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[RP] Maison Ella Durée.

Lanceline
Mais je viens juste d'arriver, n'ai-je point le droit moi aussi de profiter des délices sucrés d'Ella Durée ?

À d'autres. Il ne trompe personne avec son air innocent, et Line a bien l'intention de lui dire... Mais elle n'en a pas le temps.

D'ailleurs, il est temps d'aller voir les nouveautés. Juste le nom prononcé par la dauna me met l'eau à la bouche.

Le lâche ! Il s'enfuit ! Mais ça ne se passera pas comme ça, et la Blonde lui file au train. Elle prend un macaron parmi ceux qui passent et le porte à ses lèvres pour le savourer. Elle s'approche du Patriarche et lui glisse entre ses dents:

Ce serait bien la première fois que vous vous intéresseriez aux macarons.
Mais enfin, soit ! Lesquels préférez-vous ?

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Attia.
Le rendez vous avec la blonde était entendu.
La gitane lui adressa donc un sourire radieux et prit congé d'un signe de la tête un sourire malicieux aux lèvres.

Il était tant de concrétiser cette visite par une commande. Et la son regard se tourna immanquablement vers Elisabeth. Leur combat commencerait.

Au passage elle reconnu une cliente habituelle des Doigts d'Or l'une des toutes nouvelles accédantes au très prisé carré VIP.


- Bonjour dame Hersent, vous êtes resplendissante...

Comme pouvait l'être toute dame vêtue aux DO bien sur.
Elle continua d'ignorer le duc d'Orléans, mais ne put s'empecher de saluer d'un signe de tête Clarinha dont elle détourna immédiatement le regard.


Elle le reporta plutôt sur Ella aupres de la quelle elle revint se pencher doucement.

- Les nouvelles créations sont merveilleuses... longue vie a la maison Durée.

Elle posa une main tiède sur celle de la créatrice de macaron.

- J'imagine que pour commander il faut s'adresser à ta belle fille et à ton fils ?

Question rhétorique, elle en était presque convaincue.
Restait donc a convaincre Eli que s'offrir les tous derniers coffrets pour un carré VIP de plus en plus garni et aussi pour la consommation personnelle de la sérénissime directrice des DO, était une nécessité Ab-so-lue.


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**********Je ne prend pas de commandes par MP/Commande=RP **********
Ezequiel.a.joaquin
Les yeux pétillants du délice de la dégustation, sourire aux lèvres et petites miettes au menton, un léger rire s’échappant de ses lèvres comme elle époussetait parfois la robe de Livia, Margot appréciait ce moment mondain ; qui l’aurait cru, d’ailleurs ? Que la petite timide oublierait bientôt toutes ces grandes et élégantes personnes autour d’elle, qu’elle finirait par rosir, non pas d’être intimidée, mais d’apprécier l’instant au point de sentir son teint prendre une couleur fraîche et épanouie ?

Elle était bien, la petite, et son embarras naturel ne revint que lorsqu’Attia l’appela à la suivre. Elle fit une révérence malhabile à la belle dame qui lui était présentée, articulant un « enchantée ma Dame » poli et rougissant. Le malaise était moindre qu’habituellement, néanmoins, d’autant qu’Attia et la comtesse se montraient d’une gentillesse certaine. Se plaquant un peu contre la jambe attiléenne, pour se rassurer, elle se tut, et suivit celle-ci dans ses pérégrinations dans la boutique, jusqu’à ce qu’elle s’écarte pour s’entretenir avec la propriétaire des lieux, à l’évidence.

