de ce qu'il se passait entre ses murs. Sinon, c'était sûr, il allait en prendre plein la figure, et peut-être pas qu'au sens figuré.
Alors qu'il avançait à travers les couloirs, il parvint à mettre le doigt sur ce qui le dérangeait tant depuis qu'il avait vu la gamine. Ses yeux étaient rouges. Irisés de sang. Il accéléra le pas.
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Alice dévorait tout ce qu'elle avait devant elle en prenant à peine le temps de respirer. Elle ne savait pas depuis combien de jours elle n'avait pas pu manger, mais elle avait l'impression de n'avoir jamais rien connu de meilleur que de manger en cette instant. Ce qui était probablement vrai. Peu à peu, tandis que son estomac se remettait en marche pour digérer ce qu'on lui envoyait, ses esprit lui revinrent. Elle était dans une grande pièce, avec une table en bois au milieu, et plein d'ustensile en métal autour d'elle. Les derniers relents de fatigue quittèrent son esprit. Elle se rendit compte alors où elle était vraiment.
Dans une maison. Chez des gens.
Non. Elle ne pouvait pas être ici. Elle devait partir. Sinon, ils allaient la ramener là-bas. Elle allait encore être seule. Ils allaient encore la frapper. Elle allait encore avoir mal. Elle devait partir. Vite. Avant qu'ils l'enferment.
Sans plus réfléchir, elle posa ce qu'elle était entrain de manger, aussi bon que ce soit, et elle commença à se relever. Mais l'homme devant elle se retourna. Non. S'il la voyait, il allait l'empêcher de partir. Il allait lui faire du mal. Il ne fallait pas qu'il la voit si elle voulait pouvoir s'enfuir. Mais elle ne pouvait pas se cacher.
"Tu as finis de manger, demanda-t'il ?"
Alice continua de la regarder avec de grands yeux horrifiés. Elle n'écoutait pas ce qu'il lui disait. Il allait la frapper, c'était sûr. Elle hocha doucement la tête de droite à gauche, avec une peur intense peinte sur son visage. Elle allait encore avoir mal. Ils allaient encore lui faire mal. Elle ne voulait pas.
Se préparant à prendre un coup, elle se recroquevilla sur elle même, les larmes aux yeux. Rien ne venait, mais elle était sûre que ça allait venir. C'était toujours comme ça. Tout le monde la détestait. Tout le monde lui voulait du mal.
Ce fut à cet instant que la vicomtesse entra dans la pièce.