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[RP] Maison Ella Durée.

Ernest_duree
Ernest sent battre le cœur de sa mère contre le sien. Et c'est bien le problème, ce battement de cœur maternel, c'est qu'il est plus rapide que le sien. Il le sent, et cela le panique. Et la panique fait grimper son propre rythme cardiaque, et les voilà tous deux, ces cœurs, qui battent à l'unisson. Alors, il est serein, alors, l'étreinte maternelle prend fin. Sa mère... C'était sa paix à lui. Celle qui ne disait jamais un mot illogique, celle qui ne le forçait jamais à affronter un monde trop incohérent.

Ernest retourna au comptoir, à pas serrés, un pied exactement devant l'autre, talon contre orteils, sur la même ligne. Il tourna à angle droit et reprit sa brosse et son baquet d'eau. Il frotta le comptoir, commençant par les bords, puis allant, peu à peu, géométriquement, jusqu'au centre de la pièce de marbre. Il fit glisser la poussière sur une pelle, et secoua la pelle pour y répartir uniformément la poussière. Alors, et alors seulement, il la versa dans son seau.
Puis la cire. Il fallait cirer et lustrer le comptoir, seul moyen de le faire briller. Il lui fallut 123 secondes pour le faire, avec une frénésie qui n'appartenait qu'à lui. Il ne faisait jamais d'effort sportif vain, mais lustrer le comptoir n'avait rien de vain. C'était l'apothéose de son impeccable ménage.


-« Mère j'ai - fini Mère dis - moi ce que tu - veux manger. »

Ce n'était pas de la servitude. C'était le cadre. Elle avait dit qu'ils mangeraient. Il était naturel, alors, qu'ils mangeassent ; elle l'avait dit, alors ils faisaient. S'y dérober aurait relevé de l'illogisme le plus terrifiant.
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Vicomte et pâtissier
Ella_duree
Voilà comment on travaille dans d'excellentes conditions. Avec un lieu de travail toujours impeccable, avec un Ernest sous le coude. Loin d'elle l'idée de réduire son fils à l'esclavage, loin d'elle l'idée de le reléguer au rang de serf, mais très tôt Ernest avait fait montre d'intérêt pour le rangement, le tri, l'ordre, alors pourquoi l'en dissuader au risque d'avoir à faire à des colères ou des crises à effrayer tout le voisinage ? Pourquoi l'en dissuader quand il suffit d'aller dans son sens, d'expliquer pour qu'il s'améliore, de montrer pour qu'il mette en pratique, et de laisser faire ce qui coule de source maintenant pour lui. Automatisme, perfectionnisme, voilà quels seraient les mots que la Durée aurait pu utiliser pour cataloguer son fils, si tant est qu'elle ait voulu le faire. Au lieu de quoi, elle s'obstinait à ne voir qu'en lui sa chair et son sang.

Contrarie-t-on son amour ? L'on ne le peut. Alors elle le laisse et profite des retrouvailles avec son chez elle, apprécie du coin de l'oeil la netteté de la terre battue dans l'arrière boutique, leur foyer, pas une miette, pas un déchet, Ernest est un prodige de rangement, et c'est pour ne pas offusquer ce prodige, qu'elle entraîne avec elle ses menues affaires, laissant au bas des escaliers les malles trop lourdes pour elle. Ernest rangera cela avec plus de joie qu'elle, et cela sera toujours utile de le calmer plus tard en lui proposant cette tâche rébarbative pour certains, et ô combien chronophage pour lui. Sa besace posée, les dernières affaires récupérées, elle redescend à temps pour l'entendre demander. Pourrait-elle se permettre le luxe d'un vague "Ce que tu veux." ? Il faudrait vouloir déclencher les hostilités pour cela, elles viendront bien assez tôt.


Il nous reste de cet excellent jambon que j'avais ramené du marché, et j'avais pris pour la route du fromage et un peu de pain.