Rejoignant alors un mur, à quelque distance, où elle s'adossa, discrètement. Elle sourit pourtant, et passa la mainsur son ventre repu, comme elle s’adressait à elle-même :


- T’as vu, Margot, c’est drôlement chouette, ici.
Isabel.
Les robes volent, les pieds virevoltent. Nous ne sommes pas dans une salle de bal, mais dans une chambre méconnaissable. Les volants, rubans, tissus, froufrous, lacets jonchaient le grand lit et les fauteuils qui entouraient une Isabel complètement déboussolée, agitée et surtout, surtout : en retard. Le jour où elle ne sera plus la Dame la plus retardataire du royaume, sa chambre aura peut-être un aspect différent du désastre chaotique qui s’offrait aux yeux de la jeune femme. Un coup d’œil au pot de crème brûlée qu’elle n’avait pas eu le temps d’entamer… La mort dans l’âme, elle fixa une dernière fois la petite cuillère qui l’appelait, la tentait. Un court soupir, et la gourmandise fut repoussée à contrecœur.
A la recherche d’un collier de perles perdu. Et les robes de voler à nouveau. Dans ce chant de dentelles s’agitait Isabel, presque prête, cheveux délicatement remontés en un chignon, dégageant sa nuque. L’écrin abritant le collier fut retrouvé, les perles saisies et glissées autour de son cou. Elle s’arrêta au instant devant le miroir, ajusta sa nouvelle robe bleue nuit, à l’échancré discrètement brodé, un dernier regard malheureux à son dessert abandonné, et elle partit rejoindre Lanceline.

En arrivant sur place, elle aurait presque imaginé un homme se précipitant vers elle, en habit de cours, tout sourire, grand parchemin à la main, le déroulant, et lui annonçant, ému, touché, qu’elle recevait le titre Ô combien méritoire et mérité de la femme la plus en retard du monde. Avec les honneurs du jury. Merci merci, c’est trop. Trop. Comme le temps qu’elle avait passé à papillonner et autres choses toutes aussi futiles. Maintenant, elle ne recevait pas le titre honorifique de la jeune fille à marier qui n’avait vaillamment pas dépassé le couvre-feu de minuit, faute de pointer le bout de son nez trois ans après la bataille. Elle s’avança, avec la désagréable sensation que tous lui jetaient des coups d’yeux outrés. Paranoïaque, et en retard. Il fallait décidemment qu’elle entreprenne rapidement de retrouver sa filleule dans la foule. Sûrement y avait-il également Cloé, en train de déguster, ou de papoter. Isabel, sur le pas de la porte, balayait la salle du regard. Les prunelles bleu-vert cherchaient l’une des ses amies, filleule ou marraine, s’attardant sur les visages, ou sur quelques toilettes ravissantes. Elle aperçut une chevelure blonde, un profil familier qu’elle aurait reconnu entre mille, et se glissa entre les invités, déambula entre les jupons, les rires et les conversations, jusqu’à Lanceline. La main gantée se posa sur l’épaule de son amie. Elle lui chuchota à l’oreille :


Bonjour, Damoiselle, je suis chevalier errant, je cherche une certaine Lanceline pour l’emmener en lune de miel sur mon cheval blanc, je suis à la bonne adresse ?
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Elisabeth_stilton
Sauf qu'Eli elle ne voulait pas ! Pas question de dépenser de l'argent pour ces macarons surtout ceux qui ne sont pas fait par Ella. Elle ne pouvait pas nier qu'elle les avait apprécié mais les derniers nés de la maison étaient trop exotiques pour elle pas question ! En plus elle avait un argument de choc pour Attia et avait une petite idée de ce qu'elle allait lui dire pour la convaincre. La blonde se mit en quête de la jeune mère détrousseuse de bourse. Dire qu'en plus elle lui vole son travail ... et oui c'est elle qui les vides les bourses en temps normal.

Après quelques pérégrinations ici ou là, elle trouva la femme qu'elle cherchait déjà prête à passer commande. Là le sens d'Eli ne fit un tour dans ses veines, elle se précipita vers ce petit monde pour éviter le massacre. Délicatement et tout en grâce elle se glissa auprès de la des Juli pour lui parle à l'oreille aussi discrète que possible.


Attia, je crois que nous devons parler avant que tu ne cherches à nous ruiner.
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Pour le mariage d'Eli, c'est reparti : http://forum2.lesroyaumes.com/viewtopic.php?p=13668718#13668718
Ella_duree
[Plusieurs semaines plus tard à la boutique.]


