Meliantinuviel
Linon
Melian avait chuchoté. Doucement, elle berçait son amie, en laissant ses propres larmes couler. Elle lui dit :
Cest mon heure qui approche Linon, et je ne peux pas la repousser. Je ten avais parlé un jour : mon temps est simplement fini. Je sais que tu toccuperais de moi, je sais aussi que tu étais là
Ne tinquiète pas. Je partirai sereine en sachant que tu nes pas seule.
Melian esquissa un sourire en voyant un enfant regarder Linon dun air inquiet.
Dailleurs, un ptit bout qui tattend et qui a lair déjà de bien sinquiéter pour toi ! Ton futur se colore et je suis sûre quil te fera oublier ce que tu as vécu. Mon seul regret est de n'avoir pas eu le temps de connaitre mieux tout ce monde... Et qui te dit que je ne continuerai pas à veiller sur toi, dune manière ou dune autre ?
Melian sourit. Elle regarda Linon dans les yeux et ajouta :
Je tavais fait une promesse. Jai écrit mon histoire pour toi, fais en ce que tu veux. Noublie pas tes rêves et tes projets. Noublie pas dêtre heureuse.
Puis, plus bas.
La meilleure Linon. Tu as été la meilleure. A la rivière, demain.
Melian se pencha et déposa un baiser sur le front de Linon. Puis, décidant de couper court à leurs adieux, se retourna, senveloppa dans sa cape et sengouffra dans la nuit noire.
Linon
Linon resta plantée là, à regarder s'éloigner définitivement son amie, titubant de chagrin et sanglotant sans bruit... *la rivière...j'y serai Melian*
Une petite main se glissa dans la sienne. La jeune femme se tourna vers Marko qui levait vers elle de grands yeux bleus inquiets. Les couleurs de son futur... Elle se pencha vers lui pour tenter de le rassurer.
Pourquoi tu pleures Linon ?
Linon renifla et essuya ses larmes de sa main libre.
... tu vois cette Dame qui s'éloigne sur son cheval? C'est une grande amie.. la première... Elle s'en va pour toujours... C'est pour ça que je pleure Marko. Parce que je ne la verrai plus, et qu'elle va me manquer... tellement... terriblement.
Pourquoi elle s'en va? Elle va mourir? Comme ma mère? ... et toi.. tu vas partir? comme mon père?
Le terrible âge des questions, l'appréhension de la mort, la peur de l'abandon. Marko exprimait toutes ses angoisses en deux phrases, quand la tavernière qui lui tenait lieu de tutrice était la moins prête à y répondre.
C'est comme ça Marko, c'est la vie. Les gens naissent et meurent, c'est normal. C'est douloureux pour ceux qui restent, comme toi et moi, mais il n'y a rien d'autre à faire que d'accepter.
Linon regarda la petite silhouette de Melian qu'on ne devinait plus qu'à peine dans le lointain.
Oui... elle part comme ta mère...
La jeune femme revint à l'enfant et lui sourit
Mais moi je ne pars pas. Je reste avec toi, je ne te quitte pas d'une semelle ! Même quand tu seras grand et que je serai vieille, tu m'auras dans les pattes ! Et ton père rentre très bientôt parce que tu lui manques. C'est promis Marko, on ne te laissera jamais.
L'enfant la regarda gravement un instant, puis lui sourit d'un air malicieux.
Tu vas être moche quand tu seras vieille...
Linon se mit à rire..
Vilain, va... on dirait ton père.... toujours le mot qui fait plaisir...
Marko ricana
Et la dame qui crie? Tu la laisses crier? Elle m'a crié dessus... L'enfant afficha une mine boudeuse.
Ah oui, la malheureuse cliente... tsssssss... toi et ce chat.... Allons voir !
La tavernière fit entrer l'enfant dans la salle, jeta un dernier regard douloureux vers la nuit sans rien distinguer, puis entra à la suite de l'enfant.
La cliente maugréait toujours en regardant ses mollets griffés.
Bonjour Dame. Excusez-nous de vous avoir laissée ainsi... euh... je suis Linon la tavernière, et voici Marko, le fils du propriétaire...
Linon poussa l'enfant vers la dame
Dis bonjour, voyons.
'Jour...
Hum... je suis désolée pour le chat, c'est une sale bête voyez-vous, et Marko l'apprécie beaucoup, ce qui n'arrange rien en fait... Mais laissez-moi vous aider.
La jeune femme apporta une bassine d'eau tiède et un morceau de tissu pour aider la cliente à nettoyer les griffures.
Seamus
Seamus était entré discrètement quelques instants au auparavant et avait surpris la discussion
Il pensa : une belle Dame nous quitte... encore...
Il murmura Meliantinuviel pour voir comment le nom dansait magnifiquement sur sa langue.
