Afficher le menu
Information and comments (0)
<<   1, 2   >   >>

Info:
La mort d'Epsonstylus

[RP]Le petit cheval dans le mauvais temps

--Epsonstylus
Je n’aime pas dévoiler l‘intrigue avant la fin, donc vous ne saurez rien, même si ce qui va se passer est un secret de Polichinelle.
Tout le monde est libre de participer à ce RP pourvu que les interventions soient cohérentes.
Merci d’avance et bon jeu.




----------------------------------


Saint Claude, dans la maison d’Epson :

Il faisait à peine jour, lorsque la rouquine s’éveilla, le visage grimaçant, après une nuit d’insomnies à lutter contre des fantômes et ces douleurs sournoises qu’elle mettait sur le compte des blessures reçues sur le front angevin. Comme chaque matin, se lever fut une épreuve. Après s’être extirpée de son lit, Epson rendit grâce à Dieu, puis elle alla s’asseoir encore à moitié ensommeillée dans un fauteuil face à son écritoire, afin de noter sur une moitié de parchemin les idées qui lui étaient venues au cours de la nuit. Quand elle eut terminé, la comtoise s’appuya contre le dossier du fauteuil et soupira, en se disant que c’était une journée de plus qui lui tendait les bras, avec son cortège de joies comme de peines.

Tous les jours, à chaque courrier reçu, toujours cette même crainte qu’on vienne la séparer de ses trois enfants en bas âge, toujours ce tremblement dans les mains lorsqu’il fallait décacheter ce pli en provenance des Flandres apportant des nouvelles de sa vieille mère, toujours l’angoisse de voir arriver par l’Est un pigeon lui annonçant l’arrivée imminente d’une guerre ou l'existence d’une erreur stratégique.

Lorsqu’elle était revenue d’Anjou, Epson s’était jurée de ne plus participer à aucune élection, de ne plus rejoindre aucune armée suites aux séquelles encore visibles laissées par l’ennemi hérétique, l’été dernier. Mais elle ne pouvait s’empêcher de se tenir au courant des événements et même parfois de les commenter, avec cette verve qui lui été propre. Et surtout, la franc comtoise avait décidé de s’occuper différemment, au sein d’un domaine qui lui plaisait tout autant que la religion, la guerre, la guerre ou encore la diplomatie : le droit. Ainsi, essayait-elle de son mieux d’aider au Bureau du Droit, en participant à l’élaboration de textes législatifs et en ayant récemment entamé un grand chantier, qui à mesure qu’il prenait de l’ampleur et que les parlementaires ne semblaient pas réellement s‘en soucier, commençait réellement à l’effrayer. Celle qui fût l’adversaire redoutable de tant de criminels avait désormais honte de se sentir bien souvent écrasée par le poids de ce qu’elle entreprenait.

Epuisée, voilà comment elle se sentait. En la province angevine, la san claudienne avait vécu une expérience étrange tandis qu’elle se trouvait aux portes de la mort. Elle avait survécu probablement par la grâce de Dieu, mais était revenue brisée, exténuée par les violents combats ; les mois s’écoulant et malgré deux longues convalescences son état ne semblait pas s’améliorait… bien au contraire… certains jours la rouquine avait l’impression de revivre cet instant, où tandis qu’elle montait lourdement armée à l’assaut de la ville d’Angers avec ses compagnons, elle avait été violemment attaquée par plusieurs combattants ennemis et s’était alors retrouvée gisante inerte et endolorie à plat ventre contre le pavé. Puis il y avait cette demande de dissolution de mariage entreprise l’hiver dernier et dont le dossier trainait encore à l’officialité épiscopale de l’Archidiocèse de Lyon, et ce bien que cette ancienne chevalier romaine, dont l’armure avait été encore récemment frappée de la marque croisée, ait reçu un avis d’excommunication de faits de la part de l‘Inquisition, sans justifications, mais suffisant pour provoquer de manière automatique son divorce, clore son dossier de demande et la tourmenter encore un peu plus, puisque laissée dans l’indifférence la plus totale par son époux et dans l’ignorance par cette Eglise qu’elle avait si souvent servi au péril de sa vie...

Epson caressa le pommeau de son épée juste forgée, dépassant de son fourreau. Elle savait qu’elle ne l’utiliserait probablement plus jamais. Une intime conviction, que ses bottes ne fouleraient plus un seul champ de bataille jusqu‘à la fin de sa vie. Ces pensées se tournèrent immédiatement vers le souvenir de cette terre remuée par le piétinement des troupes et qui mêlée au sang vient souiller le combattant chaque fois qu’il descend de sa monture ou se retrouve à combattre au corps à corps. Pour la rouquine tuer n‘était pas anodin, ce n‘était pas une envie, ni même une pulsion meurtrière, contrairement à ce que certains colportaient depuis des années ; ces rumeurs qui racontaient que la comtoise aristotélicienne se montrait d’une rare violence avec ses ennemis, à un point tel que certains de ses meilleurs ennemis, les membres du Lion de Juda, avaient décider de la surnommer la pourfendeuse de réformés. Pourtant, tout cela était bel et bien faux, dans toute sa vie de combattante jamais elle n’eut une seule fois l’idée de tuer un homme par désir. Toujours elle s’était arrangée pour ne donner la mort que par nécessité, celle de sauver sa vie ou celle d’un ou plusieurs de ses frères d’armes.

