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[RP] L'irrésistible appel de l'Ankou.

Viken
(Jour 1)

Viken s'était donné une semaine, sept petits jours d'une vie, mais aussi de longues et interminables heures, des milliers d'infimes instants à se torturer l'esprit dans une souffrance sans nom.
Il ne comptait plus le nombre de fois où Lancou lui avait fait de l'oeil semblant l'inviter à le suivre. Chaque fois il avait résisté, repoussant d'un revers d'indifférence, l'invitation si tentante.
Cette fois, le mal se faisait plus sournois, plus aguichant aussi, profitant de sa lassitude pour s'approcher un peu plus, lui tendant la main en un sourire malin.

A la veille de son départ de Kastell, Viken s'était fixé une limite, celle qui jugea pouvoir supporter. Ses forces ne lui permettraient pas d'affronter le tourment plus longtemps. Non qu'il soit malade, sa santé était bonne et son physique en pleine forme. Mais son esprit lui, comme son coeur, ne lui accordait plus la force de lutter.
Se sentant partir, céder au désespoir, il voulut en finir avec ce doute infâme qui vous ronge chaque jour un peu plus. Il était grand temps de trancher dans le vif.

Sept jours pour décider, sept jours pour choisir entre vivre et mourir, sept jours pour se relever ou sombrer à jamais. L'idée était simple, limpide.
Son destin était désormais entre ses mains, peut être plus qu'il ne l'avait jamais été. Il allait enfin agir, seul, face à lui même.

Le moment était idéal, loin de ses amis qui pouvaient l'influencer, loin de la morsure qui lui avait déchiré le coeur, loin de ses racines fragiles qu'il venait de retrouver, il allait enfin pouvoir faire le difficile bilan de sa vie.

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Viken
(Jour 2)

Le voyage fut reporté pour diverses raisons. Il était donc dit qu'il ne quitterait pas Kastell ainsi.

La veille, on lui parla d'une femme aux pouvoirs étranges, une femme très mystérieuse se cachant au plus profond de la forêt de Tréveneuc, aux delà des grandes landes qui entouraient St Pol.
On appréciait peu en ce bas monde ceux qui maniaient de près ou de loin ce que l'on appelait la magie.
Viken quant à lui, avait toujours été fasciné par ces étranges pouvoirs que l'on prêtaient à certains. C'était peut être aussi là, l'occasion de trouver une solution à ses maux.

Cédant à son propre intérêt autant qu'à son immense curiosité, il avait décidé d'aller trouver cette femme. Le plan sommaire qu'on lui avait confié indiquait ci et là quelques points de repère. Pour avoir maintes fois sillonné les alentours, il connaissait déjà les premiers. Il prit donc la route assez confiant en direction des landes sauvages jusqu'au plateau des trois menhirs surplombant une bonne partie de la côte.
De là, il devait viser du regard la petite chapelle Ste Barbe dont il apercevait à peine la pointe du clocheton.
Cette marche forcée lui fit du bien, accaparé qu'il était à la quête de l'endroit, il en oubliait presque les tourments du moment. Marchant d'un bon train, il arriva rapidement au pied du petit édifice qu'il prit même le temps de visiter. Il se demandait bien qui avait pu décider de construire ce monument à l'endroit même où personne ne vient jamais. Les lychens qui recouvraient les belles pierres de granit taillé était la preuve que cette chapelle ne bénéficiait d'aucune attention, semblant se fondre elle même au milieu des éléments. C'est aussi ce qui lui donnait ce charme si particulier. Le charme des pierres à qui l'on donne une âme.

Reprenant sa marche, il suivit le semblant de chemin qui menait vers la forêt. Ses pas ne l'avaient jamais mené jusqu'ici. Cette forêt avait mauvaise réputation. On lui attribuait nombreuses légendes, toutes aussi sombres et lugubres. Viken esquissa un sourire en repensant aux récits entendus au hasard de ses rencontres en taverne.
Il n'avait aucune peur, curieusement de devoir affronter l'une de ces chimères. Habitué de longue date à jouer de près ou de loin avec la vie, il ne craignait pas le moment où la partie tournerait court, le laissant pour vaincu.