Une moitié de fromage, une miche de pain délestée du tiers, glorieux repas que celui-là. Assez pourtant pour tenir à son estomac si fragile.

Reste-t-il à boire ?

Oui. Non. Limiter les choix, les réponses, les alternatives.

Comment vas-tu ? Fais-tu les choses bien à l'Atelier mon tout petit ?

Oui, bon il a grandi. Et alors ?
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Ernest_duree
Ernest ne répondit rien, parole inutile. L'acte pouvait parler, alors parlerait l'acte : il alla à l'arrière-boutique et décrocha du plafond le jambon qui y séchait depuis quelques semaines. Un jambon, ça fait tout l'hiver.

Il le cala sous son bras et piocha dans une malle une cruche de cidre. De retour auprès de sa mère, il posa le jambon, la cruche, retourna prendre un couteau, revint, et attaqua en premier la cire qui retenait le bouchon de liège - il la cisela bien soigneusement, à gestes mesurés - , en second le jambon. Il coupa deux tranches. Deux de pain, également. Servit deux godets.
Et s'assit.
Là, là seulement, parce que tout le reste était en ordre, il répondit :


-« Je vais bien je - sers les clients à la - Tour Jean Sans - Peur. J'ai fait - des pralines des - aumônières douze par - aumônière et je range - les boîtes comme - il faut. »

"Comme il faut", avec tout le sens que cela prend, lorsque l'on est un Ernest.

Ernest prit sa tranche de pain et sa tranche de jambon, posa la seconde sur la première, et découpa, méticuleusement, tout morceau de jambon qui dépassait du pain. Puis il dépassa tout morceau de pain non couvert de jambon, et écarta ces miettes. Pour ne garder que son impeccable tartine, qu'il contempla un instant, comptant jusqu'à trente-cinq avant de la manger.

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Vicomte et pâtissier
Ella_duree
Et elle, elle attend. Quand son fils s'efforce de trouver une utilité et une logique à toutes choses, elle fait de son mieux pour contrôler les tremblements superflus de ses mains qu'elle dissimule dans les plis de ses jupes, le laissant faire. Il y a bien longtemps qu'elle ne s'inquiète plus de voir Ernest tenant un couteau à la main, même si son coeur de mère se sert un peu à l'idée de le voir grandir, et ce qu'il dit confirme tout cela. Son tout petit a grandi, et l'idée de le marier n'était pas superflu. Si même un grand dadet comme Ernest grandit et se responsabilise de façon si mature, alors force est de constater qu'il est en âge de prendre femme et d'être homme.. Ou au moins de faire semblant aux yeux des autres. La tartine est récupérée avec un sourire amusé à le voir faire, mais c'est la timbale qui est privilégiée qu'elle boit à petites lampées, se contentant de dévorer du regard son fils et ses moindres faits et gestes. Il pourrait si bien faire illusion, il pourrait très bien paraître normal. Il pourrait.. Et pourquoi alors ne pas donner à cette conversation un tour tout à fait normal ?

Des pralines ? Moi qui avait ramené des gâteries pour le dessert. Tu n'as plus besoin de moi.

Et elle croque du bout des lèvres dans la tartine, goûtant des papilles ce jambon au fumet certainement délicieux mais dont la perte d'odorat la prive. Un temps, un temps certain qu'elle laisse pour qu'il assimile les informations et comprenne que ce n'est pas vain.

J'ai réfléchi à ce que tu m'avais dit sur les tailles des boîtes. J'en ai fait d'autres. Plus faciles à ranger, je pense. Il faudra me le dire. Ils sont dans la petite malle, mais finis de manger.