Haut les curs se dit il, heureusement il reste d'autres gens bien ici bas
D'ailleurs il se souvint qu'il devait également faire des choix dans sa vie pour avancer
Son premier choix, fut de chercher du regard un serveur pour se changer les idées
Linon
La tavenière se recomposa un visage avenant pour se concentrer sur la cliente, qu'elle reconnut enfin.
Oh Simone ! Bonsoir... pardonnez-moi, je ne vous avais pas reconnue dans l'ombre et avec ... ce qui vient de se passer...
Linon gênée se demanda ce que Simone avait compris de la scène. Ne trouvant plus rien à dire, elle s'accroupit et entreprit de nettoyer les griffures...
Hum... Ce n'est rien... enfin, ce n'est pas très joli, et ça doit piquer... mais dans deux ou trois jours, il n'y paraîtra plus! Je parle en connaissance de cause, ce chat m'a griffée maintes et maintes fois, et vous voyez, je n'en ai gardé aucune trace.
La jeune femme se redressa et remarqua qu'un homme était dans la salle et semblait attendre. Allons, il était temps qu'elle se reprenne et traite les clients comme ils étaient en droit de s'y attendre. Pour commencer, qu'ils y voient clair ! Linon raviva le feu de la cheminée, et tout en allumant les chandelles des tables salua le nouveau client.
Soyez le bienvenu au Stradum messsire. Je suis Linon, la tavernière des lieux. Je vous en prie, asseyez-vous où vous le souhaitez. Peut-être souhaitez-vous manger?
Et vous Simone? désirez-vous manger? nous avons des chambres également...
Tout en bavardant, Linon attrapa l'une des bouteilles posées sur le bar et servit trois verres, en tendit deux aux clients.
Je vous en prie, goûtez-moi cela, c'est une spécialité adriatique d'où est originaire le propriétaire. Il appelle cela de la Slivovica. J'ignore de quoi c'est fait, mais c'est très bon !
Linon
Diantre, la Slivovica semblait faire un drôle d'effet à Simone. Un peu surprise, Linon renifla le goulot de la bouteille, retrouva le parfum habituel de l'alcool et vida son verre sans ressentir d'échauffement inhabituel. Elle regarda Simone, se dit que celle-ci était finalement moins aguerrie qu'elle l'avait cru...
Se tournant vers Seamus
Et vous messire, vous souhaitez également une chambre? Je peux vous y servir un dîner si vous êtes trop fatigués... Allons-y !
Linon précéda les clients dans l'escalier, leur ouvrit deux petites chambres, puis leur apporta une assiette de porc aux lentilles.
Je vous souhaite une bonne nuit !
Elle redescendit dans la taverne, et s'attabla avec Marko qui mourait de faim.
Lyllah
Cherchant Linon partout, Lyllah poussa précipitamment la porte du Stradum et se jeta à l'intérieur de la salle. La vue du tableau touchant que composaient Linon et Marko l'arrêta un instant dans sa lancée, mais elle finit par répondre au regard interrogateur de la jeune femme :
- Linon, enfin je te trouve ! Je cherche Melian, je ne peux pas croire ce que j'entends, le bruit court qu'elle est... enfin, que...
Mais elle n'eut pas la force de continuer en voyant le visage décomposé de la tavernière, et les grands yeux de Marko posés sur elle.
Elle s'affala sur une chaise et poursuivit, la tête basse, comme pour elle-même :
- C'est elle qui m'avait accueillie à Lectoure, quand je suis arrivée...
Linon
Le regard de la tavernière se chargea de chagrin en entendant Lyllah parler de Melian. Elle reposa sa cuillère alors que la jeune femme se laissait tomber sur une chaise.
Marko avait cessé de manger, regardant bouche bée la nouvelle arrivante avec inquiétude.
Linon posa doucement sa main sur celle de Lyllah.
Oui, c'est vrai... mais attendons que l'enfant soit couché je te prie, il en a assez entendu pour aujourd'hui.
Allons Marko, mange donc... tu n'aimes pas ça?
L'enfant regarda son assiette et fit la moue
J'préfère les crèpes...
Linon lui sourit, et se dit qu'il avait peut-être plus besoin de douceur que de lentilles. N'ayant pas de crèpes sous la main, elle lui servit des pommes cuites au four, sucrées au miel et ruisselantes de beurre. L'enfant se jeta dessus avec gourmandise et retrouva vite le sourire. La jeune femme l'accompagna jusqu'à son lit, le borda et le regarda s'endormir en un instant.
Elle rejoignit alors Lyllah, toujours assise et comme assommée par la nouvelle. Elle servit des verres de Slivo et s'assit près de Lyllah, la regardant tristement.
