Cerridween
[ Quand toute lumière s'éteint]
La nuit coule lentement...
Elle est là dans l'obscurité, à la lueur vacillante des quelques bougies encore allumées et du feu qui crépite.
Les yeux ouverts... grands ouverts.
Le sommeil cette fois n'est pas au rendez vous. Morphée la trompe encore dans d'autres bras, sur d'autres oreillers, d'autres lieux que cette pièce qui lui semble de plus en plus froide au fur et à mesure que la fatigue s'insinue dans sa peau et ses os. Enlacée dans sa cape licorne, elle attend. Les épées ont retrouvées leur place à ses côtés, marquant de leurs silhouettes longiligne dextre et senestre. Le couteau lui, en bienheureux objet sans âme, tant qu'il n'est pas dans sa main, dort dans sa gangue de cuir, lové dans le creux de son dos. Marqué sur le manche, des traces des souffrances d'Apolonie, incrustées dans le bois. Assise sur une chaise dans un coin, non loin du lit, en ombre silencieuse, immuable. Les traits impassibles qui reflètent la faible clarté mouvante de l'âtre qui luit.
Elle attend...
Y a-t-il pire chose en ce monde ?
Attendre la fin. Attendre que cela passe, que cela trépasse... sans pouvoir rien faire. Elle, la combattante, elle qui n'a depuis des mois, des années, pris aucun repos, aucune minute vraiment pour elle, elle qui agit toujours plus qu'elle ne parle. Elle est réduite à être là, sans bouger, à devenir un simple pantin, une simple spectatrice de la souffrance. Elle a dû rendre les armes... elle a dû s'avouer vaincue...
L'impuissance. L'impuissance totale d'être sans ressource, face à un mal qui la dépasse. La colère sous jacente, de ne pouvoir totalement honorer une promesse. Voilà encore une fois, Pivoine, tu as sous les yeux l'étendue de tes limites, de tes failles. Ça fait mal n'est ce pas ? Mais tu le sais déjà, Pivoine. Tu l'as déjà vécue... cette impression dévastatrice. De n'être rien, rien d'autre qu'un fétu de paille sans aucun contrôle des éléments, de ce destin qui te nargue, qui te fait des croches pattes, qui se joue de tes efforts désespérés, qui te laisse te débattre, avant de t'échouer devant l'évidence, cette évidence qui te saute à la gorge pour la nouer. Déjà il y a quelques mois... déjà, la même scène. Presque le même lieu. Le même thème. Le même dénouement. Seuls les acteurs ont changés Pivoine.
Il y a eu pire... n'est ce pas... oui c'est cela... oui... ce soir de janvier, ce jour où la neige recouvrait le sol qui s'est teinté de rouge. Ce jour où la cuisse striée, le flanc lacéré par un poignard, tu n'as pas couru assez vite. Ce jour où tu n'as pas su le sauver. Si tu avais été plus rapide, Pivoine.... peut-être que le malandrin n'aurait pas eu le temps d'abattre sa hache. Il serait en vie, ce soleil blond qui réchauffait ton âme. Il ne serait pas sous les dalles froides de l'église de Beaumont. Son sourire lorsqu'il a rendu l'âme en te tenant la main ne te hanterait pas. Tu aurais pu le sauver, Pivoine. Comme tu aurais pu la sauver surement, la brune qui s'agite devant tes yeux.
La rousse se lève précipitamment pour s'approcher d'une des fenêtres pour faire taire cette petite voix, qui lui susurre assassine à l'oreille. Non.... non... non... ce n'est pas pareil. Elle n'a pas pu la sauver... trop faible, trop fatiguée, trop fragile. Lui c'était... différent.... mais oui chaque échec à sauver une vie ravive cette douleur lancinante, cette douleur enfouie, celle de ne pas avoir été à la hauteur, de n'avoir pas su, de n'avoir pas pu... honorer son serment de le protéger. Ce serment fait deux fois. Elle ne se refermera donc jamais cette plaie. Jamais.