De toute façon, quand bien même, il voudrait changer, il lui a fallu des mois pour arriver à en avoir quelques spécimens intacts, qu'elle n'aurait pas abîmé par un geste malencontreux. La recette ira à Eilinn et lui-même, et ils feront. Mais ceux-là sont uniques, ils sont les efforts d'une mère à son fils.
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Ernest_duree
Ernest mangea à bouchées mesurées. Elles devaient toutes contenir la même chose. La même quantité de jambon, de mie, de croûte. Il mangeait sa tartine non en l'enfonçant progressivement dans sa bouche, à chaque morsure de ses dents généreuses, mais plutôt en la tournant à chaque bouchée, pour présenter toujours ses lèvres à un bout de croûte.
Ce n'était jamais parfait, bien sûr, mais faute de perfection, Ernest voulait n'avoir aucun regret ; avoir fait tout son possible pour tendre vers cette perfection bénie.

Il ne parla pas durant tout son rituel. La dernière bouchée avalée, il dit enfin :


-« J'ai besoin de - toi Mère le monde n'est - pas monde sans toi. »

Que ferai-il, sans la paix, sans sa Paix, sa mère, chère mère qui agissait avec lui exactement comme il le fallait, pour son esprit, pour son repos ?

Tartine finie, il prit le fromage et en coupa un huitième, précisément. Il coupa la même chose, exactement, pour sa mère. Et dit encore :


-« Linien a créé deux - gâteaux. »

Il aurait pu, exalté par la nouvelle de la création de nouveaux coffrets de formes ergonomiques, se précipiter vers la malle pour lever le suspens. Mais il faisait confiance à sa mère : elle avait dit que les nouvelles boîtes seraient plus pratiques à ranger, ce serait donc le cas. Elle avait annoncé qu'ils verraient une fois fini de manger, alors il finissait de manger. Logique.
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Vicomte et pâtissier
Ella_duree
Quelle mère ne se serait pas réjouie d'être l'unique raison de vivre de son enfant ? Quelle mère n'aurait pas goûté avec délectation et égoïsme cette déclaration d'amour tranquille ? Elle. Cent fois elle qui frémit à ces mots, qui souffre en silence de l'entendre relever le couperet pour mieux l'abattre. La tête tombe, le coeur s'arrête un instant, court instant qui la fait s'étouffer du maigre morceau de tartine qu'elle vient de mâcher consciencieusement pourtant. Ernest, c'est un trésor et une folie. Un don du ciel et une malédiction. Elle souffre par où elle a pêché, elle l'a trop aimé et voilà qu'il l'aime en retour, de l'amour juste et parfait d'un fils à sa mère, et pourtant, comme elle voudrait qu'il la haïsse pour ne pas craindre de le blesser à mort peut être. Tant va la cruche .. Qui ressert son verre pour mieux le vider d'un trait et faire passer ce morceau amer dans sa gorge.

Et il l'achève, il piétine son corps et son coeur, à petits pas méticuleux, à petits pas comptés, il l'écrase et le pétrit, d'un geste calculé et bien ordonné. Il précipite tout sans le vouloir quand elle voudrait prendre son temps, le faire traîner ce temps. Alors, seulement alors, elle se ressaisit et sourit péniblement, avant de lancer frivole.


Tu es un bien grand garçon pour avoir besoin de ta mère, Ernest. C'est chose logique que de t'en passer et de lui préférer une femme.

Qu'il voit le regard implacable, qu'il sache que c'est logique, oui. Il ne devrait pas à quinze ans déjà, rester avec sa mère, toujours avec sa mère, il devrait courir la gueuse. Elle ne le force pas, elle lui explique.

Sont-ils bons ces gâteaux ? Les as-tu goûtés ? Et as-tu déjà goûté ceux d'Eilinn ? Tu sais la jolie jeune fille brune qui venait nous voir..