La rouquine ferma les yeux un moment et soupira. Elle prit appui sur les bras du fauteuil dans lequel elle était restée assise de longues minutes à laisser son esprit divaguer, et avec difficulté s’en leva pour se rendre en boitillant jusqu’à sa fenêtre, celle-ci donnant sur la forêt et les champs alentours, d’où les premiers bruits de l’activité humaine s’échappaient peu à peu, à mesure que le soleil prenait de la hauteur. D’un instant à l’autre, la jeune gouvernante allait arriver, la trouver ainsi en chemisette à rêvasser, la houspiller, la contraindre à s’habiller dans l’éventualité où des personnes viendraient leur rendre visite dans la journée et enfin rouspéter en voyant que sa maîtresse refuse obstinément de manger quelque chose au lever, comme bien souvent ces temps-ci. Puis, ce serait au tour de ses deux enfants de cinq ans, déjà habillés et nourris, de se manifester bruyamment en courant dans le couloir de la maison. Leur sœur cadette quant à elle, finirait par se mettre à pleurer pour réclamer qu’on vienne la prendre dans les bras, avant de partir à la découverte du monde, du haut de ses quatorze mois.
--Anna
Quelques minutes plus tard… Anna ouvrit lentement la porte pensant sa maîtresse encore endormie, mais la vit à la fenêtre.

Bonjour dame !

Puis voyant qu’Epson était à peine levée et n’était pas habillée, la jeune femme posa ses mains sur larges hanches et fronça les sourcils.

J’dois vous apporter quelque chose à manger ici ou bien vous rejoignez les enfants en bas ? Ils sont déjà levés, habillés et surtout affamés. Et ne me dîtes pas qu’vous n’avez pas faim !

Malgré son jeune âge, la petite bonne femme aux cheveux clairs se permettait de bousculer un peu sa maîtresse, non pas qu’elle veuille la materner comme elle le faisait avec les trois bambins de la maison, mais simplement qu’elle jugeait qu’il était nécessaire que la rousse se ressaisisse un peu.

J’propose qu’vous enfiliez quelque chose pour ne pas prendre froid, qu’vous mangiez un brin et j’vous ferai remplir un bain.

La blondinette disait ça en faisant une petite moue et en remuant son chignon défait, puis pivota légèrement sur elle-même avant de franchir le seuil de la chambre pour se diriger vers sa maîtresse. Sans même attendre qu’elle lui eût répondu, elle se saisit d’une chemise rouge à manches longues descendant jusqu’aux chevilles et la tendit à Epson.

Faut sortir d’ici un peu, c’est le meilleure moyen d’se sentir mieux. En plus, le soleil est revenu et j’pense que les jours prochains seront doux ; j’ai entendu des grues passaient tôt ce matin au-dessus de St Claude. C’est bon signe.

Elle sourit.
--Epsonstylus


----------------------------------

La rouquine soupira, qu’est-ce qu’elle parlait vite la petite Anna, c’était usant. Elle enfila la chemise longue qu’on lui tendait, sans prêter l’oreille à tout ce qu’on lui racontait, d’ailleurs elle ne retint que deux mots « grue » et « signe » et en profita pour ironiser :

Bah alors grue ou cygne ?

Elle esquissa un sourire et secoua la tête, son comportement moqueur avait été indigne de l’attention que lui portait la gouvernante.

Je suis désolée Anna… je ne voulais pas…

Epson baissa les yeux, s’approcha lentement de son fauteuil en boitant et s’y laissa tomber en grimaçant. Tournant son regard vers le plafond, elle ajouta :

C’est vrai que je n’ai pas tellement faim, mais je vais faire un effort, juste pour être avec les enfants. Quant à sortir, non, non je tiens à peine debout, voyons. Par contre je ne refuse pas ton offre, un bain devrait soulager un peu mes douleurs.

Elle se leva péniblement.

Allons-y…

Les deux femmes quittèrent la chambre et y revinrent quelques minutes plus tard.

Je suis épuisée… lança la comtoise à sa gouvernante, alors qu’elle poussait la porte. Aussitôt elle fut éblouie par la lumière du soleil venue de la fenêtre et inondant toute la pièce. Ses grands yeux bleus mirent un peu de temps à s’habituer et allèrent se poser immédiatement près de la fenêtre où un baquet d’eau chaude avait été installé. La rouquine sourit.

Ah je vois que mon bain est prêt, mais je trouve qu’il fait un peu frisquet ici. Je vais attraper la mort en sortant, allume-donc la cheminée.

Elle regarda la petite femme aux formes arrondies exécuter ses ordres. Des formes bien arrondies même, pire que ça, un profil ventru ! Epson se mordit l’intérieur de la joue, comment n’avait-elle rien pu remarquer ? Elle ne dit rien et alla s’asseoir sur le rebord de sa couche, continuant d’observer la jeune femme qui mettait des bûches dans l’âtre, mille questions lui brûlait les lèvres. En même temps, ce n’était pas aisé d’interroger quelqu’un sur ses rondeurs, si des fois ce n’était pas ce à quoi elle pensait… oh et tant pis :

Dis-moi Anna, je me trompe où bien tu es grosse ? Mais de qui ?

Le visage de la rouquine devint tout rouge, elle se reprit et fusilla du regard sa domestique.