Joli drap de Flandres froissé entre des doigts rendus crochus par la fatigue et la maladie.
Joli drap de Flandres qu’elle serre contre elle pour se prémunir en vain de la douleur lors même qu’elle dort.

Joli drap de Flandres qui vient frotter contre le bord du lavoir, qui vient se frotter à la poigne ferme et solide d’une Pervenche qui se prévaut d’être la meilleure lavandière des Comminges. Celui-ci appartient à une riche bourgeoise qui entend bien le récupérer propre. A sa tâche, elle rêve pourtant à un tout autre destin que celui du lavoir. Paris que lui a promis Louis quand ils se promettaient l’un à l’autre sur le parvis de l’église. Paris et leurs vies à eux deux qui changeraient. C'était promis.

Joli drap de Flandres qui est relâché au profit d’un sourire qui perce.
Joli drap de Flandres qui semble respirer quand c’est un soupir qui est exhalé.

Joli drap de Flandres battu avec conviction alors qu’elle l’étend dans la cour, dans la boutique, un sifflement gai qui lui chavire le cœur et auquel elle répond par un fredonnement. Des rires qui carillonnent en réponse et un bambin brun qui vient se perdre dans ses jambes manquant de la faire tomber. La Durée de relever la tête et d’offrir au ciel gris de Paris, un sourire ravi avant que de rentrer dans la petite boutique, tenant contre sa hanche, le fruit d’un amour un peu niais, un peu rêveur, un peu à eux, leur Paris à eux.

Joli drap de Flandres, soulevé par un courant d’air venu de la rue, porteur de bruits et de cris.
Joli drap de Flandres qui s’anime sous les tremblements et la fébrilité, sous Paris qui s’éveille.

Joli drap de Flandres teint avec ferveur dans un dégueulis de couleurs et d’odeurs, malgré les grimaces, ils avancent, bras dessus, bras dessous. Quelle drôle de vie que la leur, toujours amoureux, toujours heureux. Et une chanson, chantée à deux, d’un œil malicieux. Epoux, amants, amis, complices, confiants qui errent au revenir de la messe près de la Seine s’extasiant de la vie des berges, du cœur du Royaume.

Joli drap de Flandres qui s’emmêle dans les chevilles frêles, qui s’empêtre dans les souvenirs.
Joli drap de Flandres qui étanche une larme au coin de l’œil, qui accueille une tristesse en ses plis.

Joli drap de Flandres qu’on rabat sur le corps de l’être aimé en guise de linceul alors que les prières sont dictées par l’homme d’église qui regarde d’un air torve la veuve éplorée et le bambin apathique. Les douleurs ne viennent pas seules, et la boutique ne résonne plus d’aucun rire, que de détermination farouche qui s’entend dans les chansons qui s’obstinent et persistent à meubler le silence alors que les piécettes vont d’une main à l’autre et que s’ajoute une pièce à cette boutique, que les économies sont dépensées et que la volonté prend le pas sur la naïveté. Une main glissée dans une chevelure brune soigneusement coiffée, un regard aimant, alors que déjà, elle s’active devant le four à faire ce pour quoi elle était née. Créer de l’amour.

Joli drap de Flandres qui étouffe un rire douloureux, un sourire amoureux.
Joli drap de Flandres qui vient dissimuler la vision d’un avenir heureux.

Joli drap de Flandres qu’elle a acheté avec cette nouvelle fortune pour en revêtir sa couche bien luxueuse maintenant que plus rien ne leur fait défaut. Joli drap de Flandres aux couleurs que Louis préférait, celles de ses yeux, pervenche. Et elle, de se promener sur les bords de Seine et de se souvenir qu’alors, ils étaient heureux dans ce Paris promis.

Joli drap de Flandres qui recouvre la dame en violet, la Dame Durée qui sourit d’un dernier sourire.
Joli drap de Flandres qui offre la paix et le réconfort.