Si la Melani n'a pas voulu lui dévoiler le double jeu, il ne faut pas le faire. Ce sont deux entités tellement différentes que le choc serait à même de paniquer le pauvre enfant. Mais elle ne veut pas l'épargner, elle veut lui expliquer et le préparer. Comment dit-on à son fils qu'on le veut parti et marié pour mieux mourir en paix ? En mangeant du fromage, en finissant le fromage, et en attendant qu'il aille chercher le dessert pour mieux poursuivre la conversation.
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Ernest_duree
Ernest, assis, se mit à se balancer, d'avant en arrière, yeux rivés sur la table. Il avait souvent ce mouvement de pendule, ce mouvement qui canalisait les bruits, les aléas du monde et les entraînait, et le rassurait. Sa mère disait des choses qui avaient du mal à faire leur chemin dans sa tête. Rien n'était exactement équivalent à une autre chose. Chaque être était unique, rien ne remplacerait sa mère, homme ou femme, tout ne serait que pis-aller.

Et puis, sa mère si logique, si douce, comment pouvait-elle faire à cet instant preuve d'autant d'illogisme ? Elle ne pouvait se moquer de lui. Il le savait, c'était ce qu'il y avait de rassurant chez elle. Mais lui parler d'Eilinn, quand lui parlait de l'Autre-à-Jean-Sans-Peur... Fallait-il être d'intelligence tout juste commune, pour ne pas avoir, depuis longtemps, saisi les gestes qui ne trompent pas ? Il faisait le pendule, sur sa chaise, sans répondre, sans doute une longue minute. La mère était patiente, elle connaissait son fils, elle connaissait cette attitude, ce régulateur naturel.

Il dit, finalement :


-« Ils - sont bons ils - sont en vente pour les - clients mais les clients - ne les connaissent - pas ils commandent - les macarons. »
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Vicomte et pâtissier
Ella_duree
Oh la gaffe ! Oh la jolie gaffe ! Elle a planté quelque part sinon Ernest ne s'agiterait pas comme cela. Ernest qui se balance, c'est elle qui a fauté. Ernest qui se balance, c'est l'incompréhension d'un enfant logique en tout point. Et alors même qu'elle veut qu'il puisse se séparer d'elle, la voilà qui vient s'asseoir à ses côtés pour lui caresser les cheveux, puisant dans un restant de force pour assurer sa prise sur les mèches brunes. Les mains glissent d'elles-même, retrouvant un réflexe de longue date, qui coulent dans les cheveux, descendent sur une joue, défont une miette. De la tendresse en barre, de l'amour en perfusion, si elle pouvait, elle lui donnerait sa vie pour qu'il ait l'once d'une normalité.

Allons, allons mon Chaton.

Pourtant, elle repousse l'inéluctable, elle repousse l'inexorable, elle repousse tant de mots en -able qui sont terrifiants pour cette mère. Alors elle prend son courage à deux mains, faible tout autant que lâche. La voix est douce, calme, comme Ella Durée, comme toujours, même énervée, sa voix ne saurait changer, ne saurait enfler et devenir mauvaise. Elle est ce qu'elle est, pleine de bonté pour compenser les défauts qui la rongent, la lâcheté en fait partie.

Trouves-tu qu'Eilinn soit jolie, mon Chaton ? Veux-tu me faire plaisir ?
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Ernest_duree
La douceur constante de sa mère est un baume qui guérit (presque) tout. Et tout est dans ce presque. Ernest laissait sa mère lui caresser les cheveux, mais ses mots l'étourdissaient. Il ne pouvait suivre sa logique, lui qui pourtant la trouvait en toutes choses. Alors il ferma les yeux et s'abandonna au mécanisme des réponses. La logique viendrait d'elle-même, ou il en mourrait d'alarme - car si sa mère cessait de lui garantir un cocon logique, son monde n'aurait plus de repères.

