Blanche_
Dans la pénombre de la chambre, les yeux de Blanche saccommodaient mal. Au début, même, elle avait haï ces planches placardées aux fenêtres, qui coupaient les rayons de soleil et n'en laissaient passer que des lueurs diffuses, mal-aimées, rouges ondulantes au petit matin, et qui devenaient presque blanches, quoique toujours entre coupées, sitôt que le zénith était atteint.
Après deux jours, les yeux enfin s'étaient habitués. Mais l'esprit, lui, refusait à s'obstiner une solitude obligatoire, et qu'on lui obtenait à renfort de gros efforts, de changements dans les habitudes du personnel, pour que rien, rien du tout, ne puisse troubler le repos de l'ex-parturiente. Mais à défaut de pouvoir l'exprimer, car elle en était désormais bien incapable, l'obscurité dans sa chambre, et les fioles médicinales à son chevet la rendaient bien aigrie ; et elle aurait été, si la fatigue et son délire ne lentraînaient pas régulièrement dans les songes, outrée de savoir qu'on usa sur elle les mains d'un médecin, et d'une peuplade de domestiques formés aux soins médicaux.
Elle n'avait plus conscience que son corps, sous la ceinture crème et le sachet plein de racines de Sainte Marguerite -qu'on lui avait enlevé sans qu'elle le sache, car le cordon, enserrant le ventre sous sa sphère boursouflé, peinait à son rôle originel*- son corps, donc, ne se mouvait plus. Elle ne sentait plus ses jambes, bien trop lourdes et cachées dans les pans du lit et les fourrures qui le surplombaient en amas brun. Elle ne sentait plus ses bras non plus, mais l'on avait, à l'occasion de sa dernière toilette, disposée l'une de ses mains à plat sur le lit, et la direction donnée à sa tête lui permettait, lorsqu'elle prenait conscience, de constater la vivacité de son état par des brusques tressaillements dans les doigts.
La nuque raide, et très lourde, elle s'employa à retourner le cou vers la porte, d'où une lueur plus intense traversait les chambranles. Le petit matin, aux rayons des fenêtres, n'avait pas encore atteint de teintes orangées, et se contentait de rayons diffus, bleu clair.
Brusquement,la porte s'ouvrit. Mais à la lumière de la petite bougie, les yeux fuirent et se cachèrent derrière leur linceul de peau fatiguée. Elle était tarie. Et son air mutin et enjôleur, se souvenant des dernières interminables heures, n'avait de cesse de quitter le monde, et se complaisait au pays des songes.
Si bien, que lorsque la main chaude toucha la sienne, aucun doigt ne répondit. Blanche, déjà, s'était rendormie.
* en effet, on disait alors des racines de sainte Marguerite qu'il rendait le travail plus facile, et moins douloureux.
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Après deux jours, les yeux enfin s'étaient habitués. Mais l'esprit, lui, refusait à s'obstiner une solitude obligatoire, et qu'on lui obtenait à renfort de gros efforts, de changements dans les habitudes du personnel, pour que rien, rien du tout, ne puisse troubler le repos de l'ex-parturiente. Mais à défaut de pouvoir l'exprimer, car elle en était désormais bien incapable, l'obscurité dans sa chambre, et les fioles médicinales à son chevet la rendaient bien aigrie ; et elle aurait été, si la fatigue et son délire ne lentraînaient pas régulièrement dans les songes, outrée de savoir qu'on usa sur elle les mains d'un médecin, et d'une peuplade de domestiques formés aux soins médicaux.
Elle n'avait plus conscience que son corps, sous la ceinture crème et le sachet plein de racines de Sainte Marguerite -qu'on lui avait enlevé sans qu'elle le sache, car le cordon, enserrant le ventre sous sa sphère boursouflé, peinait à son rôle originel*- son corps, donc, ne se mouvait plus. Elle ne sentait plus ses jambes, bien trop lourdes et cachées dans les pans du lit et les fourrures qui le surplombaient en amas brun. Elle ne sentait plus ses bras non plus, mais l'on avait, à l'occasion de sa dernière toilette, disposée l'une de ses mains à plat sur le lit, et la direction donnée à sa tête lui permettait, lorsqu'elle prenait conscience, de constater la vivacité de son état par des brusques tressaillements dans les doigts.
La nuque raide, et très lourde, elle s'employa à retourner le cou vers la porte, d'où une lueur plus intense traversait les chambranles. Le petit matin, aux rayons des fenêtres, n'avait pas encore atteint de teintes orangées, et se contentait de rayons diffus, bleu clair.
Brusquement,la porte s'ouvrit. Mais à la lumière de la petite bougie, les yeux fuirent et se cachèrent derrière leur linceul de peau fatiguée. Elle était tarie. Et son air mutin et enjôleur, se souvenant des dernières interminables heures, n'avait de cesse de quitter le monde, et se complaisait au pays des songes.
Si bien, que lorsque la main chaude toucha la sienne, aucun doigt ne répondit. Blanche, déjà, s'était rendormie.
* en effet, on disait alors des racines de sainte Marguerite qu'il rendait le travail plus facile, et moins douloureux.
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