C'est la fin des haricots..


Mais Louis .. n'aime pas les légumes.. Nous ferons des ..macarons.

A Paris.
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Linien_lamora
C'était une aube rouge. Une lumière écarlate et sanglante pour éclairer la scène morbide qui se jouait dans cette chambre à coucher.
Car ce matin-là, la Durée ne s’éveilla pas.

La silhouette androgyne d'Eilinn Melani resta de marbre à la découverte du corps, ne semblant pas émue par la mort de sa belle-mère.

Il fallait admettre que très tôt la mort avait bercé la Salamandre, manquant tuer sa mère à la naissance. L'assassinat de son père en place de Reims alors qu'elle n'était qu'un enfançon chétif. Celle de sa mère, bien plus récente, plus tragique, d'une main aimée. D'autres décès avaient émaillé sa vie : celle de la Reyne Béatrice de Castelmaure, celle d'Aléanore Jagellon-Alterac encore...
Elle s'était assez recueillie sur les corps sans vie de ses proches pour ne plus trembler devant le spectre de la Camarde.

Le principal problème présentement n'était pas ainsi la mort d'Ella Durée, qui était une délivrance des souffrances terrestres du corps affaibli de la patissière.
Non, le problème était Ernest, à qui il faudrait annoncer la nouvelle, l'effondrement de son univers, la fin de toute chose. Pour l'attardé qui lui servait d'époux, la vie n'était pas l'Ouroboros, mais uniquement la contemplation de la figure maternelle, pilier de toute chose et de sa faible raison.

La vicomtesse d'Avize avait accepté le mariage pour cette raison, pour cet instant précis : accompagner Ernest dans le deuil maternel qui avait été deviné, lui permettre de trouver, peut-être, une autre raison de continuer sa vie.

La maigre silhouette abandonna la chambre de la pâtissière, pour descendre à la cuisine, ou œuvrait déjà Ernest.

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Ernest_duree
    « Un jour vient où soudain l’artiste généreux
    A leur poids sur son front sent les ans plus nombreux.
    Un matin il s’éveille avec cette pensée :
    — Jeunesse aux jours dorés, je t’ai donc dépensée !
    Oh ! qu’il m’en reste peu ! Je vois le fond du sort,
    Comme un prodigue en pleurs le fond du coffre-fort. —
    Il sent, sous le soleil qui plus ardent s’épanche,
    Comme à midi les fleurs, sa tête qui se penche ;
    Si d’aventure il trouve, en suivant son destin,
    Le gazon sous ses pas mouillé comme au matin,
    Il dit, car il sait bien que son aube est passée :
    — C’est de la pluie, hélas ! et non de la rosée ! »

    – Victor Hugo, 1831 –


C'était l'aube à peine, c'était l'été. Les fours Durée flamboyaient, devançant la chaleur que le soleil julien répandrait sur la ville. Quelques heures avant l'ouverture de la boutique, à l'heure où seul le boulanger et le pâtissier œuvrent, à l'heure où tout autre parisien dort du sommeil du juste, et l'heure où les faubourgs et la ville s'ignorent, distants de toutes les portes d'enceinte fermées.
Les blancs d’œufs étaient puissamment battus par Ernest, tandis qu'une plaque de coques ayant reposé toute la nuit subissait ses derniers outrages – la cuisson, l'apothéose, qui donnait enfin à leur base cette chère collerette ourlée. Ce qui faisait des macarons d'Ella Durée les seuls en leur genre, loin de tous les Saint-Émilion, Montmorillon, Nancy et consort.
Le carnet de recettes était là, dans un coin, précieux entre tous, et déjà s'y esquissaient de nouveaux parfums. On envisageait un stimulant gingembre citron, pour aider les vieux nobles mariés sur le tard à honorer leur fraîche épouse ; on se laissait aller à l'idée d'un macaron breton, en toute simplicité, tout de beurre salé ; et un normand pour balancer, à la pomme, sans hésiter, quoique relevée de genièvre, car la pomme, c'était trop simple pour Ella Durée. Même, si elle avait tant tardé à la cuisiner, c'était qu'elle ne l'aimait pas trop, pas seule. Le genièvre, une touche de péket, c'était parfait.

