Anseis
[au même moment
]
Comment se diriger lorsquune pluie si dense cachait tout ce qui se trouvait à plus dun pas de distance, et ce avec plus de succès que le plus épais brouillard ? Comment la retrouver alors que les sens, auxquels généralement il se confiait, se trouvaient eux-mêmes désorientés au bruit incessant des milliers de gouttes et cette odeur forte et omniprésente dhumidité ?
Serrant toujours contre lui la couverture roulée en boule il avait persisté à avancer, chassant lonce de raison qui lui soufflait que personne mis à part lui devait se trouver dehors par tel temps.
Il était pourtant écrit, cette nuit, que nul ne pourrait sopposer au joug imposé par les cieux. Ses chausses usées manquèrent plusieurs fois de le faire glisser par delà les remparts, et ce fut presque par miracle quil put atteindre une des tours de garde. Sans clef, il navait pu y entrer pour se mettre au sec, mais avait trouvé néanmoins abri partiel contre le mur.
Le temps continua de sécouler, rythmé par le son régulier de londe, parfois interrompu par de bruyants craquements. Cependant, cette terrible tempête commença à perdre de sa vigueur à lannonce de laurore, comme si elle avait puisé ses forces aux bonnes grâces de la nuit.
Mais cest à peine sil remarqua le changement, continuant de fixer dun regard vide lhorizon. Nayant pris la peine dessuyer son visage dégoulinant de pluie, il laissait vagabonder ses pensées à sa recherche. Venaient les images de son échoppe de tisserande, proche des remparts, et par la fenêtre de laquelle il avait eu le bonheur un soir, de voir se dessiner lombre de son profil, à la faveur dune bougie allumée. Celles des remparts sur lesquels il se tenait, grelottant. Combien de fois, ces derniers jours, avait-il tourné son regard pour observer la gracieuse silhouette, immobile ou bien encore se déplaçant avec tout le silence dont elle pouvait sentourer.
Le bruit dun clapotis le fit quitter son rêve éveillé. Instinctivement, il porta la main vers sa dague, lorsquune forme assurément verte apparu un peu plus loin sur les remparts. Il fallu quelques temps à Anseis pour comprendre quil ne sagissait que dune jeune femme prenant apparemment grand plaisir à sauter dans chacune des flaques qui sétaient formées sur le chemin de ronde. Le jour sétait levé sans quil ne le réalise, chassant les dernières ondées et seul le bruit de leau dans les gouttières se faisait maintenant entendre.
Ce nest quà ce moment quil remarqua une autre forme, un peu plus loin sur les remparts, séparée de lui de trois tours. Le vent frais ne put empêcher la chaleur denvahir ses joues lorsquil réalisa quelle navait été quà quelques centaines de pas pendant tout ce temps et quelle lavait peut-être remarqué. Dun pas dabord lent puis plus pressant, il reprit sa marche délaissée quelques heures plus tôt, chacun de ses pas accompagné du bruit spongieux de ses chausses emplies deau.
Continuant de lobserver, Anseis replongea dans ses pensées, superposant limage de la jeune femme à une autre. Celle plus lointaine de leur première rencontre. Daussi loin que remontaient ses souvenirs, elle avait représenté grâce et harmonie. Pourtant jamais naurait-il imaginé avant que la porte de cette petite échoppe du Mans ne souvre pour la dévoiler, combien le temps et la civilisation avaient su apporter au magnifique joyau quelle avait toujours été un splendide écrin relevant - bien que cela aurait semblé impossible sa beauté.
Arrivé à quelques pieds dElaïs, il sarrêta, imaginant combien misérable il devait paraître à ce moment là, la seule partie non humide devant être la couverture quil continuait de serrer contre lui.
Combien aurait-il voulu pouvoir lui dire tous les mots et pensées qui lui venaient à lesprit en sa présence, ou tout simplement lorsquil pensait à elle. Combien aurait-il voulu avouer toutes les nuits sur les remparts dHonfleur et des autres villes traversées, passées à se remémorer chacun de ses gestes, chaque trait de son visage.
Mais comme souvent, le cur qui navait jamais de mal à dominer les pensées, peinait à les exprimer. Et le sourire quil lui adressa semblait être tout ce quil put lui offrir, quand bien même ses yeux devaient avouer beaucoup plus. Chassant dune main un peu de la pluie qui avait réussi à atteindre la couverture, il la tendit à la jeune femme, descellant finalement ses lèvres.
vous risquez dattraper froid ainsi
Comment se diriger lorsquune pluie si dense cachait tout ce qui se trouvait à plus dun pas de distance, et ce avec plus de succès que le plus épais brouillard ? Comment la retrouver alors que les sens, auxquels généralement il se confiait, se trouvaient eux-mêmes désorientés au bruit incessant des milliers de gouttes et cette odeur forte et omniprésente dhumidité ?