Les sinoples se perdent vers le lointain où commencent à poindre les rayons du jour. Le seul qui pourrait lui apporter un peu de réconfort, ses deux ambres sont loin. Quelque part au delà des monts d'Auvergne... une bouffée de mélancolie la reprend, entre ses murs inconnus. Une envie de ses bras qu'elle n'avait pas sentie depuis bien longtemps, qui lui monte des entrailles jusqu'au cur. Licorne d'or, comme son coeur malgré les ombres qui le parcourt encore... le bout de ses doigts viennent caresser un instant le verre. L'envie de voir les ambres qui brulent de leur paisible lueur tendre et qui lui parlent doucement... Sa main qui souligne sa joue... si peu... et tellement... un peu de lumière dans sa noirceur. Un peu de bleu dans son ciel. Le seul qui lui est accordé sans contre partie, sans prix à payer. Les émeraudes finissent par se cacher derrière leurs paupières servant d'écrin. Elle fuit la réalité... un instant, rien qu'un instant... pour le retrouver un peu, se fondre dans son souvenir, se rappeler sa présence pour se réchauffer un peu... comme les rayons du soleil qui viennent lentement caresser sa peau diaphane.
Sortir...
Oublier...
Un peu....
Juste un peu....
Le choc.
Le bruit de l'huis qui percute le mur.
L'onde du coup qui passe dans sa peau.
Son coeur qui s'arrête.
Son instinct qui se réveille.
L'alerte donnée par sa conscience.
Les sinoples s'allument pendant que les pupilles se rétractent.
La main se porte à la garde de Miséricorde, son épée longue et l'enserre.
La silhouette noire se retourne pendant que la cape suit la volte, suspendue un instant dans l'air.
et....
Le geste qui s'arrête lorsque l'image de la scène vient lui vriller les prunelles.
Il y a un géant agenouillé... il y a un homme aux mêmes armes que la vicomtesse à ses côtés. Il y a sa main qui tient la sienne comme si c'était le plus beau joyau du monde. Il y a les deux azurs qui sont les siens se perdant dans l'eau de son regard comme pour s'y noyer. Il y a son visage blême proche du sien, si proche... il y a la tendresse qui respire dans le souffle grave de la voix qui vacille pour elle... et il y a les mots qui ne font que dire ce qui se voit déjà...
Bonjour Apo, mon autre Jsuis enfin là
La rousse reste pétrifiée. On ne peut comprendre réellement dit-on que ce qu'on a vécu. Et elle, la Pivoine noire, a déjà compris...
Il est son frère. Ce géant qui lui rappelle le sien. La blondeur des blés en moins, les azurs en acier tranchant équivalents.
Il est son frère. Et elle sent l'amour qu'il a pour elle. Cet amour un peu étrange au delà du lien fraternel qui tient deux âmes, deux curs, de corps, liés au delà du sang.
Lentement le gouffre qui s'était refermé dans son ventre s'ouvre comme pour l'engloutir. La morsure du souvenir qui l'avait effleuré quelques instants auparavant s'empare de son coeur et le serre, le broie, le déchiquète. Prise au dépourvu, elle reste là, muette, la bouche ouverte, ne cherchant même pas l'air qui devrait rentrer dans ses poumons, la main sur la garde de son épée, alors qu'elle subit une charge émotionnelle digne d'une compagnie de cavalerie lourde qui se rue au galop.
Un éclair...
Tout revient dans un éclair la hanter.
Son visage, ses rires qui rebondissaient sur les murs des tavernes de la Rouge, ses coups d'il taquins, les cours d'épée, les discussions au coin du feu dans ses bras, la Guyenne, les douces soirées dans les jardins, son serment sous ses yeux dans une clairière éclairée de torches, les remparts de Montmirail, la neige, la hache, le serment de vivre, le souffle, le dernier qui se perd, volute de fumée dans le froid de janvier, son hurlement qui n'en finit pas, la pierre tombale ouverte dans laquelle elle voudrait se jeter, le deuil...
Il ne l'a pas vue...
Ils sont maintenant seuls au monde, comme elle l'a été avec lui lorsqu'il était encore vivant. Deux êtres liés l'un à l'autre, qui ne se soucient pas du monde entier, parce qu'ils n'ont besoin que d'eux.
La caresse du géant sur le visage de la mourante vient finir de la crucifier, ses mots servant de clous qui s'enfoncent à chaque coin de son âme.
Tu mas manqué Mais je suis là maintenant, on va pouvoir rester ensemble
Elle sent l'implosion proche, la rupture, le néant qui la guette... lentement elle s'éclipse comme un fantôme. Elle ne peut pas voir ça. Elle ne peut pas. Elle regagne la porte comme un funambule.
De l'air.
De l'air.
Le cur haletant, la respiration entrecoupée, elle marche vivement vers la sortie.
Elle se faufile entre les corps, ne distinguant plus bien, sentant les murs qui se rapprochent comme pour l'étouffer, le noeud dans sa gorge essayant de l'asphyxier...
Les larmes ne sont pas loin...
Le flot arrive...
Pas ici, pas maintenant...
