Miramaz
[Limoges, par une nuit aux forts relents de gnôle]
A pas pressés elle avait rejoint le Castel de St Pardoux, sursautant au moindre bruits de pas dans les ruelles désertes à cette heure tardive. La journée qui s'avérait banale à première vue c'était transformé en calvaire vers la fin, les nombreux verres d'eau de vie ingérés avait bel et bien chassé l'ennui mais également le peu de prudence et de réflexes qu'elle possédait. Agressée par un jeune écuyer elle ne l'avait dominé qu'avec peine et grâce à l'inexpérience de celui-ci, et plus tard encore quand un homme avait cherché à profiter d'elle, elle n'avait pas su comment se défendre, réagissant plus en femelle apeurée qu'en mercenaire aguerrie.
Frissonnante de peur autant que de honte, elle s'était enfermée dans la chambre qu'elle occupait chez le Vicomte, se servant de nombreuses rasades de cet infâme piquette importée de Bourgogne, elle en détestait le goût mais n'avait rien de mieux sous la main pour apaiser les battements de son cur. La carafe vidée, et l'âme légèrement apaisée elle se glissa sous ses couvertures, tournant et virant sur sa couche à la recherche du sommeil, les scènes de la journée hantaient son esprit, accompagnée par d'autres du même acabit. L'ivresse vint finalement à bout de sa résistante et un sommeil agité la gagna, elle sursautait, geignait faiblement, marmonnait une suite de mots incompréhensible.
Que se passait-il derrière les paupières closes de la Rasée? Quelles pensées la tourmentaient ainsi, l'empêchant de trouver un repos si ce n'est mérité au moins utile pour affronter le jour suivant? Perforons la pierre lisse de son crâne et observons ce qui s'y agite.. Des souvenirs d'échecs face à plus fort qu'elle, des moments de lâcheté où des excuses pitoyables lui sauvaient la mise pour ne pas avoir à se battre, d'autres encore où elle se taisait tout simplement sachant d'avance qu'elle n'aurait pas le dessus contre l'adversaire.
Et derrière tout ceci, un souvenir plus cuisant que tous les autres, scène d'un passé déjà lointain où la mercenaire possédait encore chevelure et simulacre de famille, époque où la Zoko n'était pas qu'un nom recouvrant des morts. Agrégation d'hommes et de femmes aux caractères dissemblables et suivant pourtant les mêmes meneurs, elle comptait encore parmi ses rangs un être flamboyant, autant par sa tignasse que par son tempérament. Le plus fort il voulait être, meilleur que tous il se prétendait, Mira l'admirait alors tout en le redoutant, non pas que sa force l'effrayait -elle en voyait de pire à l'uvre sans frémir- mais ses railleries, son assurance suicidaire remuaient les tripes de la Prunette lorsqu'elle se trouvait en sa présence.
Le souvenir qui revenait la torturer à chaque mésaventure, impliquait donc le Rouquin: une fois de plus il avait voulu les impressionner, déclarant qu'il pouvait tous les battre un par un, mais que pour Mira il pouvait même la battre si elle s'associait avec un autre membre, le bel Armand. L'apprentie vipère, déjà mal à l'aise quand à son absence de talents guerriers, s'était sentie vexée, mortifiée au plus profond de son âme d'être ainsi rabaissée. Grande gueule malgré tout, elle avait quand même réclamé son combat, le voyant plus comme un entraînement nécessaire à son apprentissage plutôt qu'un duel mesurant sa force. L'épreuve n'ayant jamais eu lieu, elle n'avait pas eu l'occasion de lui montrer qu'elle n'était pas si nulle que ça et conservait depuis cette impression d'être une chose sans consistance, un être négligeable..
Le visage à l'expression narquoise emplit tout à coup son esprit accompagné d'un rire moqueur et dans un sursaut, entrouvrant les yeux elle se redressa dans un demi-sommeil. Assise sur le lit défait, le regard vide rivé vers la porte de la chambre, elle murmura d'une voix ensommeillée mais dénuée de crainte:
'Jour Jules.. f'sait longtemps.. t'fais quoi ici? T'es v'nu me voir?
Sans s'inquiéter plus que ça de voir un mort se dresser devant elle, elle lui adressa un sourire ravi, le Rouquin était là, conforme à ses souvenirs, et elle ne voyait rien de plus normal qu'entamer la discussion, c'était peut être l'occasion ou jamais d'obtenir ce qu'elle voulait.