Ne me dis pas que c’est la faute de ce satané Giscard, qui t'auras promis l’amour et ce sera enfuit après t'avoir mis enceinte, pour rejoindre ses amis réformés, quelques catins ou quelques myrmidons ? Ma fille… je t'ai dit et répété que…

La gouvernante n’avait montré aucune émotion, aucune honte, elle restait bien silencieuse à tourner sa bague entre ses doigts.

Ou alors Wistan ? A peine arrivé dans la maison qu’il se fait déjà remarqué en te séduisant, j’espère qu’il s’occupera de toi et de l’enfant… Ah mais je vois que vous avez déjà prévu de vous marier.

Lèvres pincées l’ancien gouverneur finit par se montrer agréable.

Et bien soyez heureux tous les deux, enfin trois…

Était-ce sincère ? Oui, car la rouquine espérait toujours que les histoires amoureuses trouvent une issue heureuse, même si son mariage avait été un échec. Epson regarda sa main qui ne portait plus d’alliance, un brin mélancolique et surtout en proie à une forme de colère intérieure. Comment trouvait-elle le mariage à présent qu’elle était divorcée par la force des choses ? A vrai dire elle avait attendu vingt-cinq ans avant de se marier à un homme qu’elle avait pensé aimer, qu'elle avait probablement aimé. Oh oui, elle l’avait aimé, il avait su la consoler quand elle n’allait pas bien, se montrer attentif à ses désirs et elle lui avait rendu en lui offrant trois beaux enfants, mais il fallait être honnête la vie d’épouse docile ne lui convenait absolument pas. La rouquine avait un fort tempérament, elle aurait eu besoin d’un homme, un grand costaud au grand cœur, qui l’aurait trompée sans cesse mais avec qui elle se serait toujours rabibochée parce qu’il aurait été un amant fougueux, surprenant, l‘entraînant dans des endroits extravagants pour parler d’amour, enfin parler, si on veut… Quant à savoir si cet homme aurait pu être un bon père, sans doute que oui, en tout cas il n’aurait pas été plus mauvais qu’un autre ; il aurait appris à son fils à manier l’épée et à monter à cheval, et elle l’aurait relayé chaque fois qu’il serait parti en guerre ou à cause d’une dispute. Epson se serait bien laissé tenter par une aventure extraconjugale, mais sa morale aristotélicienne l’en avait empêchée. La vertu voilà sans doute ce qui lui avait empêché toute sa vie de s’amuser ou de faire n’importe quoi, comme d’aller se pendre au fond d’un bois quand ça n’allait pas.

La comtoise s’était allongée sur le dos, pensive, le cœur plein d’amertume. De toute manière c’était trop tard pour regretter et trop tard pour faire des projets. Plus les jours passaient, plus Epson constatait qu’elle perdait son temps à travailler, à réfléchir ou à ressasser sans cesse de vieilles histoires ; pourtant c’était un excellent moyen d’oublier qu’elle ne ressemblait plus à celle qu’elle avait été : une jolie femme, plutôt brillante, qui galopait sur le dos de son frison par tous les temps et faisait trembler les crapules rien qu’en posant sa main sur le pommeau de son épée. C’était bien loin tout ça. Elle maugréa :


Alors ce bain ?
--Anna
Anna avait rallumé la cheminée comme demandé, même à son goût il faisait déjà très chaud dans la chambre. Jusqu’à présent, était restée muette aux questions de sa maîtresse, parce que très embarrassée ; la jeune femme s’était en effet, laissée séduire par Giscard, mais l’avait quitté dès qu’elle avait découvert qu’il était le fils d’un curé défroqué et d’une réformée, et qu’il trainait bien trop souvent du côté de Genève en mauvaise compagnie, auprès de nombreuses filles et à en train de s’acoquiner avec des mercenaires. Lorsque sa patronne l’eût appris, elle alla choisir immédiatement un nouveau secrétaire ; ce dernier n’avait alors pas tardé à remarquer la jeune domestique et à lui faire la cour. Et il avait fallu qu’ils commettent le péché, plusieurs fois. Le père de la jeune gouvernante avait manqué étriper le jeune homme, quand il avait appris par son épouse que sa fille, sa chère petite, était enceinte et non par une quelconque intervention divine. Par chance les deux jeunes gens étant issus de la même bourgade, un arrangement fut facilement trouvé entre les deux familles ; il suffisait que les deux amants aillent se confesse, puis se marient.

A chaque phrases prononcées par sa maîtresse, Anna baissait la tête, remontait les épaules et devenait de plus en plus rouge de honte, quand elle finit par répondre la voix légèrement enrouée :

Merci dame…

Avant de se reprendre et d’ajouter fièrement :

N’vous inquiétez pas, j’ai promis qu’je resterai toujours auprès d’vos enfants, j’tiendrai promesse, j’espère simplement qu’vous accepterez d’nous garder auprès d’vous comme c’est déjà l’cas, mais cet’ fois ci avec le p’tit ou la p’tite.