S'enfonçant au milieu de la forêt, il tourna un long moment, enjambant des dizaines d'arbres morts, se frayant un passage à l'épée dans les longues lianes de lierre qui lui barraient la route. Après plusieurs heures à se battre contre la végétation, il commença à douter. Et si tout cela n'était finalement qu'illusion ? Si cette femme n'existait pas ?
Il ne voulait se résoudre à abandonner si près du but. Si tout cela était vrai, il en aurait confirmation d'une manière ou d'une autre, quitte à débroussailler l'intégralité de cette maudite forêt.

Il déboucha sur une clairière un bonne heure plus tard, harassé. Au milieu de celle-ci un amas rocheux laissait entrevoir une grotte d'où s'échappait par le haut une épaisse fumée. C'est donc là, se dit il à voix basse.

Il s'avança sans hâte, observant les alentours comme un visiteur intrigué par l'endroit. A l'entrée de la grotte, de nombreuses carcasses d'animaux morts se balançaient au gré des courants d'air, fichés sur des perches de bois, comme autant d'épouvantails. Il avança néanmoins un peu plus loin avant de lancer un ...


Y a quelqu'un ?

Il n'attendit pas longtemps avant de voir apparaître la vieille femme, tout de noir vêtue. De longs cheveux filasses sortaient de son capuchon, encadrant un visage aux joues creusées. Il croisa son regard perçant et étrangement jeune, et ne put réprimer le frisson qui lui parcourut l'échine.
Elle s'avança vers lui, lui tournant autour sans prononcer un mot. Son inspection finie, elle planta à nouveau son regard dans le sien.


Qu'es tu venu chercher ici gamin ?

Ne lâchant pas son regard qui semblait le scruter au plus profond.

Je veux apaiser ma peine, en finir avec mes tourments.

Elle lui tournait toujours autour, baissant de temps à autres la tête comme pour réfléchir. Elle lâcha juste.

Je vois !

Puis reprenant son étrange ronde, elle enchaina.

Reviens me voir demain, à la nuit tombée.

Viken voulut lui répondre, mais elle avait déjà tourné les talons s'engouffrant dans la pénombre de sa grotte en lui donnant congé d'un revers de la main.
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Yseldalibellule
Non, quand bien même une amère souffrance, dans ce coeur mort pourrait se ranimer...

Non, quand bien même une fleur d'espérance sur ton chemin pourrait encore s'eveillée...

Un jour pourtant il faudra qu'il te vienne, l'instant suprême où l'univers n'est rien...

Bonne chance à toi Viken!!!

Affectueusement Ysel
Viken
(Jour 3)

Il n'était pas retourné jusqu'à Kastell, jugeant le trajet trop long. Il avait donc rebroussé chemin jusqu'à la petite chapelle Ste Barbe.
Il s'était improvisé un feu avec un peu de bois mort, grignottant un bout de pain et quelques fruits séchés sortis de sa besace.
Longuement, il avait repensé à cette femme, à ce regard envoutant qui semblait vous transpercer au plus profond pour y sonder votre âme. Il ne la craignait pas, n'en avait aucune peur.


Il passa une nuit calme, bien que peu confortable, recroquevillé dans son mantel dans un coin de la chapelle.
Au petit matin, il décida d'arpenter les environs. Il aimait découvrir ce qui l'entourait, se sentant en sécurité comme souvent, loin de ses semblables. Non qu'il fuyait la compagnie des hommes et leur touchante complexité, mais la nature lui faisait grand bien lorsqu'il tentait d'oublier les travers des siens.
Il parcourut ainsi les chemins, toute la journée durant, attendant tranquillement l'heure de son rendez vous nocturne.


Il arriva comme prévu à la grotte, à la nuit tombée. La vieille femme semblait l'attendre sur le pas de sa grotte.
Sans un mot elle le prit par le bras et le fit entrer. Il découvrit alors un étrange endroit, peuplé de mille choses aussi diverses que variées.
Des tentures accrochées aux murs apportaient un peu de chaleur à un ensemble surprenant. Des cages dans un coin, empilées les unes sur les autres, abritaient des oiseaux, des rongeurs, des reptiles et autres animaux en tous genres.
Sur des étagères de fortune, des dizaines de livres étaient posés ça et là, entre des rangées de bocaux, de vases, de petites emphores ou de coffrets sculptés. Il y avait quelquechose de féérique en ce lieu à l'atmosphère indéfinissable.