-« Mère je - veux te faire - plaisir et je trouve - Eilinn Melani jolie et - distante et c'est - bien mais les macarons - bien rangés sont - plus jolis qu'elle et les - Double Jeu sont les plus - beaux une fois rangés de - tous les macarons car - les autres n'ont pas des - teintes assorties dans - des boîtes assorties il - me manque toujours - des noirs en - étui. »

Voilà l'illogique : ils avaient fini de manger, et elle ne lui avait pas montré les nouveaux macarons, comme promis. Voilà l'illogique, voilà son drame cosmique.
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Vicomte et pâtissier
Ella_duree
Malgré toutes les peines du monde, malgré la guerre et la misère, malgré la maladie et la mort, il n'y a rien qui n'arrive à lui arracher ce sourire comme Ernest, car alors qu'il lui expose ses desideratas, elle sourit, et se retient même, mère adorable, de pouffer tout bonnement. La main crispée sur ses jupes vient glisser une caresse sur la joue de l'adolescent, avant de retomber sur la table pour l'aider à se lever et gagner les malles pour en sortir les précieux et tant attendus nouveaux macarons.

Et sur la table vient s'ajouter un exemplaire de trois nouveaux parfums. Les premiers qui germaient depuis un temps dans son esprit, collaboration entre la Parisienne et une Lectouroise, promesse tenue de faire un jour des macarons à la Violette, et de cette promesse, sont nés les Améthystes. A ceux-ci, viennent s'ajouter deux autres coffrets, l'un blanc et lunaire, l'autre noir et tout en longueur. Sur le premier, elle garde la main par mesure de précaution, pour qu'il ne se précipite pas dessus pour les observer, les disséquer, car les Malemortels sont à la belladone. Le coffret noir est avancé vers Ernest quant à lui, car qui mieux que le Faucon Noir peut répondre aux espoirs d'Ernest, même si la réglisse peut surprendre au premier abord.


Te plaisent-ils ? Ils sont à la réglisse. Et les violets sont à la violette, tu t'en doutes. Les derniers sont.. Différents. Tu ne les vendras pas, Ernest, à moins de me prévenir ou de prévenir Eilinn avant. Si on te demande, tu diras que c'est un hommage à la défunte reine des putains qui fut aussi volage que mortelle pour son Royaume.

Elle le laisse à sa découverte, à son analyse et lâche tout à trac, incapable de présenter la chose différemment.

Je voudrais que tu épouses Eilinn.

Voilà, voilà. Ca, c'est fait. Maintenant, un trou de souris. On demande un trou de souris pour la deux, s'il vous plaît !
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Ernest_duree
Les yeux d'Ernest brillent d'un intérêt soudain. Il n'a plus la tête rentrée dans les épaules et baissée vers ses pieds, il tend le cou, vers la seule chose qui vaut d'être vue, vers les nouveaux coffrets, vers la clef de son rangement, vers le nouveau level de son tétris quotidien.

La sagesse maternelle avait empêché Ernest de se ruer sur le coffret lunaire, mais les deux autres, il les ouvrait, il les mesurait, il les disséquait et en goûtait le contenu, il fallait qu'il sente le goût, qu'il analyse, qu'il retrouve la recette - son seul talent. Son ouïe captait chaque mot de sa mère. Il ne se balançait plus, il était dans son élément, tout entier.

Malemortels, mortels, pour une reine qui avait mérité la sienne. Noté, exit, il ne les présenterait pas, c'était mieux, ce croissant aurait été une chienlit à ranger, l'arc extérieur n'était pas aussi concave que l'arc intérieur, ils se seraient mal rangés les uns à la suite des autres... Sans parler des pointes sur les côtés, l'espace perdu ; presque pire que les Innocentes.
Alors, tant mieux, il ne les vendrait pas. Mieux valait revenir à son inspection des Faucon Noir ; le coffret était presque parfait, il n'y avait qu'un millimètre de différence, dans le petit diamètre de l'ellipsoïde du tube, avec le petit diamètre de l'étui des Délicats. Il en ferait un damier aplati, et, pour peu qu'il le penchât et enchaînât deux Délicats et deux Faucons Noirs, pourrait même donner l'illusion d'un damier orthogonal.

C'était la joie. Une joie que le goût désinfectant des macarons à la réglisse ne venait pas gâcher, loin de là ; l'attaque vint d'ailleurs.