Dehors, dehors, dans les jardins qu'elle a aperçu
Elle commence à descendre les escaliers... quand Jacques un peu affolé l'arrête. Une missive. Un homme d'arme dans la cour. Un parchemin qui se tend. Sceau qu'elle reconnaitrait entre mille et qui fait rater un battement à son coeur déjà malmené.
Enguerrand...
La main tremblante se reprend à deux fois pour décacheter le pli et l'ouvrir avant que les mots se dévident sous ses yeux, malgré la lecture difficile d'une écriture torturée et d'une main tremblante...
La nuit coule lentement...
Elle est là dans l'obscurité, à la lueur vacillante des quelques bougies encore allumées et du feu qui crépite.
Les yeux ouverts... grands ouverts.
Le sommeil cette fois n'est pas au rendez vous. Morphée la trompe encore dans d'autres bras, sur d'autres oreillers, d'autres lieux que cette pièce qui lui semble de plus en plus froide au fur et à mesure que la fatigue s'insinue dans sa peau et ses os. Enlacée dans sa cape licorne, elle attend. Les épées ont retrouvées leur place à ses côtés, marquant de leurs silhouettes longiligne dextre et senestre. Le couteau lui, en bienheureux objet sans âme, tant qu'il n'est pas dans sa main, dort dans sa gangue de cuir, lové dans le creux de son dos. Marqué sur le manche, des traces des souffrances d'Apolonie, incrustées dans le bois. Assise sur une chaise dans un coin, non loin du lit, en ombre silencieuse, immuable. Les traits impassibles qui reflètent la faible clarté mouvante de l'âtre qui luit.
Elle attend...
Y a-t-il pire chose en ce monde ?
Attendre la fin. Attendre que cela passe, que cela trépasse... sans pouvoir rien faire. Elle, la combattante, elle qui n'a depuis des mois, des années, pris aucun repos, aucune minute vraiment pour elle, elle qui agit toujours plus qu'elle ne parle. Elle est réduite à être là, sans bouger, à devenir un simple pantin, une simple spectatrice de la souffrance. Elle a dû rendre les armes... elle a dû s'avouer vaincue...
L'impuissance. L'impuissance totale d'être sans ressource, face à un mal qui la dépasse. La colère sous jacente, de ne pouvoir totalement honorer une promesse. Voilà encore une fois, Pivoine, tu as sous les yeux l'étendue de tes limites, de tes failles. Ça fait mal n'est ce pas ? Mais tu le sais déjà, Pivoine. Tu l'as déjà vécue... cette impression dévastatrice. De n'être rien, rien d'autre qu'un fétu de paille sans aucun contrôle des éléments, de ce destin qui te nargue, qui te fait des croches pattes, qui se joue de tes efforts désespérés, qui te laisse te débattre, avant de t'échouer devant l'évidence, cette évidence qui te saute à la gorge pour la nouer. Déjà il y a quelques mois... déjà, la même scène. Presque le même lieu. Le même thème. Le même dénouement. Seuls les acteurs ont changés Pivoine.
Il y a eu pire... n'est ce pas... oui c'est cela... oui... ce soir de janvier, ce jour où la neige recouvrait le sol qui s'est teinté de rouge. Ce jour où la cuisse striée, le flanc lacéré par un poignard, tu n'as pas couru assez vite. Ce jour où tu n'as pas su le sauver. Si tu avais été plus rapide, Pivoine.... peut-être que le malandrin n'aurait pas eu le temps d'abattre sa hache. Il serait en vie, ce soleil blond qui réchauffait ton âme. Il ne serait pas sous les dalles froides de l'église de Beaumont. Son sourire lorsqu'il a rendu l'âme en te tenant la main ne te hanterait pas. Tu aurais pu le sauver, Pivoine. Comme tu aurais pu la sauver surement, la brune qui s'agite devant tes yeux.
La rousse se lève précipitamment pour s'approcher d'une des fenêtres pour faire taire cette petite voix, qui lui susurre assassine à l'oreille. Non.... non... non... ce n'est pas pareil. Elle n'a pas pu la sauver... trop faible, trop fatiguée, trop fragile. Lui c'était... différent.... mais oui chaque échec à sauver une vie ravive cette douleur lancinante, cette douleur enfouie, celle de ne pas avoir été à la hauteur, de n'avoir pas su, de n'avoir pas pu... honorer son serment de le protéger. Ce serment fait deux fois. Elle ne se refermera donc jamais cette plaie. Jamais.