Voyant que sa maîtresse n’écoutait rien visiblement encore perdu dans ses pensées - c’était une habitude agaçante - la blondinette s’approcha du baquet qui n’était rempli qu’à moitié et trempa son index dans l’eau. L’eau était moins chaude que lorsqu‘elle l‘avait versé, mais n’était pas froide ; elle était juste comme il faut. Anna attrapa des linges blancs, en posa un au sol, l’autre sur le rebord du lit et se pencha au-dessus de sa maîtresse qui venait de lui demander si le bain était prêt. Mains croisées dans le dos, elle lui répondit :

Oui, c’est prêt, j'vous aide à vous déshabiller ?
--Epsonstylus


----------------------------------

Epson avait été sortie de sa rêverie, contrariée par la proposition de la domestique. Elle se releva du lit sur lequel elle était allongée et ronchonna :

M’aider à me déshabiller ?

Son museau se retroussa légèrement, lui proposer de l’aide la blesser dans son orgueil.

Tu plaisantes j’espère ? Je suis une grande fille et je continuerai à me vêtir et à me dévêtir toute seule jusqu’à ce que j’en fasse la demande.

La phrase originale qui trottait dans sa tête était plutôt de ce goût là : « jusqu’à ce que je sois encore capable de le faire ». Mais cela aurait conduit à une réponse que la rouquine ne voulait pas entendre, parce que une fois sur deux elle était obligée de demander à la jeune femme de l’aider, soit à cause d’un lien impossible à nouer dans le haut de son dos, soit parce que se tordre pour enlever un vêtement lui donnait des douleurs importantes. Epson était comme ça. Pourquoi ? Parce que déjà la gouvernante remplissait une double tâche, celle de garder les enfants et celle de remplacer la grosse Marie qui auparavant faisait tout dans la maison, aussi la rouquine refusait de surcharger de travail la petite Anna. Mais surtout et c’était la véritable raison, parce que la comtoise prenait mal qu’on veuille l’aider. Pour elle, accepter de l’aide c’était reconnaître qu’on était vulnérable, faible et incapable. Or consciente qu’elle n’était pas au meilleur de sa forme, elle prenait toute volonté de l’aider comme une manière de le lui rappeler.

La Maledent de Feytiat posa sa longue chemise rouge, puis la petite chemise de lin qui se trouvait dessous, à moitié nue, il restait à poser le bas et c’était là que le déshabillage se corsait… Assise ou debout ? La rouquine opta pour la première solution, car debout sur un pied à la manière d’un échassier, à coup sûr que l’une ou l’autre de ses jambes endolorie allait la lâcher et qu’elle se retrouvait à plat ventre sur les carreaux de sol.


Il fait froid tu ne trouves pas… ou alors c’est moi…

Epson nue comme un ver, les bras croisés sur sa poitrine jeta un coup d’œil vers la cheminée où les bûches continuaient de se consumer, puis vers sa gouvernante.

Ne me regarde pas comme ça !

La rouquine détestait qu’on s’attarde à la regarder, surtout depuis qu’elle était revenue d’Anjou. Il faut dire qu’après tant de violents combats, dont deux l’avaient laissée dans un état pitoyable, il était tout à fait normal qu’elle veuille cacher à la vue des autres les marques disgracieuses que portaient encore son corps ou les traces de ces jours où elle était restée sans manger, famélique.

Epson n’eût pas à se lever, mais juste à se tourner de l’autre côté du lit pour se glisser jusque dans le baquet. Une fois à l’intérieur, elle poussa un profond soupire de plaisir et fit signe à la gouvernante de verser encore un peu d’eau chaude ; ce qu’elle fit aussitôt et qui eut pour effet de provoquer chez la san claudienne une nouvelle manifestation de bien-être.


Je resterai des heures dans l’eau...

Quant à en savoir la raison… elle était simple : l’eau brûlante avait un effet, momentané, mais très apaisant sur les douleurs.

Tu sais si des pigeons sont arrivés depuis hier ? Je n’ai pas eu le temps d’aller vérifier hier soir. Et quelles sont les nouvelles ?

Elle ferma les yeux et s’enfonça jusqu’au cou dans l’eau.

Je dois encore envoyer des petites choses au Bureau du Droit et quelques lettres, dont une à ma mère… ça me fait penser que je n’ai pas eu de nouvelles de l’amie Lothilde depuis notre dernier échange sur les conflits angevins passés… ni de ce cher Zephirin. Ah Zephirin…

Epson gloussa, la tête inclinée vers l’arrière appuyée sur le rebord de la couche.

Je me demande ce qu’ils font tous les deux. Ils doivent encore être en Savoie ou ailleurs, crasseux comme des enfants des rues à échapper à veiller l’un sur l’autre.

La rouquine rouvrit les yeux.

Bah je vais leur écrire, moi, à ces deux oiseaux là, comme ça je serai fixée sur leur sort.

Anna semblait perplexe.

Qui y a-t-il ? Hum… ah oui je sais ce que tu es en train de te dire, que la vieille Dampierre, qui au passage est plus jeune que moi... levant les yeux vers le plafond …ne mérite pas qu’on s’intéresse à elle, parce qu’elle est allée habiter à Genève puis à fait la guerre à Annecy. Bah tu vois, ma fille, je tiens à elle, pourtant qu’est-ce que la nattée a un caractère de cochon des fois… Je veux savoir ce que devient la vicomtesse, la féliciter ou au contraire la réprimander pour ce qu’elle fait.

Baissant la voix.

Puis Zephirin n’est jamais loin d’elle et nous ne nous sommes pas vus depuis longtemps…

Elle sourit et tourna son regard vers la fenêtre, visiblement chagrinée.

