Atheus
[Prochain départ]
Les murs endormis des maisons Giennoises se voyaient les uns après les autres éveillés par l'écho caractéristique des pavés qu'heurtaient les sabots et les roues des charrettes des marchands venus installer leur étal plus bas sur la place du marché.
Les brumes sombres se teintaient peu à peu de l'ocre du petit matin froid. Ces volutes rouge sang au-dessus des toits laissaient le regard diffus d'Athéus songeur. Il était sorti sans sa canne, sans la lourde étoffe qui lui tenait habituellement lieu de mantel, et dressé devant sa maison au beau milieu de la ruelle encore sombre, s'emplissait les poumons des parfums de ce nouveau jour de printemps. Il n'avait pas dormi. Allait-il devoir revenir sur les traces de son passé macabre ? Peut-on n'avoir comme ambition pour le futur que d'oublier son passé ? Il songea à Dame Pearl qui la veille avait tenté, en vain, de lui expliquer ce qu'étaient amour et amitié. Qu'étaient ces sentiments dont elle lui avait parlé ? Qu'apportaient-ils ? Toute sa vie durant, Athéus ne s'était attendu qu'à une chose : mourir au combat. Mais il était là... En chemise, devant sa masure...
C'est à cet instant que, clopinant, d'une démarche pataude, une silhouette au parfum rance jaillit : Albert Carrier, le bras en écharpe (d'une étoffe probablement ramassée dans une rigole nauséabonde... n'avait-il point d'odorat cet homme ?!)
Ah ! quand même ! Ne t'avais-je pas dit de venir me voir hier soir ?!
Je t'ai attendu, euh... quel est ton nom ? Tu ne t'es même pas présenté hier !
Tandis qu'Athéus l'invitait à entrer dans sa modeste habitation, Albert, son visage rond exprimant d'une grimace difforme la perplexité qu'il ressentait à l'instant précis, n'en revenait pas qu'on puisse être de si mauvaise foi ! Pas de merci ! Rien ! Juste une pluie de reproches ! Ah bravo !... Mais un rictus trahit le seul plaisir qu'il avait éprouvé jusqu'à lors en pensant qu'il avait l'air bien ridicule, l'Athéus, dans sa petite liquette comme ça au milieu de la rue !
Tu as bien un nom ?! insista le vieux.
Après avoir décliné son identité, c'est inconfortablement assis sur un trop petit tabouret bancal au milieu de la pièce, la mine boudeuse et méfiante, qu'il partagea le fruit de ses recherches avec son hôte. Machinalement, Athéus lui donna une tape dans le dos en signe de complicité, mais ne s'excusa pas lorsqu'il entendit l'inspiration soudaine d'Albert que son épaule ainsi malmenée faisait atrocement souffrir. Dans un élan forcé d'empathie il lâcha :
Que t'es-tu fait au bras, Albert ? Ça a l'air bien douloureux ! Tu devrais faire un tour au dispensaire.
Il sortit les cinq autres écus promis, et les jeta aux pieds d'Albert qui grimaça de plus belle lorsqu'il fallut souffrir à quatre pattes pour les ramasser par terre, et plus particulièrement quand il fallut s'écraser la face au sol et glisser son bras pour récupérer la pièce qui avait roulé sous un gros buffet sombre.
Albert quitta enfin la demeure d'Athéus. Ils ne se saluèrent pas, chacun ayant en tête ses préoccupations du moment.
Orléans...
"C'que j'me suis fait au bl'as ?!" Ah bah I' manque pas d'culot l'vieux l'adin !
Les murs endormis des maisons Giennoises se voyaient les uns après les autres éveillés par l'écho caractéristique des pavés qu'heurtaient les sabots et les roues des charrettes des marchands venus installer leur étal plus bas sur la place du marché.
Les brumes sombres se teintaient peu à peu de l'ocre du petit matin froid. Ces volutes rouge sang au-dessus des toits laissaient le regard diffus d'Athéus songeur. Il était sorti sans sa canne, sans la lourde étoffe qui lui tenait habituellement lieu de mantel, et dressé devant sa maison au beau milieu de la ruelle encore sombre, s'emplissait les poumons des parfums de ce nouveau jour de printemps. Il n'avait pas dormi. Allait-il devoir revenir sur les traces de son passé macabre ? Peut-on n'avoir comme ambition pour le futur que d'oublier son passé ? Il songea à Dame Pearl qui la veille avait tenté, en vain, de lui expliquer ce qu'étaient amour et amitié. Qu'étaient ces sentiments dont elle lui avait parlé ? Qu'apportaient-ils ? Toute sa vie durant, Athéus ne s'était attendu qu'à une chose : mourir au combat. Mais il était là... En chemise, devant sa masure...
C'est à cet instant que, clopinant, d'une démarche pataude, une silhouette au parfum rance jaillit : Albert Carrier, le bras en écharpe (d'une étoffe probablement ramassée dans une rigole nauséabonde... n'avait-il point d'odorat cet homme ?!)
Ah ! quand même ! Ne t'avais-je pas dit de venir me voir hier soir ?!
Je t'ai attendu, euh... quel est ton nom ? Tu ne t'es même pas présenté hier !
Tandis qu'Athéus l'invitait à entrer dans sa modeste habitation, Albert, son visage rond exprimant d'une grimace difforme la perplexité qu'il ressentait à l'instant précis, n'en revenait pas qu'on puisse être de si mauvaise foi ! Pas de merci ! Rien ! Juste une pluie de reproches ! Ah bravo !... Mais un rictus trahit le seul plaisir qu'il avait éprouvé jusqu'à lors en pensant qu'il avait l'air bien ridicule, l'Athéus, dans sa petite liquette comme ça au milieu de la rue !
Tu as bien un nom ?! insista le vieux.
Après avoir décliné son identité, c'est inconfortablement assis sur un trop petit tabouret bancal au milieu de la pièce, la mine boudeuse et méfiante, qu'il partagea le fruit de ses recherches avec son hôte. Machinalement, Athéus lui donna une tape dans le dos en signe de complicité, mais ne s'excusa pas lorsqu'il entendit l'inspiration soudaine d'Albert que son épaule ainsi malmenée faisait atrocement souffrir. Dans un élan forcé d'empathie il lâcha :
Que t'es-tu fait au bras, Albert ? Ça a l'air bien douloureux ! Tu devrais faire un tour au dispensaire.
Il sortit les cinq autres écus promis, et les jeta aux pieds d'Albert qui grimaça de plus belle lorsqu'il fallut souffrir à quatre pattes pour les ramasser par terre, et plus particulièrement quand il fallut s'écraser la face au sol et glisser son bras pour récupérer la pièce qui avait roulé sous un gros buffet sombre.
Albert quitta enfin la demeure d'Athéus. Ils ne se saluèrent pas, chacun ayant en tête ses préoccupations du moment.
Orléans...
"C'que j'me suis fait au bl'as ?!" Ah bah I' manque pas d'culot l'vieux l'adin !