Serrant toujours contre lui la couverture roulée en boule il avait persisté à avancer, chassant lonce de raison qui lui soufflait que personne mis à part lui devait se trouver dehors par tel temps.
Il était pourtant écrit, cette nuit, que nul ne pourrait sopposer au joug imposé par les cieux. Ses chausses usées manquèrent plusieurs fois de le faire glisser par delà les remparts, et ce fut presque par miracle quil put atteindre une des tours de garde. Sans clef, il navait pu y entrer pour se mettre au sec, mais avait trouvé néanmoins abri partiel contre le mur.
Le temps continua de sécouler, rythmé par le son régulier de londe, parfois interrompu par de bruyants craquements. Cependant, cette terrible tempête commença à perdre de sa vigueur à lannonce de laurore, comme si elle avait puisé ses forces aux bonnes grâces de la nuit.
Mais cest à peine sil remarqua le changement, continuant de fixer dun regard vide lhorizon. Nayant pris la peine dessuyer son visage dégoulinant de pluie, il laissait vagabonder ses pensées à sa recherche. Venaient les images de son échoppe de tisserande, proche des remparts, et par la fenêtre de laquelle il avait eu le bonheur un soir, de voir se dessiner lombre de son profil, à la faveur dune bougie allumée. Celles des remparts sur lesquels il se tenait, grelottant. Combien de fois, ces derniers jours, avait-il tourné son regard pour observer la gracieuse silhouette, immobile ou bien encore se déplaçant avec tout le silence dont elle pouvait sentourer.
Le bruit dun clapotis le fit quitter son rêve éveillé. Instinctivement, il porta la main vers sa dague, lorsquune forme assurément verte apparu un peu plus loin sur les remparts. Il fallu quelques temps à Anseis pour comprendre quil ne sagissait que dune jeune femme prenant apparemment grand plaisir à sauter dans chacune des flaques qui sétaient formées sur le chemin de ronde. Le jour sétait levé sans quil ne le réalise, chassant les dernières ondées et seul le bruit de leau dans les gouttières se faisait maintenant entendre.
Ce nest quà ce moment quil remarqua une autre forme, un peu plus loin sur les remparts, séparée de lui de trois tours. Le vent frais ne put empêcher la chaleur denvahir ses joues lorsquil réalisa quelle navait été quà quelques centaines de pas pendant tout ce temps et quelle lavait peut-être remarqué. Dun pas dabord lent puis plus pressant, il reprit sa marche délaissée quelques heures plus tôt, chacun de ses pas accompagné du bruit spongieux de ses chausses emplies deau.
Continuant de lobserver, Anseis replongea dans ses pensées, superposant limage de la jeune femme à une autre. Celle plus lointaine de leur première rencontre. Daussi loin que remontaient ses souvenirs, elle avait représenté grâce et harmonie. Pourtant jamais naurait-il imaginé avant que la porte de cette petite échoppe du Mans ne souvre pour la dévoiler, combien le temps et la civilisation avaient su apporter au magnifique joyau quelle avait toujours été un splendide écrin relevant - bien que cela aurait semblé impossible sa beauté.
Arrivé à quelques pieds dElaïs, il sarrêta, imaginant combien misérable il devait paraître à ce moment là, la seule partie non humide devant être la couverture quil continuait de serrer contre lui.
Combien aurait-il voulu pouvoir lui dire tous les mots et pensées qui lui venaient à lesprit en sa présence, ou tout simplement lorsquil pensait à elle. Combien aurait-il voulu avouer toutes les nuits sur les remparts dHonfleur et des autres villes traversées, passées à se remémorer chacun de ses gestes, chaque trait de son visage.
Mais comme souvent, le cur qui navait jamais de mal à dominer les pensées, peinait à les exprimer. Et le sourire quil lui adressa semblait être tout ce quil put lui offrir, quand bien même ses yeux devaient avouer beaucoup plus. Chassant dune main un peu de la pluie qui avait réussi à atteindre la couverture, il la tendit à la jeune femme, descellant finalement ses lèvres.
vous risquez dattraper froid ainsi