-« Je voudrais que tu épouses Eilinn. »

Il lâcha la boîte d'Améthystes qu'il venait de saisir et rentra sa tête dans ses épaules. Il regardait les pieds de sa mère, et ses mains étaient à plat sur ses genoux. Vu à un mètre, on aurait aussi bien pu le croire après dormir assis sur son siège.

-« Je ne veux pas changer - ma vie je ne veux pas laisser - la boutique je veux te - plaire je veux rester ici - c'est tout ce que je - veux le reste c'est - comme tu veux. »
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Vicomte et pâtissier
Ella_duree
Qu'est-ce que la maladie au regard d'un enfant heureux ? Rien. Rien du tout. Et il est heureux son fils, cela se voit, cela se ressent. Elle l'imagine dans la boutique entrain de ranger les coffrets, elle l'imagine à son aise dans ce petit espace restreint qu'il connaît par coeur et dont il pourrait redessiner l'agencement les yeux fermés. Oui, elle imagine son fils dans le futur quand elle ne sera plus là et qu'il fera ce qu'il a toujours si bien fait : Ranger sans se préoccuper du reste. C'est un cadeau d'adieu que ces coffrets-là, un au revoir qui s'est passé de mots qu'on remplace par du tissu et du sucre, des mots d'amour qu'on a échangé contre des douceurs.

Il faudra bien qu'il se débrouille plus tard, et elle sait qu'Eilinn pourra, ou du tout moins, elle espère qu'elle en aura la force. La main lâche doucement le coffret nacré pour s'étirer tout aussi lentement vers le verre. Comme le geste paraît hors du temps, hors de leur temps, il y a une éternité qui la sépare de la timbale et enfin, elle y arrive, la saisit et les doigts se resserrent dessus à en souffrir, à en mourir jusqu'à le porter à ses lèvres. Avaler, déglutir et répondre à sa supplique.


Rien ne changera Chaton. Tu seras toujours ici, tu seras toujours mon fils et tu continueras à faire ce que tu dois. Mais pour ça, tu dois être noble et épouser Eilinn. Après ça, tu resteras à la boutique aussi longtemps que tu voudras, et personne ne dira rien. Jamais.

Et aussi sûr qu'elle a confié son fils et son négoce à une Melani, elle sait que ce ne sont pas des paroles vaines. Eilinn n'est pas parjure.
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Ernest_duree
-« Je ne serai toujours - ton fils que si - j'épouse Eilinn. »

Rien de plus incohérent, mais sa mère le disait, sa mère en était convaincue... Alors il le dit, lentement, de son éternelle voix hachée. Voilà sa nouvelle logique, voilà son nouveau foyer. Épouser Eilinn est devenu une nécessité, parce qu'il ne veut pas perdre sa mère. C'est tout simple, encore ; épouser Eilinn, c'est garder sa mère pour toujours et ne rien changer à sa vie. Alors, pourquoi dirait-il non ?

-« Je ne serai toujours - ton fils que si - j'épouse Eilinn. »

Message reçu. Mal, peut-être, mais Ella peut se satisfaire d'avoir un fils docile dans ses troubles, un fils qui ne se soucie même pas de savoir comment il va bien pouvoir devenir noble. Si sa mère dit que c'est possible, ça le sera.
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Vicomte et pâtissier
Ernest_duree
[6 juin, boutique Ella Durée]

De bon matin, Ernest s'était levé, vêtu du plus simple habit de travail, et avait mangé une demie douzaine de macarons datés. Jeter les macarons, c'était un crime, dans cette maison, mais toutes les fournées n'étaient pas toujours totalement écoulées à la succursale de la Tour Jean Sans Peur. Ernest les mangeait, scrupuleusement, dans un ordre alphabétique ne souffrant aucune exception.