Bientôt, Eilinn viendrait le chercher pour descendre sa mère dans ses bras puissants, et ensemble ils suivraient les indications de la pâtissière, dans leur laboratoire de délices. Ella, bien trop faible, ne marchait plus depuis des semaines, mais Ernest était serein. Sa mère lui avait promis que son mariage avec Eilinn serait la garantie de son immortalité à elle. Il l'avait crue. Au sens premier : l'immortalité avait un sens bien réel à ses yeux de rêveur.

Les blancs montés, il les mêla à la poudre d'amande, pilée encore et encore, fine poudre, fine fine. Eilinn entrait, il l'entendit, et vit ses pieds. Lui, toujours tête baissée. Il posa sa spatule et son torchon et marcha de son pas régulier vers l'escalier. Il fallait descendre sa mère, c'était un nouvel élément de son rituel quotidien, qu'il aimait entre tous. Il était contre son ventre, ils ne faisaient qu'un, tous les matins. Sa mère sa rondeur, sa mère sa chaleur ; la balance de son univers.

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Vicomte et pâtissier
Linien_lamora
Immuablement, chaque matin était identique au précédent. La routine était une chose rassurante pour le Vicomte d'Avize, mais jour à jour elle emprisonnait son épouse dans une cage dorée, composée de rituels, d'obligations, de tics et de tocs pour compenser l'angoisse infinie du pâtissier.
Ce matin, il allait donc chercher sa mère, son soleil, son centre, son unique raison de garder la raison.

Mais l'équilibre précaire était désormais rompu par la fragilité de l'existence, soumise à la mort, de façon bien souvent aléatoire, irrationnelle, imprévisible.


Non Ernest.

Eilinn ne disait jamais "non" généralement. Elle formulait les choses pour s'opposer à une décision, mais c'était toujours tourné en un "oui mais". Cela passait mieux pour son interlocuteur, sauf qu'aujourd'hui, c'était à Ernest qu'elle devait s'opposer. Alors il lui fallait dire non.

Ta mère est morte.


Son corps est froid, elle a enfin trouvé la paix, et le cadenas de ma cage s'est désormais verrouillé pour un hymen insupportable.
Elle n'ajouta rien, présenter ses condoléances était inutile, lui poser une main sur l'épaule serait un acte très audacieux mais également dangereux. Marmoréenne, elle resta à regarder les plaques de macarons préparés par son époux, semblant se demander si certains d'entre eux allaient soupirer à la mort de leur créatrice.

Mais le macaron ne soupire pas. Il croûte. Tous les mêmes, ces macarons.

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Ernest_duree
-« Non. »

Non. Juste non. Ernest balaya cette phrase de son épouse d'un mot d'un seul. Son épouse était peut-être sa béquille, mais sa mère était ses ailes. Entre ce que disait Eilinn et ce que disait Ella, c'était toujours Ella qu'Ernest croyait. Ella lui avait promis l'éternité avec elle. Eilinn se trompait.
Ernest continua de marcher vers l'escalier et commença à le monter. Cela l'agaçait qu'Eilinn fît preuve d'autant d'incohérence, d'illogisme, de... d'humanité, au fond. Elle avait presque réussi à lui faire croire qu'il existait de bonnes personnes dans le monde, hormis sa mère. Et voilà qu'elle faisait marche arrière, qu'elle rentrait dans le troupeau des gens communs, inutilement bavards, incohérents.

Rien ne le retiendrait de monter là haut, embrasser sa mère, passer le bras sous ces épaules frêles, sous ces genoux atones, et la mener dans leur utérus commun, dans cette cuisine, dans leur monde.
Non, rien ne le retiendrait.

