Anseis
[Murat : Laccueil dune fleur]
Une goutte de rosée se détacha, la quittant pour rejoindre le sol. Reprenant contenance, la chrysanthème ramena ses pétales légèrement pour que telle chose ne se produisit de nouveau. Elle avait su se montrer patiente jusque là et navait lintention de gâcher le tout par quelconque folie. Toute la nuit durant sétait-elle tenue droite et renfermée afin de récolter les fines particules dispensées par la brume nocturne, et avait attendu le matin pour souvrir enfin et les distribuer harmonieusement sur sa robe rosée.
La patience était son maitre-mot. Elle avait observé sans broncher les rieuses fleurs de printemps : frêles jacinthes aux couleurs pastel, contrastant avec les resplendissants iris ou encore les prétentieuses narcisses venues du sud. Et son bourgeon réchauffé par le puissant phaéton navait cédé aux tentations des lis durant lété. Elle savait que son temps viendrait et que lorsque toutes ses fleurs ne seraient plus que souvenirs, alors pourrait-elle souvrir au monde et caresser les yeux des curieux.
Les grains glissèrent lentement dans le sablier du temps jusquau moment, il y a quelques matins de cela, où elle osa timidement dévoiler quelques un de ses atours. Depuis chaque aurore avait assisté à ce rituel alors que, bravant la fraicheur matinale, elle se montrait plus resplendissante.
Une nouvelle goutte quitta sa corolle et, eût-elle pu pousser soupir sans risquer den faire tomber plus, elle laurait fait en ce moment. Ce matin là, elle le savait, était différent. La saveur de la sève qui montait le long de sa tige avait changé : le sucre et le miel prenaient un léger ton âcre et aigre. Jamais elle ne pourrait être aussi resplendissante, et seffrayait déjà en imaginant les cernes violacées qui commenceraient à apparaitre. Quimportait donc de vivre longtemps si cétait pour dépérir et se recroqueviller, si cétait pour recevoir regards indifférents ou pire de dégoût. Elle était fleur et navait désir de sagesse. Elle était fleur et voulait tout simplement offrir un peu de son teint sur une joue, un peu de son parfum dans des yeux, un peu de son bonheur dans un cur. Ainsi avait-il été pour ces aïeules depuis la nuit des temps et ainsi, lespérait-elle, le serait-il pour elle.
Délaissant doute et mélancolie, elle redressa de nouveau ses pétales, repositionnant avec lenteur quelques gouttes, tournant son attention vers un couple de cavaliers qui sapprochait.
Regardez-moi, cueillez-moi ! Je suis là pour vous susurrait-elle. Toute chrysanthème quelle était, la gente damoiselle nétait dénuée de bon sens : Bien peu parmi les humains pouvaient maintenant entendre le chant des fleurs. Pourtant, pouvait-elle laisser passer telle chance ? Reprenant de plus belle la rose princesse du jardin reprit
Le printemps durant, jai cultivé beauté.
Les parfums de lété je les ai capturés.
Et lors que lHomme Hiver sapprête à vous couvrir
Je suis venu ce jour multiples rêves offrir
Lespoir naquit alors lorsquelle vit les deux regards se tourner vers elle, les deux personnes arrêter leurs montures pour en descendre.
Entendez vous mes mots, miracle a-t-il eu lieu ?
Aurez vous donc pitié exauçant mon vu pieu ?
Moffrir éternité en lasile de vos curs
Plutôt que dépérir, le mien empli de pleurs ?
Lui de noir vêtu, elle couverte de blanc, le démon et lange lui offrirent sourire. Passant dans un premier temps la main sur sa corolle pour en chasser rosée, lhomme descendit ensuite le long de la longue tige. Et dun geste sec il la détacha de sa mère nourricière.
Laigreur disparut remplacée par le vide. Bien sûr elle le savait, ses heures étaient comptées, mais combien les savourerait-elle. Linsidieux poison ne se distillerait dans son corps et paisible et heureuse elle séteindrait. Peut-être était-ce là péché dorgueil et peut-être fut ce la raison pour laquelle le démon fut celui qui la choisit. La douceur du moment ne diminuait pourtant lemplissant de joie.
Cest alors que lhomme, après avoir humé partie de ses délicats aromes, amena son autre main au niveau des cheveux de lange pour les caresser et révéler sa blanche et délicate oreille. Alors, avec une lenteur guidée par lémotion, il y déposa la Chrysanthème, puis approcha son visage pour effleurer ses lèvres celles de sa compagne. La chrysanthème sentit le flux et la chaleur prodiguée par lange qui venait de laccueillir et sempourpra légèrement.
Sil existait un paradis pour les fleurs, elle venait de le trouver.