Les sinoples se perdent vers le lointain où commencent à poindre les rayons du jour. Le seul qui pourrait lui apporter un peu de réconfort, ses deux ambres sont loin. Quelque part au delà des monts d'Auvergne... une bouffée de mélancolie la reprend, entre ses murs inconnus. Une envie de ses bras qu'elle n'avait pas sentie depuis bien longtemps, qui lui monte des entrailles jusqu'au cur. Licorne d'or, comme son coeur malgré les ombres qui le parcourt encore... le bout de ses doigts viennent caresser un instant le verre. L'envie de voir les ambres qui brulent de leur paisible lueur tendre et qui lui parlent doucement... Sa main qui souligne sa joue... si peu... et tellement... un peu de lumière dans sa noirceur. Un peu de bleu dans son ciel. Le seul qui lui est accordé sans contre partie, sans prix à payer. Les émeraudes finissent par se cacher derrière leurs paupières servant d'écrin. Elle fuit la réalité... un instant, rien qu'un instant... pour le retrouver un peu, se fondre dans son souvenir, se rappeler sa présence pour se réchauffer un peu... comme les rayons du soleil qui viennent lentement caresser sa peau diaphane.
Sortir...
Oublier...
Un peu....
Juste un peu....
Le choc.
Le bruit de l'huis qui percute le mur.
L'onde du coup qui passe dans sa peau.
Son coeur qui s'arrête.
Son instinct qui se réveille.
L'alerte donnée par sa conscience.
Les sinoples s'allument pendant que les pupilles se rétractent.
La main se porte à la garde de Miséricorde, son épée longue et l'enserre.
La silhouette noire se retourne pendant que la cape suit la volte, suspendue un instant dans l'air.
et....
Le geste qui s'arrête lorsque l'image de la scène vient lui vriller les prunelles.
Il y a un géant agenouillé... il y a un homme aux mêmes armes que la vicomtesse à ses côtés. Il y a sa main qui tient la sienne comme si c'était le plus beau joyau du monde. Il y a les deux azurs qui sont les siens se perdant dans l'eau de son regard comme pour s'y noyer. Il y a son visage blême proche du sien, si proche... il y a la tendresse qui respire dans le souffle grave de la voix qui vacille pour elle... et il y a les mots qui ne font que dire ce qui se voit déjà...
Bonjour Apo, mon autre Jsuis enfin là
La rousse reste pétrifiée. On ne peut comprendre réellement dit-on que ce qu'on a vécu. Et elle, la Pivoine noire, a déjà compris...
Il est son frère. Ce géant qui lui rappelle le sien. La blondeur des blés en moins, les azurs en acier tranchant équivalents.
Il est son frère. Et elle sent l'amour qu'il a pour elle. Cet amour un peu étrange au delà du lien fraternel qui tient deux âmes, deux curs, de corps, liés au delà du sang.
Lentement le gouffre qui s'était refermé dans son ventre s'ouvre comme pour l'engloutir. La morsure du souvenir qui l'avait effleuré quelques instants auparavant s'empare de son coeur et le serre, le broie, le déchiquète. Prise au dépourvu, elle reste là, muette, la bouche ouverte, ne cherchant même pas l'air qui devrait rentrer dans ses poumons, la main sur la garde de son épée, alors qu'elle subit une charge émotionnelle digne d'une compagnie de cavalerie lourde qui se rue au galop.
Un éclair...
Tout revient dans un éclair la hanter.
Son visage, ses rires qui rebondissaient sur les murs des tavernes de la Rouge, ses coups d'il taquins, les cours d'épée, les discussions au coin du feu dans ses bras, la Guyenne, les douces soirées dans les jardins, son serment sous ses yeux dans une clairière éclairée de torches, les remparts de Montmirail, la neige, la hache, le serment de vivre, le souffle, le dernier qui se perd, volute de fumée dans le froid de janvier, son hurlement qui n'en finit pas, la pierre tombale ouverte dans laquelle elle voudrait se jeter, le deuil...
Il ne l'a pas vue...
Ils sont maintenant seuls au monde, comme elle l'a été avec lui lorsqu'il était encore vivant. Deux êtres liés l'un à l'autre, qui ne se soucient pas du monde entier, parce qu'ils n'ont besoin que d'eux.
La caresse du géant sur le visage de la mourante vient finir de la crucifier, ses mots servant de clous qui s'enfoncent à chaque coin de son âme.
Tu mas manqué Mais je suis là maintenant, on va pouvoir rester ensemble
Elle sent l'implosion proche, la rupture, le néant qui la guette... lentement elle s'éclipse comme un fantôme. Elle ne peut pas voir ça. Elle ne peut pas. Elle regagne la porte comme un funambule.