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Vicomte et pâtissier
Linien_lamora
Les macarons ne soupiraient pas, mais la vicomtesse le fit. Un soupir d'abandon, comme ceux qui ont trop combattu et qui voient la lame ennemie inexorablement s'abattre sur eux.
Ceux qui disent qu'on est lâche, qu'on est impuissant, et advienne que pourra.


Alors va.

Elle ne le retiendrait pas, même si la raison d'Ernest se brisait sur le cadavre froid de sa génitrice.
Eilinn ferma les yeux, se laissant bercer par les odeurs sucrées de la cuisine.
Il y avait bien longtemps qu'elle n'avait pas volé de biscuits dans les cuisines de Saint Omer, cela faisait... une éternité. Elle repensa à ces instants d'enfance, alors qu'elle savait déjà qu'elle cuisinerait.
A l'époque, elle n'envisageait pas qu'elle deviendrait Premier Maitre d’Hôtel du Louvre, qu'elle aurait son heure de gloire, et qu'elle deviendrait l'héritière d'Ella Durée. Elle rouvrit les yeux et poussa un nouveau soupir.

Elle sut qu'elle vivait ses derniers moments de calme, que tout allait basculer dans le cauchemar. Elle aurait pu prendre son manteau, s'enfuir, quitter cette boutique et ce destin. Mais elle resta là, la main posée sur la table, regardant les macarons. Elle se pliait à nouveau à sa Destinée, car elle n'était pas de ceux qui savaient forger les leurs.

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Ernest_duree
Les macarons dans le four arrivaient à point et Ernest en haut. L'escalier, la chambre, le lit, et sa mère. Elle n'était pas levée, Eilinn ne l'avait pas aidée à s'habiller, se laver... Eilinn avait tout bouleversé. Les choses n'étaient pas comme elles devaient être. Les choses n'étaient pas. Eilinn avait brisé le rituel.

Ernest recula, car il fallait faire machine arrière, il fallait dire à Eilinn de venir éveiller et apprêter Ella.
Ernest avança. Il ne pouvait pas laisser sa mère. C'était le moment maintenant, dans son rituel, de venir la chercher, descendre, sortir les macarons du four ardent. Il ne pouvait pas les sortir sans elle ; elle était toujours là pour la première fournée du matin, c'était comme ça. Le matin, elle était là.
Alors Ernest avança. Ernest prit sa mère, sa mère vivante, sa mère éternelle, et la trouva froide dans sa chainse légère. Elle était frêle, une plume, et si froide qu'une seule envie lui vint. Ce corps contre le sien, tout affolé, il descendit l'escalier. Ce corps raide contre le sien, il revint à la cuisine où la chaleur était étouffante. Si elle ne se réveillait pas là haut dans le noir, ici, elle se réveillerait. Il la portait contre son coeur, et ne sentait plus le sien battre... Ce battement qui calmait son esprit, ce battement qu'il cherchait toujours, ce rythme qui lui apportait la sérénité... Ce rythme n'était que silence. Plus d'onde, plus de vibration.

Il ne regarda pas Eilinn, dans la cuisine. Il posa Ella dans le fauteuil qu'elle occupait toujours, et elle ne s'éveilla pas. Il sortit les macarons. Les choses devaient continuer. Le rituel. Il allait lui apporter les macarons et Ella hocherait la tête et approuverait leur travail et...
Elle ne bougeait pas, et son menton tombait sur son torse. Yeux clos, tant et si bien qu'Ernest, plaque de macarons en main, four ouvert, lâcha tout. Au diable les macarons. Elle était si froide que rien ne serait jamais trop chaud pour raviver sa flamme. Ou peut-être...

Il regarda pour la première fois Eilinn, et dit d'une voix claire, une voix fluide, une voix sûre d'elle, pour la première fois depuis vingt années :


-« Elle ne se réveillera pas si elle a froid ! »

Une voix assurée, résolue. Ella se réveillerait, il savait bien comment. Comme les macarons qui gonflent et prennent corps et vie dans la chaleur rassurante d'un four.