Alors tu as appris... Melian nous a quittés. Elle est passée tout à l'heure, je regrette que tu ne l'ai pas vue.
J'ignorais que tu la connaissais. Ainsi, comme moi elle t'a accueillie ici?
Lyllah
Sans forces, Lyllah laissa le breuvage étrange lui transmettre un peu de sa chaleur.
- Oui, je l'avais rencontrée au bureau du tribun le jour de mon arrivée... c'était en quelque sorte ma marraine de Lectoure...
La voix nouée par l'émotion, elle poursuivit tout de même :
- J'espère que... qu'elle est heureuse où qu'elle soit.
Les mots venant à manquer, les deux femmes trinquèrent en silence au souvenir de Mélian.
Linon
Elles avaient trinqué et retrinqué... parlé de Melian, de son absence... de leur peine identique... elle avaient trinqué encore.... jusqu'à s'endormir sur la table.
Quelques pépiements réveillèrent Linon. Le jour n'était pas levé, les courbatures l'assaillaient... Elle se releva comme elle put, se demanda un instant ce qu'elle faisait là.
Lyllah dormait encore, affalée sur la table, la tête sur un bras.
La tavernière se souvint... *mais c'est ce matin !* Un peu affolée, elle se rendit dans le patio tenter de dissiper les brumes tant d'alcool que de sommeil qui l'empêchaient de penser à grands coups d'eau fraîche, monta dans sa chambre changer sa jupe pour des vêtements pratiques pour voyager, en redescendit pour remplir une besace du minimum, pain et quelques écus, sortit son bâton de chef-maréchal et posa le tout sur une table.
*Lequel réveiller en premier...?* Finalement Linon remonta réveiller l'enfant qui bien sûr partait avec elle. Marko se leva de mauvaise grâce, fit peu d'effort pour s'habiller et descendit avec Linon en râlant. Celle-ci l'installa à table, lui servit bol de lait et pain beurré, et pendant que le petit mangeait lentement se pencha sur Lyllah.
Lyllah! Lyllah ! Réveille-toi s'il-te-plaît....
La jeune fille maugréa et finit par ouvrir un oeil
Qu'est-ce qu'il y a?
Je m'en vais Lyllah, nous partons rejoindre Gila. Pardonne-moi, je n'ai pas pensé à te le dire hier.
Ecoute-moi, j'ai peu de temps, on vient nous chercher. J'ai un service à te demander. Voudrais-tu s'il-te plaît t'installer ici en notre absence et t'occuper de la taverne? Tu nous rendrais grand service. Tu n'auras qu'à t'installer dans ma chambre.. oui la neuve... celle qui a un lit à baldaquin et un tapis oriental. Elle est très confortable.
Quelques coups discrets furent frappés à la porte, Linon se dépêcha d'ouvrir, l'homme qui les escortait dans leur voyage se tenait dans l'ombre et lui sourit.
Il est temps, allons-y
La tavernière se retourna vers Lyllah qui n'avait pas eu le temps de dire un mot
Merci Lyllah. A bientôt. Je t'écrirai, c'est promis !
Linon ramassa sa besace, son bâton et la main de Marko qui la bouche pleine protesta
Et le chat? il vient pas?
Non, non, le chat reste ici, nous revenons bientôt
Ils sortirent et rejoignirent Philipaurus. Tous les trois s'enfoncèrent dans la nuit qui commençait à pâlir, le chat sur les talons.
Lyllah
La désagréable sensation du bois dur sous sa joue réveilla Lyllah alors que le soleil était déjà haut dans le ciel. Que faisait-elle sur cette table ? A travers sa tête douloureuse, elle essaya de rassembler ses souvenirs. Linon... le souvenir de Melian... la soirée passée à boire et à se raconter des histoires... Linon ? Où était Linon ?? La jeune fille se souvenait vaguement d'une histoire de départ, mais elle avait cru rêver cela...
Elle se leva avec difficulté, engourdie par la nuit passée sur une chaise, et alla dans le patio se rafraîchir les idées avec un grand seau d'eau. Brrr...! Lyllah s'ébroua, repassa dans la salle principale et, sa mémoire revenant, elle dut bien se rendre à l'évidence : Linon était partie, emmenant Marko, et lui avait laissé la taverne en son absence. Elle regarda autour d'elle : bouteilles vides, verres renversés, chaises éparpillées un peu partout, tiroirs ouverts témoignaient de la dernière soirée et du départ précipité de Linon. Eh bien c'est pas un cadeau qu'elle m'a fait là... murmura-t-elle pour elle-même, en retroussant ses manches.