De l'air.
De l'air.
Le cur haletant, la respiration entrecoupée, elle marche vivement vers la sortie.
Elle se faufile entre les corps, ne distinguant plus bien, sentant les murs qui se rapprochent comme pour l'étouffer, le noeud dans sa gorge essayant de l'asphyxier...
Les larmes ne sont pas loin...
Le flot arrive...
Pas ici, pas maintenant...
Dehors, dehors, dans les jardins qu'elle a aperçu
Elle commence à descendre les escaliers... quand Jacques un peu affolé l'arrête. Une missive. Un homme d'arme dans la cour. Un parchemin qui se tend. Sceau qu'elle reconnaitrait entre mille et qui fait rater un battement à son coeur déjà malmené.
Enguerrand...
La main tremblante se reprend à deux fois pour décacheter le pli et l'ouvrir avant que les mots se dévident sous ses yeux, malgré la lecture difficile d'une écriture torturée et d'une main tremblante...
Citation:
Bonjour douce et chère Cerrid.
A l'heure où je prends la plume l'émotion me submerge tant que c'est à peine si je parviens à tracer convenablement ces quelques mots.
Une terrible nouvelle me doit de t'être rapportée.
Nouvelles d'un frère honteusement et traitreusement abattu par tireur dissimulé.
Nouvelles d'un frère en cet instant cruel où je t'écris en train de lutter entre vie et mort quelque part aux abords de la frontière entre les deux mondes.
Le Chevalier Stannis, notre frère, notre ami, git sur sa couche, mortellement blessé par trait empoisonné, sans que l'on ne sache encore s'il survivra.
Je suis resté à ses côtés aussi longtemps que possible mais je crains que la situation ne soit désespérée à ce point qu'il ne soit plus possible dès lors de rêver le voir un jour encore râler et faire valoir ses opinions comme il nous avait si souvent été habitué de le voir faire.
Je suis des plus marri de devoir être celui qui t'apportera cette nouvelle épreuve.
Sache que je pense de tout coeur à toi et espère pouvoir prochainement te voir pour t'apporter si besoin aide et soutien.
Prends grands soins de toi.
Tendresses
Engue
A l'heure où je prends la plume l'émotion me submerge tant que c'est à peine si je parviens à tracer convenablement ces quelques mots.
Une terrible nouvelle me doit de t'être rapportée.
Nouvelles d'un frère honteusement et traitreusement abattu par tireur dissimulé.
Nouvelles d'un frère en cet instant cruel où je t'écris en train de lutter entre vie et mort quelque part aux abords de la frontière entre les deux mondes.
Le Chevalier Stannis, notre frère, notre ami, git sur sa couche, mortellement blessé par trait empoisonné, sans que l'on ne sache encore s'il survivra.
Je suis resté à ses côtés aussi longtemps que possible mais je crains que la situation ne soit désespérée à ce point qu'il ne soit plus possible dès lors de rêver le voir un jour encore râler et faire valoir ses opinions comme il nous avait si souvent été habitué de le voir faire.
Je suis des plus marri de devoir être celui qui t'apportera cette nouvelle épreuve.
Sache que je pense de tout coeur à toi et espère pouvoir prochainement te voir pour t'apporter si besoin aide et soutien.
Prends grands soins de toi.
Tendresses
Engue
La dextre cherche un appui sur le mur... les escaliers vacillent... les ongles s'effoncent dans le mur... les dents mordent les lèvres pour retenir un cri. Les larmes affluent inondant les joues au teint devenu cire. Et le destin se marre assis dans un coin, d'un rire sardonique et cruel.
Stannis... celui qui comme elle, avait fait le grand saut de l'errance à la chevalerie à ses cotés. Stannis. Tombé. Loin. Elle n'a pas vu. Mais elle ressent. Le trait dans son cur qui la transperce, le poison du désespoir qui s'infiltre. La douleur. L'air qui la quitte. Le sang qui se glace. Le poing libre broie la missive en retombant à ses côtés. La colère sépand, aussi violente que déchirement de son cur. Nouvel assaut de cette putain dimpuissance qui remonte.
Elle tremble à en crever, secouer comme une feuille morte dans la tourmente qui vient de s'abattre en quelques secondes, infimes...
L'intendant se retire sans dire un mot...
Son corps de répond plus...
Trop...
Trop de tout...
Pas assez de rien...
Les paupières serrées, comme chaque muscle...
Statue... pétrifiée par une gorgone...
Elle n'est plus qu'une vaste peine...
Noyée de chagrin, la Pivoine noire, ne bouge plus...
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