Le four hurlait, gueule ouverte, le bois craquait, et les flammes dansaient de joie.

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Vicomte et pâtissier
Linien_lamora
Les minutes s'écoulèrent, et Ernest ramena le corps de sa mère, comme pour tenter de faire reprendre à ce jour le cycle qui avait été interrompu. Le visage d'Eilinn se ferma lorsque le cadavre fut déposé dans son fauteuil et que son époux tenta de reprendre la cuisson des macarons. Elle refusait de regarder un instant de plus l'enveloppe charnelle d'Ella, préférant baisser les yeux. Elle ne se mit pas non plus à la tache comme elle aurait du le faire, comme pour marquer sa désapprobation, sa révolte.

La voix d'Ernest se fit entendre à nouveau, faisant relever la tête à la jeune fille.


Elle ne se réveillera plus. On ne ramène pas les morts à la vie, Ernest !

Il y avait presque un cri dans ces derniers mots, une supplication pour qu'il revienne à la raison.
Mais la raison d'Ernest n'était pas la sienne, ni celle de qui que ce soit dans ce monde. La jeune fille comprit alors l'intention de son époux, et sut qu'on lui demandait encore de lutter.

Il est trop tard !

Elle se mit devant le four qui crépitait joyeusement, qui attendait son combustible du jour, pour l'empêcher de faire ce qu'il souhaitait.
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Ernest_duree
    « Non, ce n’est pas la fin. Non, non, tout n’est pas dit.
    Morne anxiété qui germe et qui grandit !
    Tourment de la pensée après l’œuvre achevée !
    Stupeur de l’aigle esprit en voyant sa couvée !
    Scrupules du songeur sur ce qu’il a songé.
    Se venger, c’est la loi du passé submergé.
    C’est la vieille coutume et c’est la vieille table ;
    Tout n’est pas dit après le verdict lamentable
    Prononcé-paries cris, les pleurs, les désespoirs.
    Vous êtes des bourreaux vous-mêmes, masques noirs !
    Et le bourreau n’a pas le dernier la parole.
    L’avenir triomphant veut une autre auréole
    Que l’âpre flamboiement des expiations. »

    – Victor Hugo, 1857-1858 –


-« Elle n'est pas morte elle n'est pas morte Eilinn elle est éternelle elle est le Monde elle a froid ! »

Ernest se redressa. Cela faisait peut-être vingt ans qu'il avait le visage penché vers le bas tout le jour, hormis lorsqu'il fallait prendre de hauts objets. Et plus de vingt ans qu'il dormait en position foetale, replié sur lui-même comme auprès de sa mère. Plus de vingt ans sans jamais la quitter... Il se redressa. Dans ses yeux le vide, jadis ; là y dansaient les flammes du brasier. Son bras puissant, qui d'ordinaire ne battait que les blancs d'oeufs, s'abattit sur Eilinn, pour l'écarter, sans appel. La propulser, même, loin du four, car c'était la destination d'Ella, car Ella y retrouverait la chaleur de la vie, car, bon sang, Eilinn devait arrêter de faire obstacle à l'ordre des choses. Elle perturbait tout, depuis ce matin, depuis qu'elle avait refusé de réveiller Ella !

Le grand four ronronnait, salivant des flammes à l'approche de son petit-déjeuner. Ernest prit le corps froid de sa mère et l'y glissa, comme une lettre dans la fente d'une boîte. C'était si beau, dans l'idée, c'était si chaud ! Les cheveux d'Ella, sur la pierre brûlante, grésillèrent et rétrécirent, en fumée déjà. Le corps était frêle et mince, mais dans le four, il ne tenait pas, ce n'était pas aisé, enfin, de l'y glisser entier. Il résistait, les membres buttaient... Mais Ella ne se réchaufferait pas, avec les pieds dehors ! Plus Ernest s'affairait, moins il y arrivait, et le corps de sa mère séchait, suintait, fondait.
Les pieds étaient encore froids que le visage était méconnaissable.