La vieille le fit assoir dans un fauteuil au cuir sans âge, avant de prendre une chaise et de s'installer en face de lui. Toujours sans un mot, elle lui prit la main et l'inspecta sous toutes les coutures.
Ponctuant parfois son observation de ... Humm ... elle restait fixée sur sa main, en parcourant les lignes du bout de son ongle. Viken n'osait pas interrompre l'instant, attendant patiemment qu'elle en finisse.


Lentement elle se releva pour aller farfouiller sur l'une des étagères. Elle en revint avec deux petites fioles qu'elle lui tendit.
Viken regarda attentivement les deux fioles, l'une pleine, l'autre vide. Il releva la tête en direction de la femme, l'interrogeant du regard.


Qu'est ce que c'est ?

C'est juste une potion pour t'aider à y voir plus clair. Il n'est jamais bon, d'agir lorsqu'on est pas maitre de ses émotions. Cela t'aidera à faire la paix avec toi même.

Mais je n'étais pas venu pour cela.

Je sais pourquoi tu es venu. Je te donnerai ce que tu souhaites si tel est ton choix. Mais avant ... réfléchis dans le calme. Apprend le calme !

Esquissant un léger sourire, elle fit faire à ses bras des arabesques dans l'air, semblant dessiner d'invisibles fumées vaporeuses.
Viken regarda alors l'autre fiole et demanda à nouveau.


Et celle-ci ?

Dans cette fiole tu mettras un peu de ton sang et y fera tremper un de tes cheveux.
J'ai besoin de cela pour réaliser ce que tu me demandes, quelle que soit ta décision. Rapporte moi ça demain, et prend ensuite quelques jours pour réfléchir.
On trouve souvent la solution au regard des autres, en se regardant soi même. Prends ton temps ... cette décision n'appartient qu'à toi seul, mais tu ne dois pas la prendre à la légère.


Elle le raccompagna jusqu'à la sortie, lui posant une main sur l'épaule. Viken la remercia du regard avant de s'éloigner dans la nuit.

La vieille femme se posa un instant semblant épuisée. Elle le regarda partir d'un regard bienveillant, avant de soupirer longuement. Elle semblait préoccupée.

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Viken
(Jour 4)

Il avait repris le chemin de la chapelle en pleine nuit. De longs lambeaux d’une brume épaisse enveloppaient désormais la forêt, la plongeant dans une torpeur angoissante. La progression, déjà hasardeuse, en devint presque impossible. Viken cherchait son chemin, du bout de son épée, à la lueur d’une lune bien pâle. Trébuchant contre chaque racine venue se mettre en travers de ses pas, entravé par chaque liane lui barrant inexorablement la route, lacéré par des dizaines de ronciers inextricables, il livrait un combat démesuré contre une végétation triomphante.

S’arrêtant un instant, à bout de souffle, il dut se rendre à l’évidence. Il ne retrouverait pas son chemin dans ce labyrinthe insondable. Dans la pénombre, il chercha un endroit le plus abrité possible de l’humidité. Au pied d’un gros tronc noueux, il trouva un amas de feuilles mortes encore épargnées par la pluie. Adossé à l’arbre, les fesses calées entre deux racines, il tenta tant bien que mal de se recouvrir au mieux d’un manteau de feuilles sèches.
Il avait appris ça de ses longues escapades militaires, de l’expérience issue de ses nombreux voyages en solitaire, lorsque, surpris par les éléments, il fallait lutter pour sa survie.
Etrange comportement aujourd’hui, à l’heure ou dans la balance de son destin, il avait déposé sa propre vie.

Les bras croisés autour de la taille, il tentait de garder un peu de chaleur à un corps fatigué. Il savait que le froid transperçant ne lui permettrait pas de trouver le sommeil réparateur dont il aurait tant besoin. Il ne fallait pas sombrer dans cette somnolence insidieuse qui lentement vous conduisait vers la fin. Fermer les yeux était proscrit. Se laisser aller à dormir, c’était emprunter à coup sûr le chemin d’une mort certaine.