_________________
A pas pressés elle avait rejoint le Castel de St Pardoux, sursautant au moindre bruits de pas dans les ruelles désertes à cette heure tardive. La journée qui s'avérait banale à première vue c'était transformé en calvaire vers la fin, les nombreux verres d'eau de vie ingérés avait bel et bien chassé l'ennui mais également le peu de prudence et de réflexes qu'elle possédait. Agressée par un jeune écuyer elle ne l'avait dominé qu'avec peine et grâce à l'inexpérience de celui-ci, et plus tard encore quand un homme avait cherché à profiter d'elle, elle n'avait pas su comment se défendre, réagissant plus en femelle apeurée qu'en mercenaire aguerrie.
Frissonnante de peur autant que de honte, elle s'était enfermée dans la chambre qu'elle occupait chez le Vicomte, se servant de nombreuses rasades de cet infâme piquette importée de Bourgogne, elle en détestait le goût mais n'avait rien de mieux sous la main pour apaiser les battements de son cur. La carafe vidée, et l'âme légèrement apaisée elle se glissa sous ses couvertures, tournant et virant sur sa couche à la recherche du sommeil, les scènes de la journée hantaient son esprit, accompagnée par d'autres du même acabit. L'ivresse vint finalement à bout de sa résistante et un sommeil agité la gagna, elle sursautait, geignait faiblement, marmonnait une suite de mots incompréhensible.
Que se passait-il derrière les paupières closes de la Rasée? Quelles pensées la tourmentaient ainsi, l'empêchant de trouver un repos si ce n'est mérité au moins utile pour affronter le jour suivant? Perforons la pierre lisse de son crâne et observons ce qui s'y agite.. Des souvenirs d'échecs face à plus fort qu'elle, des moments de lâcheté où des excuses pitoyables lui sauvaient la mise pour ne pas avoir à se battre, d'autres encore où elle se taisait tout simplement sachant d'avance qu'elle n'aurait pas le dessus contre l'adversaire.
Et derrière tout ceci, un souvenir plus cuisant que tous les autres, scène d'un passé déjà lointain où la mercenaire possédait encore chevelure et simulacre de famille, époque où la Zoko n'était pas qu'un nom recouvrant des morts. Agrégation d'hommes et de femmes aux caractères dissemblables et suivant pourtant les mêmes meneurs, elle comptait encore parmi ses rangs un être flamboyant, autant par sa tignasse que par son tempérament. Le plus fort il voulait être, meilleur que tous il se prétendait, Mira l'admirait alors tout en le redoutant, non pas que sa force l'effrayait -elle en voyait de pire à l'uvre sans frémir- mais ses railleries, son assurance suicidaire remuaient les tripes de la Prunette lorsqu'elle se trouvait en sa présence.
Le souvenir qui revenait la torturer à chaque mésaventure, impliquait donc le Rouquin: une fois de plus il avait voulu les impressionner, déclarant qu'il pouvait tous les battre un par un, mais que pour Mira il pouvait même la battre si elle s'associait avec un autre membre, le bel Armand. L'apprentie vipère, déjà mal à l'aise quand à son absence de talents guerriers, s'était sentie vexée, mortifiée au plus profond de son âme d'être ainsi rabaissée. Grande gueule malgré tout, elle avait quand même réclamé son combat, le voyant plus comme un entraînement nécessaire à son apprentissage plutôt qu'un duel mesurant sa force. L'épreuve n'ayant jamais eu lieu, elle n'avait pas eu l'occasion de lui montrer qu'elle n'était pas si nulle que ça et conservait depuis cette impression d'être une chose sans consistance, un être négligeable..
Le visage à l'expression narquoise emplit tout à coup son esprit accompagné d'un rire moqueur et dans un sursaut, entrouvrant les yeux elle se redressa dans un demi-sommeil. Assise sur le lit défait, le regard vide rivé vers la porte de la chambre, elle murmura d'une voix ensommeillée mais dénuée de crainte:
'Jour Jules.. f'sait longtemps.. t'fais quoi ici? T'es v'nu me voir?
Sans s'inquiéter plus que ça de voir un mort se dresser devant elle, elle lui adressa un sourire ravi, le Rouquin était là, conforme à ses souvenirs, et elle ne voyait rien de plus normal qu'entamer la discussion, c'était peut être l'occasion ou jamais d'obtenir ce qu'elle voulait.
_________________