Lorsqu'il réalisa que sa douce mère qui dormait, il venait de la tuer, il hurla, à la mort, dans le silence de l'aube parisienne. Il sortit le corps brûlant la mort, glissa sur la plaque de macarons qu'il avait laissé tomber un peu plus tôt... Effondré, il enlaça sa mère, et ses larmes, contre le feu, ne pouvaient rien... Alors qu'importe. Qu'importe Eilinn, qu'importe la boutique, qu'importe le Monde. Ella le faisait tourner, c'était bien pour cela, la rondeur rassurante des macarons. Pas un point plus loin du centre qu'un autre. Ernest ne serait jamais plus loin de sa mère. Tout disparaîtrait, et faute d'embrasser le monde, il embrasait son origine. Par le commencement : se relevant, d'un coup, comme illuminé, il se rua vers le livre d'Ella. Les recettes, passées, à venir. Les secrets d'Ella. Les règles de son Monde. Si Ella disparaissait, les règles devaient disparaître. Adieu recettes... Ernest ramena aussitôt le livre à sa mère, boursouflée et tannée par le four. Il le posa sur la chainse, et saisissant la pelle du four, il préleva des braises dans l'orifice de l'âtre, et les jeta à travers la pièce. Sur Ella, sur les sacs de jute bourrés d'amandes, sur les boîtes de cartonnages, sur les livres de compte, sur les étagères de bois. Le dément à la force d'un Hercule dansait, pelle à la main, dans les traînées de lumière de braises volantes. Il s'agita, tant et plus, renversa les calels d'huile... Le Monde brûlerait, et Ella en serait encore le centre. Au centre de la cuisine, au centre de leur vie. Où était Eilinn ? Au diable Eilinn ! Les mots de la foi et du mariage n'avaient pas cours dans le cosmos d'Ernest. Il se jeta une pelletée de braises à la figure et chut sur sa mère, sur le livre et la chainse ardents. Aucune douleur n'était plus grande que d'avoir tué sa mère...

À côté de cette perte, la boutique qui prenait feu, c'était... un feu de joie.

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Vicomte et pâtissier
Linien_lamora
Il la repoussa, et le corps chétif d'Eilinn chut contre le mur, faible fétu de paille face à la puissance d'Ernest, qui semblait en cet instant, pour la première fois, en pleine possession de ses moyens. Il servait sa Folie, leur Folie, alors qu'elle le regarda avec horreur mettre le corps de sa mère dans le four. L'odeur de chair brûlée lui donna envie de vomir, alors qu'elle tentait de se relever.

L'Apocalypse advint alors dans la cuisine.


    Dans un tremblement assourdissant, le sol s’ouvrit sous les pieds des rares à être restés en ville. Des flammes hautes comme une cathédrale vinrent les dévorer. Les bâtiments furent mis à bas, les pierres s’effondrant sur leurs habitants, et les flammes dévastaient tout. Bientôt, toute la cité fut engloutie dans les entrailles de la terre, ne laissant plus aucune trace de son existence.
    Livre de la Pré-Histoire
    Chapitre VI - « La punition »


Eilinn se mit à pleurer, pour la première fois depuis des années. Des larmes de pure terreur alors que le feu prenait de toute part, né des braises lancées au vent de la folie de son époux. Le feu naissait presque spontanément, s'alimentant de chaque chose, ravageant des années de travail, et il semblait à la jeune fille que celui-ci se riait d'elle, alors qu'il dévorait tout ce qu'elle avait obtenu par le sacrifice de son hymen.

Non ! Pas le livre !

Non, elle ne voulait pas sauver Ernest, elle voulait sauver le livre de recettes, seule chose qui lui semblait d'importance en cet instant. Elle voulut saisir le carnet, désormais coincé entre un corps inerte et celui de son époux, en train d'etre dévoré par les flammes. Elle tenta alors de repousser Ernest pour prendre le livre, de toutes ses forces.
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