Il se mit donc à penser. Penser à ce qui le laisserait assurément éveillé. Penser à elle.
Son image était là, bien présente, juste devant lui alors qu’il scrutait la nuit. Il se rappela chaque instant, chaque attitude, chaque émotion. Un sourire au coin des lèvres, il rembobina le fil de sa vie jusqu’à leur première rencontre.
Il ne savait pas dire pourquoi ce jour là, sa vie avait basculé. Il ne savait pas définir pour quelles raisons son cœur avait chaviré. Il n’eut qu’une certitude cependant, celle de l’avoir aimée au premier instant, au premier regard.
Elle avait cela de différent, cet indéfinissable charme qui vous emporte en une phrase, en un mot.

Elle n’était ni plus belle, ni plus instruite, ni plus drôle que bien d’autres. Et pourtant, elle réunissait à elle seule cette alchimie parfaite qui le faisait irrémédiablement succomber. Comme pour illustrer ses pensées, il se remémora son visage, cherchant dans sa mémoire les plus belles de ses images, ses plus beaux sourires. Il la trouvait belle, tout simplement belle, non de ces beautés parfaites dont on finit par les trouver arrogantes, mais plutôt de celles, empruntes d’une fraîcheur naturelle dont on ne peut se détacher.
Viken savait cet amour différent. Il était de ceux qu’on ne vit qu’une fois, de ceux qui nous mènent jusqu’au bout du chemin avec le sentiment d’avoir accompli la plus belle œuvre de sa vie. La force de ce qu’il ressentait aujourd’hui lui prouvait chaque jour qu’il ne se trompait pas. C’était bien elle, son cœur l’avait choisi.
Mais son cœur à elle devait battre pour lui, ou le laisser sombrer à jamais dans les pires tourments. Là se trouvait sa souffrance d’aujourd’hui. Aurait il la force, aurait il le temps et le talent pour la faire vibrer au diapason de son amour à lui ?

Seul l’avenir le dirait et sur l’instant, il l’avait entre les mains. Touchant du bout des doigts, les fioles au fond de sa poche, il attendit sagement de voir le jour poindre. L’heure n’était pas encore à la décision. Elle viendrait le moment venu, à l’issue des deux prochains jours, qu’il avait décidé de mettre à profit pour faire le point sur sa vie, peser le pour, le contre, envisager ou non l’avenir. Chaque détail avait son importance. Cependant, il savait plus que tout, qu’un seul mot pourrait tout faire basculer, le plongeant irrémédiablement dans la tristesse la plus profonde ou le plus doux des bonheurs.

Il refit le chemin inverse à peine le jour levé. Il avait suivi les recommandations de la vieille femme à la lettre, se coupant le bout d’un doigt pour récupérer un peu de sang et y mettant l’un de ses cheveux .
Il déposa la fiole en évidence, à l’entrée de la grotte, accompagné d’un petit mot.
Puis, puisant dans ses dernières forces, il regagna tant bien que mal les murs de St Pol.

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--Le_souffle
Je suis un souffle meurtri qui parcourt sa route. Cahoté, ballotté par tous les courants d’air.
Je vais !

Soulevant les feuilles mortes qui bruissent à mon contact montant en spirale dans mon atmosphère. Elles s’égayent lentement laissant à terre leur vie morne.

Je passe entre les branches des arbres faisant chanter les feuilles. Elles ondulent sur mon passage. De mon souffle je les caresse et dans une danse aérienne elles s’offrent à moi.

Je ride doucement la surface de l’eau créant un léger clapotis. L‘écume de la vague naissante laisse ainsi son empreinte venant mourir contre le rocher. Je souffle plus fort créant tempête et chaos autour de moi. Je répercute en écho les cris qu’émettent ses marins sur leurs carcasses flottantes en bois.
Oui ! Je peux être celui-là !
Le souffle de la mort !