Ce jour-là, l'un des jours les plus longs de l'année, proche du solstice, Ernest avait toute la longue journée pour préparer la boutique. Il la nettoyait tous les deux jours, quand bien même elle ne servait plus depuis plusieurs mois ; et il vivait à l'étage, de même que sa mère, auparavant lorsqu'elle tenait la boutique et depuis qu'elle était revenue d'Anjou pour mettre en ordre les affaires de la maison... qui passaient par le mariage de son fils.
En deux coups de cuiller à peau, Ernest avait été propulsé Seigneur, puis Vicomte.

Ce qui ne changeait rien à sa vie. Il cuisinait toujours, faisait le ménage de la boutique tous les deux jours, servait les clients de la succursale, et servirait les clients de la boutique. Il ne partageait pas la couche de son épouse. Il aurait pu, remarquez ; dormir au côté de quelqu'un n'allait pas contre les règles de son cosmos. Mais quand à entretenir d'intimes rapports avec elle, c'était une chose qui ne lui avait pas même traversé l'esprit. Le monde se passait bien de ce genre de choses. Si encore il avait pu déterminer rigoureusement l'utilité de la chose, il l'aurait faite. Mais tenter au petit bonheur la chance dans l'espoir qu'une éventuelle descendance s'accroche au ventre de son épouse, c'était hors de toute logique, hors de toute efficacité, et cela suffisait à anéantir les rares traces de testostérone qui pouvaient agiter les humeurs d'Ernest.
Il n'en avait pas eu besoin avant son mariage, il n'en aurait pas besoin après. C'était tout.

Ce que le mariage d'Eilinn Melani et Ernest Durée avait vraiment changé, c'était l'allure de la boutique : au-dessus de la porte d'entrée, au-dessus de l'inscription "Maison Durée, l'on voyait désormais gravé dans la pierre les armoiries familiales d'Eilinn et Ernest - un parti à la salamandre et aux caducées, encadré de deux angelots. Cadeau de mariage de la part de Maman Durée. La fierté de la réussite à son stade le plus avancé.
A l'intérieur, de nouvelles étagères pour présenter la marchandise. En bois de châtaigner, finement sculpté... Orné de maintes salamandres et de mains caducées, devinez pourquoi. Et les nouveautés s'enchaînaient, trop pour que votre serviteur les décrive toutes, et toutes présents d'Ella Durée à ses trésors, l'héritière et le fils protégé. Ce mariage n'avait après tout vocation qu'à faire d'Eilinn Melani la fille d'Ella Durée.
Et pour Ernest, ce mariage n'avait pour vocation qu'à faire rester sa mère : elle lui avait promis que cela la sauverait.

Il y croyait, contre toute logique, il y croyait. Il était prêt à tout croire, concernant sa mère, si cela pouvait la maintenir auprès de lui. Elle était la genèse et l'apocalypse de son cosmos, sans elle, il n'aurait plus de giron abrité, il n'aurait plus de refuge, il n'aurait plus personne pour comprendre et couver son caractère si... différent. Seulement différent.

Tout le jour, il cuisina les macarons qui seraient servis le lendemain. Il commença tôt le matin, et Eilinn était là aussi. Ils devaient apprendre à travailler ensemble, ce à quoi ils s'entraînaient depuis des semaines, parfois non sans mal. Chacun avait sa propre sensibilité, sa propre organisation, sa propre exigence. Mais tous deux suivaient les seules directives qui valaient de l'être : celles d'Ella Durée. La pâte devait être faite au matin et coulée sur les plats graissés, car ensuite on faisait reposer plusieurs heures les macarons pour les faire "croûter" avant d'enfourner. Enfourner était la partie qu'Ernest n'aimait pas, et pour laquelle ses méticuleuses précautions étaient plus frileuses : le feu avait un caractère imprévisible qui le mettait mal à l'aise.