J’écrirai à Leonin aussi pour le remercier d’avoir participé à ma petit affaire privée et lui réaffirmer mon soutien plein et entier dans l’épreuve qu’il traverse. Il paraît qu’il s’est retrouvé à Sion à cause de l’incendie de Lausanne, le pauvre… avec un prénom comme le sien et coincé en Confédération Helvétique au milieu des réformés, des membres du Lion de Juda et des membres de l’Hydre, je crains que les romains ne l’y assimilent.
--Anna
Oui dame, un pigeon est arrivé, un courrier de votre mère, il est posé à côté de l’écritoire.

La jeune gouvernante sourit à sa maîtresse, laquelle ne cessait depuis son retour d’Anjou de parler d’un certain Zephirin, non sans une certaine excitation et à qui elle avait offert un magnifique frison pour remplacer le cheval qu’il avait perdu au cours d’un combat. Anne n’avait jamais vu celui que la rousse appelait le gros, mais le portrait que cette dernière lui en avait fait, laissé penser qu’il était très costaud, plutôt charmant et d’un caractère un peu rude ; rien à voir avec le savoyard que la dame avait épousé quelques années plus tôt. La domestique sentit dans la voix de la san claudienne, de l’anxiété tout d’abord, puis de la nostalgie et enfin de l’envie, du désir… elle se contenta de glisser à l’oreille de la rouquine :

Je n’sais pas dame, si vous avez envie d’revoir c’grand gaillard qu’vous appelez Zephirin, faîtes donc…

Mais se garda bien d’ajouter, qu’il faudrait tout de même éviter de faire des sottises, car d’une part elle était mal placée pour se permettre de donner ce genre de conseils et d’autre part serait sortie de son rôle.

En r’vanche, soyez discrète, vous risqueriez qu’on colporte d’nouvelles rumeurs sur vous.

Anna alla sortir plusieurs robes qu’elle étendit sur le lit.

Alors la rouge, la violette, la verte ou la noire ? Ah non pas la rouge; j’dois encore la r’coudre au col et j’ai eu l’temps que d’réajuster la noire pour l’instant. Désolée, mais c’est beaucoup d’travail, si vous daignez manger un peu plus, peut-être que vous pourriez les remettre sans qu’elles soient trop amples…

Elle espérait être entendue, lorsqu’elle souhait que ça maîtresse se ressaisisse ; ce que la jeune femme n’avait visiblement pas compris, c’est que les blessures d’Anjou et les récents événements n’étaient pas les causes principales de ce peu d’appétit, ni de cet état d’affaiblissement général. Elle rangea les robes devenue trop grandes et revint aux côtés de sa maîtresse qui semblait s’être assoupie dans son bain.

N’vous endormez pas !
--Epsonstylus


----------------------------------

Au diable les rumeurs, ma belle Anna !

La rouquine esquissa un sourire, les yeux à demi clos, entendant sa jeune gouvernante s‘activait dans la chambre à la recherche d‘une robe à peu près présentable.

La noire ou une autre peu m’importe.

Après tout, Epson ne sortait plus, alors pourquoi faire des efforts d‘habillement ?

N’vous endormez pas.

Sois sans crainte.

En effet, la san claudienne à l’image de ses nombreux chats gardait toujours un œil ouvert, bien qu’elle fut épuisée. Dans sa tête des milliers de choses se bousculaient. Elle se tâtait de quitter le Bureau du Droit, alors que les chantiers entamés étaient sur le point d’aboutir, mais celle qui fut jadis gouverneur ne trouvait plus la force de se déplacer en personne jusqu’au château de Dole ; la voiture lui donnait des douleurs terribles et elle était à présent incapable de monter à cheval, contrainte de délaisser ce magnifique frison avec lequel elle avait longtemps sillonné les routes de Franche-Comté.

Pouvait-elle se permettre de partir en laissant des travaux en cours ? Certainement pas. Personne n’aurait compris cette absence soudaine. Epson avait su serrer les dents lorsqu’elle souffrait afin de ne rien montrer de ce qui semblait la ronger depuis des semaines voire peut-être des mois, mais qui jusqu’ici ne s’était pas tant manifesté.

Devait-elle en parler ? Non plus. Elle ne souhaitait pas que l’on s’inquiète pour sa santé, mais surtout ne voulait pas que les visites s’enchaînent à son chevet pour lui tenir compagnie, lui caresser la main avec un regard empli de compassion ; rien que cette image lui donnait la nausée. C’était une guerrière elle en avait vu d’autres et elle n’avait jamais attendu personne à ses côtés. Et puis, la rouquine avait la foi, elle ne craignait pas cette mort qu’elle côtoyait si souvent. A bientôt trente et un ans et après avoir survécu à tant d‘épreuves, il fallait se faire une raison, chaque jour était un cadeau béni de Dieu.

Epson ouvrit soudainement les yeux, se rappelant des propos de sa domestique.


Ma mère ? Ma mère a écrit ? Elle devait venir ici début mars. Quel jour sommes-nous Anna ? Aide-moi à sortir de là dedans… Je dois lui répondre et écrire aux autres aussi, il est déjà tard et j’ai prévu de me reposer un peu cet après-midi.

Elle s’appuya sur le bras que lui tendait Anna et sortit du baquet en frissonnant, avant de s’enrouler dans un grand drap et de s’asseoir dans le fauteuil placé devant la cheminé.