Je caresse de mes doigts invisibles ton visage glaçant tes membres, gelant ton cœur. Je transperce de mon souffle ton être meurtri chaviré par l’amour. J’enroule mes mains invisibles et te réchauffe de mon souffle.
Ta vie doit continuer car rien n’est plus beau qu’une vie donnée et même le mal d’amour ne peut l’ôter….
Je suis le souffle de la vie !
Viken
(Jour 5)

Il était rentré à Kastell, épuisé mais malgré tout soulagé de retrouver un univers familier. Il s’était effondré sur la paillasse qui lui servait de lit et pour une fois la trouva confortable. Après une nuit d’un sommeil profond, il entreprit une toilette approfondie afin d’effacer au mieux les traces de ces derniers jours.

Il changea de tenue afin d’être plus présentable et entreprit de faire le tour de St Pol. Ces quelques jours éloignés de sa ville lui avait permis de prendre du recul mais lui avait paru bien longs. Il souhaitait la revoir au plus vite, juste pour se savoir près d’elle. Sa présence suffisait à lui donner un semblant de bonheur. Il aimait être à ses côtés, sentir qu’elle était proche, sans rien lui demander, juste la voir rire et vivre à quelques pas de lui.
Il savait qu’il devrait être patient, attendre le temps qu’il faudrait, être là malgré tout à chaque instant, lui prouver par un geste, par un mot ou un regard qu’il était là, prêt à lui tenir la main si elle décidait de lui tendre. Il ne voulait pas gâcher la pureté de cet amour. Il avait déjà bien assez, à maintes reprises, été maladroit ou trop empressé.

La vieille femme lui avait dit : « apprend le calme ». Il devait tout faire pour contrôler ses émotions, si fortes soient elles, ne pas céder aux pulsions, celle de la prendre dans ses bras lorsqu’elle passait près de lui l’effleurant à peine, celle de lui prendre la main avec tendresse lorsqu’il la sentait perdue dans un moment de tristesse, celle de déposer un baiser au creux de son épaule ou de sa nuque en guise de « bonjour mon amour » alors qu’il entrait en taverne et qu’elle ne l’avait point vu venir.
Réprimer ses envies pour ne pas réduire tout espoir à néant, tel était le défi qu’il devait relever coûte que coûte.

Il était enfin temps de passer un moment en ville, cherchant de près ou de loin ceux qu’il pensait proche de lui. Les liens qu’il avait tissé peu à peu, au fil de sa présence à Kastell revêtaient aujourd’hui une importance capitale. Seraient ils assez fort pour le retenir, l’empêcher de sombrer, si cette épreuve s’avérait trop pénible ?
Les prochains jours seraient mis à profit pour y voir plus clair dans toute cette nébuleuse mélangeant avec plus ou moins de bonheur, une infinie variété de sentiments.
Pour l’heure, il déambulait au hasard dans les rues de St Pol, laissant au destin le choix de ses futures rencontres.

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Viken
(Jour 6)

On en était au sixième jour. Demain, il ne serait plus temps de reculer, de remettre à plus tard ou de tergiverser. Demain, il irait revoir la vieille femme dans sa grotte de la forêt, demain il prendrait sa décision.

Aujourd'hui, il avait l'esprit en feu. L'heure était venue de faire le bilan, de mettre dans la balance, objectivement des pans entiers de sa vie.
Il avait dans sa chambre, improvisé un petit pupitre sur lequel il avait posé deux feuilles de papier. Au milieu, une plume et un encrier. Il était là, devant les deux feuilles, l'une pour le côté noir, l'autre pour le côté blanc. Eh oui ... il n'avait pas changé, il avait toujours aimé cet opposition noir - blanc. Il avait en effet bien souvent des avis très tranchés, cédant rarement aux compromis. Chez lui, peu de place pour le gris.

Il jeta un oeil à l'étagère au dessus de son bureau de fortune. Là, au beau milieu, trônait une fiole, ... pleine. Il en sourit. Il avait décidé de ne pas y toucher, pensant qu'il fallait laisser faire la vie, ne pas chercher d'artifices en un moment si crucial. Tel le capitaine d'un navire, il devait, en pleine tempête, composer avec la houle, les courants et les vents. La barre, il l'avait bel et bien entre les mains. Il pouvait d'un coup, d'un seul geste, lutter vaillament et éviter les eccueuils, ou bien abandonner le gouvernail aux éléments, choisissant le naufrage.