Alors, pendant qu'Eilinn se chargeait de cette partie, Ernest préparait la boutique : elle était impeccablement propre, et il disposa les boîtes sur les étagères. Il prit un soin particulier à intégrer à ses agencements habituels les nouveaux coffrets. En vérité ils en avaient déjà sorti de nouveaux récemment, mais en moindre pompe, dans l'enceinte seule de la succursale. Là... On jouait sur un autre terrain, et avec des invités de renom. Les honoreraient-ils de leur présence ? Pour Ernest, cela avait peu d'importance : il préférait dix gueux sensibles à son sens de l'ordre qu'un Pair de France fantasque.

Enfin :
Ménage, check.
Cuisine en vue du buffet continu, check.
Livraison des nouvelles aumônières, boîtes en bois, cartonnages, check.

Il ne resterait à Ernest qu'à attendre, yeux rivés au sol, se balançant comme un métronome sur ses talons, la venue des invités et clients, le lendemain.

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Vicomte et pâtissier
Linien_lamora
[Le 6 Juin]

Le jour de la réouverture de la boutique des Galeries Lafayotte approchait. Mais ce n'était pas l'agitation en cuisine, loin de là. Tout était ordonné, les mouvements étudiés, l'enchainement des gestes maitrisés entre les deux époux Durée, fraichement mariés.

Trois nouveaux macarons seraient présentés le lendemain, et comme à l'habitude, il faudrait que tout soit parfait. D'autres recettes étaient en préparation, fruits de la collaboration entre Eilinn et Ella. La patissière proposait, l'adolescente acquiesçait tout en proposant un arrangement différent, et elle se mettait ensuite aux fourneaux sous l'oeil inquisiteur de sa belle-mère, qui veillait à ce que tout soit respecté : grammage, technique, temps de préparaton, dressage.

Même si parfois quelques heurts advenaient, les deux jeunes gens se complétaient dans la réalisation des macarons, Eilinn suppléant aux angoisses d'Ernest lorsque celui-ci se sentait menacé dans sa précieuse logique.

Pendant que les macarons croutaient, il fallait s'occuper des garnitures de macarons, ainsi que des gâteaux qui seraient également proposés à la degustation le lendemain : "l'Aliénor" et le "Béatrice". La journée serait longue, mais depuis bientôt six ans, la vicomtesse d'Avize n'avait plus vraiment quitté le monde de la cuisine : d'accord commis aux cuisines du Louvre, puis Premier Maitre d'Hotel, et maintenant patissière pour le compte de la Maison Durée.
Dans de grandes plaques métalliques carrés furent préparés le biscuit aux épices, puis par dessus le crémeux à la mirabelle, avant de superposer une dernière couche de biscuit. Quand le tout serait pris, il serait temps de découper avec précaution. Les Béatrice eux étaient montés dans des petits cercles, biscuit à la rose et crémeux framboise.

Le corps anguleux exécutait les gestes avec dextérité, surveillant les garnitures, vérifiant le croûtage, maintenant le feu. Car qui aurait voulu de ce corps androgyne, modelé par les entrainements martiaux de son parrain, aux os pointus et saillants. Il n'y avait aucune rondeur de hanche ou de poitrine pour accueillir une main masculine (ou féminine, Eilinn ayant déjà repoussé des assauts saphiques), rien qui n'incitait à la tendresse ou la sensualité, la jeune fille étant généralement dépourvue de toute tentation envers l'acte de chair. Elle n'avait qu'à penser à l'éventualité d'un contact charnel pour que l'horreur et sa piété ne l'emplisse et lui coupe tout élan de ce genre.
Une sombre histoire de bombarde dans une chambre à coucher.

Ainsi son mariage ne changeait-il rien. Cela avait fait partie du contrat entre elle et Ella Durée, même si cet accord avait été implicite : Ernest ne la toucherait jamais. La nuit de noces n'avait pas été consommé, et au grand soulagement de la jeune fille, son époux n'avait pas émis le souhait jusqu'à présent de réclamer une intimité.

Au soir, tout était prêt. Vint alors le 7 Juin.

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