Donne-moi cette lettre.

La jeune femme s’exécuta et Epson décolla violemment le sceau, impatiente.

« Ma chère enfant, ma chère Louise… » Elle parcourut rapidement les quelques lignes : « Anvers… je suis en route pour votre bien aimée Franche-Comté… j’y serai d’ici un jour ou deux selon l‘état de la route et le temps qu‘il fera… je suis au courant de ce que l’Inquisition vous fait subir et en suis désolée… je viens prendre soin de vous… revoir les enfants… votre mère qui vous aime. »

Epson laissa tomber la lettre sur ses genoux et tourna son regard vers la fenêtre, dehors le temps semblait s’être couvert, elle secoua la tête.

La lettre date d’il y a deux jours…

Elle poussa un profond soupire et caressa une boucle de cheveux ambrée dont la pointe était mouillée.

Je crains que nous soyons plus nombreux que prévu dans les jours prochains. Il va falloir que tu m’aides à m’apprêter, ma mère ne doit pas me trouver dans cet état. Je fais peur à voir c’est-ce que vous m’avez dit hier, n’est-ce pas ? Alors le temps de sa visite, cela doit changer. Elle ne doit rien savoir.

La rouquine plongea son regard dans celui de celle qui sous son grand tablier portait la vie. Epson était très ennuyée, heureuse de revoir sa mère qu’elle avait quitté l’année précédente avant de partir en guerre, mais gênée de la situation dans laquelle elle se trouvait actuellement ; alitée le plus clair de son temps. Sa pauvre mère était veuve et âgée, de plus elle avait perdu son fils Philippe (Decnop) deux ans plus tôt et il n’était pas question pour la franc comtoise que cette femme ne s’aperçoive de la mauvaise santé de son seule enfant encore en vie : sa fille.

Donne-moi vite mon écritoire et de quoi écrire. Ca ne sert à rien d‘écrire à ma mère, aujourd’hui ou demain, elle sera là. Mais les autres… je dois impérativement leur écrire.
--Epsonstylus


----------------------------------

Anna avait apporté l’écritoire à sa maîtresse. Epson se mit aussitôt au travail toujours enroulée dans son drap.

Citation:
Chère Lothilde,

Je m’inquiète de ne plus avoir de tes nouvelles depuis quelques semaines. Que fais-tu donc ? Où es-tu ? Le gros est-il avec toi, j’aimerai tant le revoir… Vas-tu te défendre des accusations d’hérésie qui pèsent sur toi ?

Pour ma part, je continue de lutter contre cette excommunication latae sententiae, cependant je dois te confier quelque chose… Lothilde, je pense abandonner la partie. Je suis alitée depuis plusieurs jours et mon état ne s’améliore pas. A vrai dire, je n’ai pas été honnête avec toi, car je n’ai pas osé t’en parler avant, tu étais assez occupée avec tes problèmes en Savoie comme à Genève alors je n’ai pas voulu te faire part des miens, mais voilà qui est chose faite.

Depuis notre retour d’Anjou je ne me sentais pas très bien et n’en ai fait part à personne. A présent, je crois qu’il est temps que je te le confie, puisque je pense rejoindre Dieu, Christos et Aristote d’ici quelques semaines.

Mais ne t’inquiète pas pour moi, j’ai tout prévu et ma foi demeure inébranlable. Je n’ai pas peur. En revanche, j’ai du chagrin et me sens un peu seule, c’est pourquoi j’aimerai avoir de tes nouvelles et de celles du gros. Ton entrain me manque.

Dieu veille sur toi. Ne fais pas de bêtises.


Epson


La rouquine écrivit ensuite une lettre à Lysiane pour l’informer qu’elle quittait le Bureau du Droit, ou plus exactement qu’elle n’y reviendrai pas.

Citation:
Chère Lysiane,

Tu me vois désolée de te l’apprendre aussi soudainement, mais je ne viendrai plus au Bureau du Droit. Ces dernière semaines, j’ai essayé de travailler au maximum bien que ma santé soit défaillante, à présent je ne suis plus en mesure de me déplacer jusqu’au château de Dole, ni de continuer le travail commencé. J’aurai fait ce que j’ai pu.

J’espère profondément que d’autres prendront le relai, car il ne s’agit pas d’une simple pause. Si je t’ai demandé d’être le témoin de mon testament, c’est que je crains véritablement que le temps ne joue plus en ma faveur.

Bien à toi.


Epson
--Margaret
Sur la route, destination St Claude :

Encore et toujours cette satanée roue qui s’était prise dans un nid de poule et s’était desserrée ! C’était la troisième fois en deux semaines que le carrosse était endommagé de cette manière et Eléonore de Montbrun avait finit par penser que tout jouait contre elle. Quelque chose ou quelqu’un semblait vouloir l’empêcher de revoir sa fille, dont elle n’avait plus de nouvelles depuis le mois de décembre.