Une goutte de rosée se détacha, la quittant pour rejoindre le sol. Reprenant contenance, la chrysanthème ramena ses pétales légèrement pour que telle chose ne se produisit de nouveau. Elle avait su se montrer patiente jusque là et navait lintention de gâcher le tout par quelconque folie. Toute la nuit durant sétait-elle tenue droite et renfermée afin de récolter les fines particules dispensées par la brume nocturne, et avait attendu le matin pour souvrir enfin et les distribuer harmonieusement sur sa robe rosée.
La patience était son maitre-mot. Elle avait observé sans broncher les rieuses fleurs de printemps : frêles jacinthes aux couleurs pastel, contrastant avec les resplendissants iris ou encore les prétentieuses narcisses venues du sud. Et son bourgeon réchauffé par le puissant phaéton navait cédé aux tentations des lis durant lété. Elle savait que son temps viendrait et que lorsque toutes ses fleurs ne seraient plus que souvenirs, alors pourrait-elle souvrir au monde et caresser les yeux des curieux.
Les grains glissèrent lentement dans le sablier du temps jusquau moment, il y a quelques matins de cela, où elle osa timidement dévoiler quelques un de ses atours. Depuis chaque aurore avait assisté à ce rituel alors que, bravant la fraicheur matinale, elle se montrait plus resplendissante.
Une nouvelle goutte quitta sa corolle et, eût-elle pu pousser soupir sans risquer den faire tomber plus, elle laurait fait en ce moment. Ce matin là, elle le savait, était différent. La saveur de la sève qui montait le long de sa tige avait changé : le sucre et le miel prenaient un léger ton âcre et aigre. Jamais elle ne pourrait être aussi resplendissante, et seffrayait déjà en imaginant les cernes violacées qui commenceraient à apparaitre. Quimportait donc de vivre longtemps si cétait pour dépérir et se recroqueviller, si cétait pour recevoir regards indifférents ou pire de dégoût. Elle était fleur et navait désir de sagesse. Elle était fleur et voulait tout simplement offrir un peu de son teint sur une joue, un peu de son parfum dans des yeux, un peu de son bonheur dans un cur. Ainsi avait-il été pour ces aïeules depuis la nuit des temps et ainsi, lespérait-elle, le serait-il pour elle.
Délaissant doute et mélancolie, elle redressa de nouveau ses pétales, repositionnant avec lenteur quelques gouttes, tournant son attention vers un couple de cavaliers qui sapprochait.
Regardez-moi, cueillez-moi ! Je suis là pour vous susurrait-elle. Toute chrysanthème quelle était, la gente damoiselle nétait dénuée de bon sens : Bien peu parmi les humains pouvaient maintenant entendre le chant des fleurs. Pourtant, pouvait-elle laisser passer telle chance ? Reprenant de plus belle la rose princesse du jardin reprit
Le printemps durant, jai cultivé beauté.
Les parfums de lété je les ai capturés.
Et lors que lHomme Hiver sapprête à vous couvrir
Je suis venu ce jour multiples rêves offrir
Lespoir naquit alors lorsquelle vit les deux regards se tourner vers elle, les deux personnes arrêter leurs montures pour en descendre.
Entendez vous mes mots, miracle a-t-il eu lieu ?
Aurez vous donc pitié exauçant mon vu pieu ?
Moffrir éternité en lasile de vos curs
Plutôt que dépérir, le mien empli de pleurs ?
Lui de noir vêtu, elle couverte de blanc, le démon et lange lui offrirent sourire. Passant dans un premier temps la main sur sa corolle pour en chasser rosée, lhomme descendit ensuite le long de la longue tige. Et dun geste sec il la détacha de sa mère nourricière.
Laigreur disparut remplacée par le vide. Bien sûr elle le savait, ses heures étaient comptées, mais combien les savourerait-elle. Linsidieux poison ne se distillerait dans son corps et paisible et heureuse elle séteindrait. Peut-être était-ce là péché dorgueil et peut-être fut ce la raison pour laquelle le démon fut celui qui la choisit. La douceur du moment ne diminuait pourtant lemplissant de joie.
Cest alors que lhomme, après avoir humé partie de ses délicats aromes, amena son autre main au niveau des cheveux de lange pour les caresser et révéler sa blanche et délicate oreille. Alors, avec une lenteur guidée par lémotion, il y déposa la Chrysanthème, puis approcha son visage pour effleurer ses lèvres celles de sa compagne. La chrysanthème sentit le flux et la chaleur prodiguée par lange qui venait de laccueillir et sempourpra légèrement.
Sil existait un paradis pour les fleurs, elle venait de le trouver.