Alexius
RP public, tous les joueurs étant les bienvenus. Merci de préciser le lieu de l'action et de respecter les codes du RP.
Bon jeu !
Bon jeu !
Péronne, premier jour du dernier voyage.
Alexandre était sorti de sa torpeur quelques jours auparavant. Son long séjour dans la résidence familiale de Saint-Florentin avait précédé sa dernière retraite en l'église de Compiègne. Non pas qu'il ait eu besoin de réfléchir au sens que revêtait désormais sa vie... Il était certain qu'elle n'en avait plus aucun et ce, depuis déjà bien longtemps.
Du fringuant jeune homme qui avait parcouru tant de fois les routes d'Artois et participé aux bals les plus fastes de la capitale artésienne, il ne restait désormais plus qu'un vague souvenir. Malgré les tentatives de sa grand-mère, de son père et de ses frères, il ne trouvait plus aucun goût à la vie.
Malheureux? Certes pas. Il bénéficiait des innombrables largesses de son aïeule, qui avait été élevée à la dignité de pair du royaume quelques mois plus tôt, et n'avait donc aucune raison de se préoccuper de ses besoins matériels. Les vestiges de son ancienne fortune confortaient également sa position.
Non. Ce qu'il lui manquait, c'était la sensation de vie. En tout temps, il avait essayé de quitter l'Artois. Mais jamais il n'y était parvenu. Il s'était exilé voici bien longtemps, accompagnant sa fiancée d'alors, Florence d'Isle d'Ambroisie, comtesse démissionnaire, en Champagne. Mais jamais son coeur n'avait délaissé le comté qui l'avait accueilli peu après sa naissance dans le duché de Normandie, le comté pour lequel il avait combattu durant la seconde guerre de Compiègne contre nombre de ses amis, de ses parents.
Durant sa retraite spirituelle, outre le fait qu'il avait pu communier avec Aristote, le "d'Appérault" -comme l'on se plaisait à le surnommer par le passé- avait eu le temps de choisir sa voie. Sa récente rencontre dans une taverne compiègnoise avec sa grâce le duc de Champagne, qui semblait être un proche parent de Dotch, lui avait donné matière à réfléchir.
Qu'avait-il bien fait de sa vie depuis son exil? Mis à part se morfondre et sombrer dans l'indécence et la décadence la plus totale, bien peu de choses.
Il devait se ressaisir! Il n'avait jamais vécu en lâche... Ce comportement était indigne de lui et du nom qu'il portait. Que pouvait donc penser son père, Lyonis? Un sentiment de culpabilité l'envahit immédiatement. Depuis combien de temps n'avait-il pas accompli son devoir filial? Que devenait-il?
Alexandre avait décidé de revenir en Artois. Sans même se signaler au poste du Guet, il était entré quelques instants plus tôt dans la bonne ville de Péronne et s'était immédiatement dirigé vers son ancienne propriété. Le manque d'entretien avait été dévastateur pour la vaste et riche demeure. Désormais sombre et terne, désertée et défraîchie, le contraste était saisissant. La maisonnée avait fui ses devoirs eu égard à la disgrâce du maître de maison.
Le jeune homme n'en avait cure. Les portes avaient été verrouillées aussi, pendant plus d'une heure, il s'attela à forcer l'entrée principale sans se préoccuper d'éventuels passants qui auraient pu le prendre pour un vulgaire brigand. Rageur, il finit par faire sauter les gonds de trois coups d'épée, dont la lame finit par se tordre piteusement.
Jetant son arme de piètre facture à terre, le "d'Appérault" pénétra dans son ancienne demeure. Les armes d'apparat étaient de belle facture, mais dénuées de souplesse, de finesse, de puissance et de solidité. Elles étaient seulement bonnes à faire bonne impression. Un regard aux tapisseries et aux dorures, aux parquets et aux charpentes. Le dernier. Jamais ce lieu ne retrouverait son lustre d'antan. Il avait pris sa décision et il s'y tiendrait fermement.
S'approchant du lieu qui accueillait jadis son bureau, il tira sa vieille épée avec laquelle il avait parcouru tant de chemin, et qu'il avait laissé là lors de son dernier départ. Mettant l'arme au fourreau, il ouvrit l'un des compartiments d'un mobilier de travail dont la cire s'était écaillée à cause de l'humidité ambiante et en tira une fine chevalière, que lui avait donné sa mère avant de rendre l'âme, ainsi qu'une cape rouge sang, cadeau d'adieu de son ami Hanyin. Mettant le premier objet dans l'une des poches de son mantel noir et revêtant le second, veillant à ne pas le souiller en le laissant trainer à terre, le jeune orgueilleux désillusionné tourna le dos à son passé et sortit à grand pas.
Lorsqu'il fut dehors, Alexandre tira l'une des torches éclairant la travée et la lança à l'intérieur de la bâtisse. L'effet fut immédiat. Une mince fumerolle apparut et bientôt, de hautes flammes naquirent et entreprirent d'engloutir les innombrables tapisseries et autres matériaux inflammables telles les pièces en bois de la toiture, qui finit par s'effondrer. Lorsqu'il fut bien certain qu'aucune partie de sa demeure n'en réchapperait, Alexandre remonta en selle et s'éloigna en direction d'Arras.
Arras, troisième jour du dernier voyage
Deux jours. C'était le temps qu'il avait fallu au cavalier pour rallier Arras depuis Péronne. Depuis combien de temps n'était-il pas revenu dans la capitale artésienne? Probablement depuis que, avide de pouvoir et d'ambition, ils avaient tenté de supplanter les Bourrins en les désavouant lorsqu'ils prirent la Hollande et par là même, avaient trahis des artésiennes et des artésiens avant de trouver asile en Champagne.
Aujourd'hui, ces erreurs devaient être réparées. Son sang devait couler pour préserver son honneur et la dignité de son nom.
Installé dans son appartement, il saisit une plume et un parchemin puis commença à inscrire:
A Messire Seigneurperseval, procureur d'Artois.
Messire, j'ai fait une longue route depuis ma retraite de Compiègne afin de laver mon nom de l'infamie qui le touche.
J'entends en effet être traduit devant la justice artésienne pour le crime de Haute Trahison dans la mesure où j'ai fomenté, sans succès, la perte d'artésiens et l'avènement d'une guerre civile.
L'amertume de la défaite me fit me retirer du monde durant d'innombrables mois mais j'entends désormais assumer mes actes et je suis prêt à accepter la mort en réponse aux offenses faites. Je suis homme d'honneur et je ne peux vivre plus longtemps avec le poids d'une telle ignominie sur mes épaules.
Je vous prie donc de transmettre ma requête au Conseil Comtal et, dans une moindre mesure, d'agréer à celle-ci.
Puisse Aristote vous être de bon conseil.
Alexandre d'Appérault
Lorsqu'il eut terminé, le jeune homme transmit sa lettre à un coursier qui se dirigea promptement vers le Château.
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