La voiture arrêtée sur le bord d’un chemin pour une énième réparation, à quelques encablures de St Claude, la femme en avait profité pour se reposer, assise sur une borne, attendant patiemment de pouvoir reprendre la route avec son fidèle serviteur et son cochet. Une chance que la campagne comtoise bénéficiait depuis quelques jours d’un climat doux, ainsi le voyage devenait bien moins pénible. La tête inclinée vers l’arrière pour laisser aux rayons du soleil le soin de caresser son visage, la flamande se souvint du moment où elle avait reçu la visite de sa chère Louise, sa petite fille ou plutôt cette grande fille qui lui ressemblait à présent traits pour traits au même âge. Lorsque la jeune femme était arrivée avec ses trois jeunes enfants jusqu’à Antwerpen, c’était l’hiver ; les chemins étaient peu praticables, les pavés glissants et les champs recouverts d‘une importante couche de neige. Quelle émotion ce fut pour la vieille femme de retrouver après tant d’années de séparation sa fille, d’apprendre que celle-ci avait un mari et cette vie trépidante dont Eléonore avait si souvent rêvé mais qu’elle n’avait jamais pu avoir. A présent, qu’il avait fallu faire le voyage jusqu’en Franche-Comté, à son âge, elle aurait tant préféré que ce soit son enfant qui vienne la voir et surtout souvent, même si elle savait pertinemment que cette dernière était très occupée. De l’Anjou, Louise surnommée par son frère jumeau Epsonstylus ne lui avait rien raconté ; Eléonore avait simplement appris que sa fille avait délaissé ses enfants, y compris sa dernière née, pour aller combattre des criminels hérétiques, à des lieues de sa maison et de son époux. Ce n’était pas un comportement qu’elle jugeait digne d’une femme d’une part, mais surtout d’une mère.

La flamande ne comprenait pas et n’avait jamais compris ces femmes qui voulaient tout faire comme les hommes, encore moins lorsqu’elle apprenait qu’elles revenaient des champs de bataille avec la peau en lambeaux, les membres abîmés et zébrés de cicatrices… quand elles avaient la chance d’en revenir en vie. Eléonore avait longtemps pesté contre cette Lothilde, dont sa fille n’avait cessé de lui parler dans les lettres écrites depuis le front angevin ; elle l’a considérée comme responsable de la débauche de sa chère petite. Et que dire d’un certain Zephirin… celui-là dont le nom lui sortait par les yeux à chaque lecture. C’était à cause de tout cela que rien n’allait plus entre son gendre et sa fille ! Trop de séparation, trop de solitude, pas assez d’écoute entre eux, des passions opposées, des tempéraments trop différents et une mauvaise éducation. Oh oui, son enfant était pieuse; très pieuse parfois même fanatique, mais son éducation laissait sérieusement à désirer ; l’on voyait qu’elle avait grandi loin d’Antwerpen ! Car, n’avait-on pas idée à trente ans, en étant mariée et mère de trois enfants dont l’un n’avait que quelques mois, d’aller courir après des criminels, de risquer ainsi sa vie, d’abandonner le confort de son logis et les bras de son époux au risque de se laisser entraîner dans les pires perversions, de se laisser séduire par un baroudeur. Il aurait mieux valu qu’en période de tempête au sein du couple, les deux époux restent l’un auprès de l’autre pour tenter de sauver ce qui pouvait l’être encore de leur vie commune, ne serait-ce que pour faire bonne figure, mais non, sa fille ne faisait rien dans ce sens.

Eléonore soupira... Quand elle ouvrit les yeux, la voiture était à nouveau prête à reprendre la route. D’ici quelques heures, elle arriverait à destination, à St Claude, découvrant pour la première fois l’endroit où ses petits-enfants grandissaient auprès de leur mère et loin de leur père resté en Savoie, en espérant qu’aucun homme n’ait profité de cette situation vulnérable pour y faire son nid, comme un vulgaire coucou, usurpant la place du chef de famille, se glissant chaque soir dans le lit de sa fille pour commettre ce qui - selon elle - était le péché absolu et ainsi implanter dans son ventre un enfant issu du malin. Elle priait pour qu’à son arrivée, rien de tout ce qui lui trottait dans la tête ne soit vrai.

La voiture reprit sa route.
Fredyanne
A POLIGNY

Fredy était en plein déménagement dans l'éventualité de la disparition de sa ville mais elle sortais un peu pour aller faire quelques provisions au marché ,dans l'attente de l'ineductable fallait bien se nourrir quand meme .

C'est là qu'elle entendit quelques rumeurs quand à la santé de son amie Epson et s'étonna qu'elle n'en ai rien sut de sa part .

Aussitot rentrée elle lui fit un courrier


Citation:


Poligny le 15 Mars 1459


Ma très chère amie Epson

Je te fais cette missive car je suis très inquiète à ton sujet .En effet j'ai entendu dire ,tu sais que les rumeurs bonnes ou mauvaises vont très vite ,que tu avais des ennuis de santé .

J'éspère que celà est faux et que tu te porte toujours comme un charme ,si celà est fondé ,ce que je n'éspère évidemment pas ,voudrais tu que je me permette de venir te rendre visite et de d'apporter quelque aide ? tu sais que je m'y connais un peu en soins et pourrais surement t'aider .

Dans l"attente de tes nouvelles qui je l'éspère contrediront ces dires ,je t'envoies ma chère Epson toute mon amitié accompagnée de bisous chaleureux et amicaux .

Ton amie

Fredy .



Fredy sorti et fit appeler un messager lui donna une bourse et lui demanda de se rendre au plus vite en la demeure de son amie .
_________________

Cousine de Imladris, Vicomte de Voiteur,Anna_Pérenna, Sorcor et Em.ma
--Epsonstylus


----------------------------------


St Claude, dans la maison d’Epsonstylus :

J’espère que ma mère ne compte pas rester… dit-elle, en refermant les lettres pour les confier à sa gouvernante.