Cependant le long rangement de la salle lui permit de reprendre un peu ses esprits, et le départ de Linon lui parut de plus en plus surprenant. "Je m'en vais Lyllah, nous partons rejoindre Gila. Pardonne-moi, je n'ai pas pensé à te le dire hier", avait dit Linon, mais cette excuse lui paraissait curieuse, et il lui semblait plutôt que la jeune femme n'avait pas pu ou pas voulu le lui dire avant... Gila... Lyllah connaissait peu cet homme, qu'elle trouvait peu liant et intimidant. Linon serait-elle en sécurité auprès de lui ? Et surtout, qu'étaient-ils partis faire ? Déjà l'absence de Gila avait été longue et mystérieuse, et Lyllah avait senti la réticence de Linon à s'expliquer lorsqu'elle lui en avait parlé.
Linon avait dit "A bientôt. Je t'écrirai, c'est promis !" mais écrirait-elle vraiment ? Donnerait-elle par courrier des explications qu'elle n'avait pas donné sur place ? "bientôt"... Mais quand ? La jeune fille frissonna, n'osant pas imaginer que son amie pourrait ne pas revenir...
Lyllah n'eut bientôt plus le loisir de réfléchir à ces questions, car gérer une taverne s'avéra bien compliqué pour elle, qui n'avait aucune expérience dans ce domaine : il fallait pourtant être en état de recevoir des clients ! Vite, finir de ranger, laver, courir acheter de quoi nourrir les clients éventuels, mettre une soupe à tiédir sur le feu, ordonner les boissons sous le comptoir... Et aussi trouver le temps de s'éclipser une demie-heure pour nourrir ses vaches, qu'elle ne pouvait pourtant pas abandonner. Enfin, le Stradum fut à nouveau en état de recevoir ! Mais restait désespérément vide...
Pour tromper son ennui après tant d'agitation, Lyllah entreprit de visiter le premier étage. Que lui avait dit Linon ? Qu'elle pouvait prendre sa chambre, celle avec un lit, heu... "balaquin" ??? Lyllah qui n'avait jamais dormi que sur une paillasse n'avait pas la moindre idée de ce que cela signifiait, mais lorsqu'elle poussa la porte de la chambre, elle resta ébahie : un grand lit moelleux encadré de rideaux taillés dans un tissu coûteux, un tapis aux couleurs resplendissantes, une armoire en bois ciré... d'un seul coup, la tâche que Linon lui avait confiée lui sembla moins pesante ! N'osant pas encore entrer dans cette pièce si étrange pour elle, Lyllah repoussa la porte et redescendit pour attendre les clients.
Lyllah
Le lendemain matin, alors qu'elle balayait la salle avec application après une merveilleuse nuit dans le "lit balaquin" de Linon, Lyllah vit entrer un pigeon par la fenêtre ouverte. Son coeur fit un bond : des nouvelles de Linon ? Elle courut détacher la missive et la lut avidement :
Citation:Chère Lyllah,
Notre voyage avait bien débuté puisque nous avions pu éviter l'armée de ce fou de Pepe_Kaly, qui tuait tout le monde.
Mais le malheur nous a rattrapés. Gila en route de son côté pour nous rejoindre a été attaqué par une autre de ces armées folles. Il a été laissé pour mort et seule la pitié de quelques passants a pu le sauver. Mais il est gravement blessé... Je suis au comble de l'inquiétude, et Phil ne décolère pas devant la folie de ces hommes qui prétendent à l'honneur des soldats et ne sont que de vulgaires assassins. Je n'ai rien dit à Marko, mais il voit bien à mon visage et à nos messes basses que quelque chose ne va pas, il ne lâche plus ma main.
Bien sûr nous continuons notre voyage, je veux rejoindre Gila aussi vite que possible et le soigner... je ne supporterai pas de le perdre lui aussi...
Nous serons donc absents plusieurs semaines. Je suis bien soulagée de penser que tu t'occupes de l'auberge et je t'en remercie encore.
Prie pour nous Lyllah, pour que nous ne croisions pas à notre tour une armée folle...
Ton amie
Linon
Elle laissa retomber la lettre sur la table, partagée entre le soulagement d'avoir des nouvelles et l'inquiétude devant les événements racontés... Gila laissé pour mort, Linon absente plusieurs semaines, la violence aveugle des armées... Elle avait du mal à se réjouir et, bien que sa foi ait souvent été vacillante, elle se promit de passer dans la journée à l'église afin de prier pour Gila, Linon et ses compagnons de voyage, comme son amie le lui avait demandé.
Un éclair roux passa devant ses yeux et Lyllah se rappela brusquement du chat ! Fallait-il le nourrir, ou les souris lui suffisaient-elles ? Lyllah soupira : elle ignorait jusqu'à son nom... Elle se décida à déposer une soucoupe de lait auprès de l'animal méfiant, qui ne se fit pas prier pour la laper.
- Le chat, gentil chat... tu verras le chat, Linon reviendra...