Feuilllle laissa le temps à chacun le temps de se remémorer les images du Mort lorsqu'il était en vie ; l'assistance semblait plus calme, il fallait à présent lui dire "A Dieu".
La musique et le chant qui avaient envahis l'église un peu plus tôt, étaient accompagnés par le tintement régulier et bas de la petite cloche Montmiraillaise, que l'on assimilait instinctivement à des battements de cur.
Chacun en ressentit l'apaisement.
Dans de larges vasques de terre cuite, des centaines de fleurs blanches, peut-être des perce-neige, ainsi que des feuillages vert-tendre avaient été déposés, frais et odorants, de chaque côté du linceul.
Celui-ci était placé sur des tréteaux recouverts d'une draperie de la même étoffe que la robe qui couvrait le corps gisant d'Anorion.
La famille, puis la silencieuse file de Vagabonds, de Paysans, d'Artisans, de Soldats de Commerçants, d'Enseignants et d'Enfants, vinrent saluer une dernière fois leur Frère et Ami, chacun à sa manière.
Quelques Nobles et Chevaliers rejoignirent cette file de gens silencieux.
Beaucoup se servaient en végétaux, que l'on posait délicatement sur le corps du Défunt.
Bientôt Anorion fut recouvert de corolles multicolores.
Six Amis du Défunt fermèrent alors le cercueil, et ce fut un moment douloureux.
Les cliquetis pourtant discrets des charpentiers coupaient les derniers liens visuels avec lÉpoux, le Père, le Proche, l'Ami, le Camarade, le Voisin, le Fonctionnaire.
Le cortège funèbre s'organisa peu ensuite sans heurt et sans bruit important dans le recueillement.
...On entendait seulement les sons froissés des mouvements de la marche de l'assemblée, qui se dirigeait doucement vers le petit cimetière accolé à l'église, pour procéder à la mise terre.
Les pépiements des oiseaux n'empêchaient pas les gens de grelotter ni de frissonner.
Feuilllle attendit que tous soient rassemblés autour de l'emplacement creusé de la veille dans le cimetière.
Des cordes avaient été installées sous le cercueil pour le retenir dans sa douce descente en terre.
L'haleine du vent transportait des fragrances hivernales. Un geai zébra le ciel, son cri perça le silence religieux établi. La vie continuait.
"- Nous allons maintenant confier à la terre le corps de notre frère dans ce lieu où reposent déjà tant de défunts de nos familles, tant de soldats. Le moment est venu de lui dire "à Dieu.
Pensons à la famille aimante qui le pleure depuis quelques jours, Irella, Gabriel, vos amis sont aussi ici pour vous.
C'est un moment de tristesse, mais il faut que l'espérance reste forte en nous, car nous espérons revoir Anorion Lorsque Le Très-Haut nous réunira, dans la joie de son Royaume.
Car Lui est déjà sur le départ vers cette Éternité sereine.
Recueillons-nous en pensant à tout ce que nous avons vécu avec lui, à ce qu'il est pour nous, à ce qu'il est pour Dieu."
Les larmes coulaient, mais aucun mot ne fut dit durant toute la mise en terre.
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