La plume dans la main il commença son laborieux travail, noircissant tour à tour les deux pages.

Côté noir : son enfance, les débuts de la souffrance, les désillusions multiples, parfois cruelles ou douloureuses, les blessures, celles du corps lors de combats subis, celles de l'âme aussi par trop de trahisons de la part de certains amis, par trop d'humiliations d'amours sadiques, des traces de rancoeur, un soupçon de haine encore présent, le sentiment de n'avoir au final rien fait de sa vie, des échecs à ne plus savoir qu'en faire, de cuisantes déceptions, une étrange impression de n'être jamais pris au sérieux, un doute affreux et toujours présent, la violence des souvenirs de son passé, l'envie qui se fait moins présente, le sentiment de se battre dans le vide pour un monde qui ne changera jamais, les regrets du mal déjà fait, la crainte de celui qu'il est en train de faire, la peur de devoir à nouveau souffrir ... , la peur d'entendre un mot, un seul.

Côté blanc : son attachement récent pour Kastell, l'heureuse surprise d'un clan différent, des sentiments d'appartenance à une nouvelle famille, de nouveaux liens qui se créaient, de trop rares amis touchants par leur sensibilité, certains nouveaux voir même très nouveaux, certains ... ou plutôt un certain ancien toujours fidèle au poste, le sentiment d'avoir sauvé ce qui pouvait l'être malgré tout par de nouvelles relations différentes mais néanmoins fortes, un timide sursaut d'envie parfois, un soupçon d'orgueuil, un dernier élan désespéré de devoir faire quelquechose de sa vie, et l'espoir d'être enfin heureux ..., l'espoir d'entendre un mot, un seul.

Il posa la plume, harassé par l'épreuve. Lentement, il se redressa sur sa chaise, prenant du recul. Il contempla les deux feuilles côte à côte et sa gorge immanquablement se serra. L'une était bien plus remplie que l'autre. Il avait pourtant essayé de ne retenir que l'essentiel, de ne pas cèder à la tentation d'inffluencer sa main. Il avait jeté les mots d'un trait, sans réellement présumer de leur incidence finale.
Ils étaient là cependant, bien présents, pesant de tout leur poids du côté qu'il leur était assigné.

Demain, il faudra les prendre en compte, demain sonnera l'heure des comptes. Demain sera un autre jour, peut être le premier d'une nouvelle vie car Viken ne serait à l'évidence plus jamais tout à fait le même à l'issue du combat qu'il se livrait à lui même, ou peut être demain serait il tout simplement ... le dernier.

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Viken
(Jour 7)

Nous y étions enfin. Il était temps de prendre la décision finale.
Cela fait d'ailleurs bien longtemps qu'il aurait du la prendre. A force d'hésitations, d'incertitudes, d'errements en tous genres, il avait fini par passer à côté de sa vie.
Aujourd'hui, l'heure était venue de mettre fin à tout cela, d'une manière ou d'une autre.

Reprenant le chemin de la forêt, il marchait d'un pas décidé. Son choix était fait, il n'y reviendrait pas.
Il arriva à la grotte au beau milieu de la journée. La vieille femme se trouvait au dehors, s'affairant autour d'une marmitte qu'elle avait mis à bouillonner. Elle le vit arriver du coin de l'oeil.
S'essuyant les mains sur un coin de son tablier, elle l'inspecta du regard tandis qu'il s'approchait.
Viken la salua respectueusement, accompagnant son geste d'un très léger sourire.

Elle sembla le sonder une nouvelle fois, plongeant son regard au plus profond du sien.


Ainsi tu es revenu gamin.

Elle ne le laissa pas répondre, enchainant aussitôt.

J'ai ce que tu m'as demandé. Tu es toujours décidé ?

Viken esquissa un "oui" de la tête en guise de réponse.


Bien ... ne bouges pas ... je vais te chercher cela.

S'enfonçant dans la pénombre de sa grotte, elle s'absenta un court instant avant de revenir avec une petite fiole dans la main. Elle lui tendit en le regardant une fois de plus droit dans les yeux.
Au moment où Viken avança la main pour la récupérer, elle retira sa main.


Pas si vite, jeune ami !

Avant tout, tu vas devoir m'écouter.
J'ai en effet préparé cette potion, celle là même que tu m'as demandée. Je l'ai fait pour une seule raison.
Je sens en toi une terrible souffrance, une effroyable douleur.
Je me doute bien que celle-ci te rend la vie insupportable. Je sais aussi qu'elle te pousse à agir de manière parfois étrange, à parler lorsque tu devrais te taire, à avancer lorsque tu devrais rester en retrait. Tu te morfonds des heures avant d'agir, et ensuite, tu es pris de profonds remords. Ta vie n'est que torture.
Tu as du mal à contrôler tes émotions car tu n'es pas en paix avec toi même. Si tu ne parviens pas à cela, alors, en effet, tu mourras.
Oui tu mourras peu à peu, d'une mort lente et insidieuse à force de te ronger de l'intérieur.
Alors, en ce cas, tu peux boire cette potion, elle te rendra la fin plus douce, moins amère en tout cas.


Elle soutint alors son regard un peu plus encore. Un sourire malin au coin des lèvres, elle continua.

Je vois en toi. Tu ne peux me tromper.
Ne fais pas porter aux autres, ce que tu ne peux assumer toi même.
Ta vie ne dépend de la décision de quiconque, elle t'appartient, à toi seul. Toi seul a la solution.
Il ne tient qu'à toi de vouloir la trouver ou non.


Elle se tut un moment, son regard ne l'ayant jamais quitté. Elle lui tendit à nouveau la main, la fiole au beau milieu de sa paume.
Viken s'en saisit, sans dire un mot et la glissa au creu de sa poche. Il regarda cette femme devant lui. Ils n'avaient échangé que quelques mots, il ne s'était pas dévoilé à elle.
Pourtant, elle semblait le connaitre mieux qu'il ne se connaissait lui même. Il en fut troublé. Sans aucun malaise cependant.
Lentement, il prit sa main et l'embrassa. Du bout des lèvres, la gorge nouée, il lui dit simplement.


Merci ... merci pour tout.

Puis, il se détourna et reprit le chemin de la forêt. Elle le regarda partir sans rien dire. Ce gamin l'avait émue au plus haut point.
Elle soupira et fit demi tour en direction de son chaudron qui fumait plus qu'il n'aurait dû.

Viken avait emprunté le chemin du retour avec moins de hâte. Il s'arrêta un moment auprès de la chapelle. Il en caressa les pierres du bout des doigts avant de prendre la direction des falaises.
Il y avait le long de la côte des lieux de guêt situé au plus haut pour surveiller la baie. Il se planta là le regard fixé vers le large. Il respira profondément.
Que cette bretagne est belle ... pensa t il.
Dans sa poche, il récupéra une fiole qu'il regarda attentivement. La faisant tourner dans sa main longuement, il observait la mer en silence.
Après un instant qui parut une éternité, il déboucha la fiole et la vida d'un trait.

Prenant une grande inspiration, il poussa alors un grand ..
.AAaaaaaaaaaaaaaaaahhhhh ! qui sembla s'envoler au loin emporté par le souffle du vent.

Replongeant la main dans la poche de son mantel, il ressortit une autre fiole qu'il regarda avec un sourire. Puis, d'un geste ample et puissant, il la jeta au loin au beau milieu des flots.

Il venait de choisir. Choisir de vivre en avalant la fiole que la vieille femme lui avait confiée la première fois et qu'il n'avait pas utilisée.
Cette fois, il avait décidé qu'elle l'aiderait à remonter la pente, à surmonter ce jour pourtant bien triste, à aborder les suivants avec la force de celui qui ne renonce pas, avec la hargne de celui qui a déjà affronté le pire.

L'autre fiole, il s'en est débarassé, comme un symbole. Comme s'il venait en même temps de jeter aux oubliettes toute une partie de sa vie, pour ne garder que le meilleur, pour ne garder que l'espoir, repoussant au loin tout instinct de mort.

Il ricana nerveusement, regardant toujours au loin ... avant de lancer.


Tu repasseras l'Ankou !



(FIN)
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