La rouquine avait dit cela sans vraiment le penser, car d’un côté Epson souhaitait profondément que sa mère reste à St Claude jusqu‘au bout, mais de l’autre elle ne voulait pas qu’on assiste à sa mort lente mais certaine.

La comtoise avait été fragilisée physiquement par les combats angevins et moralement par sa volonté de dissoudre son mariage, cette excommunication incompréhensible et ce qui se passait à Genève. A présent, elle était très perturbée. Elle n’était plus sûre de ces choix, il lui semblait perdre pied, de se tromper chaque fois qu’elle prenait une initiative. Sans doute était-ce la peur. Bien qu’elle se soit longtemps préparée à mourir dignement d’une façon ou d’une autre, à un moment ou à un autre, Epson ne pouvait pas dire que ça ne lui faisait rien. De la peur ? Tous les symptômes étaient réunis. Ces longues nuits d’insomnies, dues à la fois à de terribles douleurs, mais aussi à cette crainte de perdre quelques instants de vie. Ce sentiment constant d’appréhension. Mais n’était-ce pas plus le doute ? Même animée d’une foi vivace, la san claudienne craignait parfois de s’être trompée toute sa vie en espérant quelque chose qui n’existait pas, pourtant il faudrait bien, d’ici quelques jours, cesser de se tourmenter l’esprit avec cela, faire le deuil de sa propre mort ou plutôt de sa vie, puisque l’on y pouvait rien ; le processus était enclenché, il était irréversible, inéluctable et imminent. C’était surtout l’avenir des enfants qui l’inquiétait alors elle priait chaque jours pour qu’ils ne soient jamais seuls.

Epson poussa un profond soupir et se leva du fauteuil, laissant tomber le drap dans lequel elle s’était enroulée et alla s’asseoir sur lit, pour enfiler sa robe. Quelques instants plus tard, Wistan son nouveau secrétaire frappa à la porte avec un courrier venant de Poligny. Anna lui ouvrit, lui confia les deux courriers rédigés par sa maîtresse et prit le parchemin qu’il lui tendait ; il s’en alla.


Merci Anna.

Elle ouvrit le pli et sourit.

C’est une lettre de Fredyanne, elle s’inquiète pour moi.

Epson tendit son bras vers le fauteuil et attrapa son écritoire.

Je vais lui répondre immédiatement, après nous irons voir les enfants.

La plus glissa toute seule sur le parchemin.

Citation:
Chère Fredyanne,

Ce ne sont pas des rumeurs. Je suis souffrante depuis plusieurs mois, jusqu’à présent ce n’était pas particulièrement inquiétant, mais depuis quelques jours mon état s’est détérioré brutalement.

Je serai heureuse que tu viennes me rendre visite. Quant à m’aider, à part trouver de quoi soulager un peu mes douleurs, je ne crois pas qu’on puisse faire grand-chose.

Amicalement.


Epson
--Margaret
Sur la route, destination St Claude :

Un nouvel arrêt ? Eléanore aussi appelée Margaret poussa un profond soupir et entrouvrit la porte du carrosse. Sur le bord de la route, un homme et une femme. La vieille femme n’aimait pas cela, bien souvent il s’agissait de brigands se faisant passer pour des mendiants. Mais non rien de cela, ce n’était que des voyageurs qui cherchait leur route et s‘étaient perdus dans les bois alentours. Les chevaux se remirent en marche et la voiture disparut dans un virage.

La flamande commençait à avoir mal au dos et à s’impatienter, quand le cochet lança enfin que le toit des premières maisons de St Claude étaient en vue, de l’autre côté de la vallée. Encore quelques minutes à supporter les chaos infernaux de la route et le petit groupe arriverait enfin à destination. Eléanore avait hâte de retrouver sa fille et ses petits-enfants qu’elle n’avait pas vu depuis un an. C’était important pour elle de rattraper le temps perdu et d’apporter son soutien à sa famille en cette période de grands troubles.

Quelques instants plus tard, la voiture traversa le pont menant aux portes de la ville, avant de s’engouffrer dans la rue principale, de contourner le marché alors bruyant et bondé, et de s’arrêter devant une maison. Le domestique de Montbrun posa pied à terre et s’avança vers une immense maison, il frappa à la porte mais personne ne répondit. Il grimaça et haussa les épaules au regard interrogateur de sa maîtresse. Visiblement la rouquine n’habitait pas à l’endroit qu’on leur avait indiqué, rue de Genève. L’homme interpella un passant qui se rendait à l’église toute proche et celui-ci confirma que voilà bien des années l’ancien gouverneur de l’Ad Gloriam Dei avait quitté le centre-ville pour s’installer à l’extérieur des remparts, dans une grande maison de pierre non loin de la frontière helvète. La voiture quitta St Claude, avec une passagère plutôt mécontente, pas parce qu’il fallait qu’elle reprenne la route mais parce qu’elle ne comprenait décidément pas sa fille. Le caractère tout craché de son défunt père. Comment la comtoise pouvait-elle vivre recluse à la campagne avec ses enfants, alors qu’elle était excommuniée et que le danger était partout ? La vieille femme secoua la tête et ferma les yeux.

Aux alentours de midi, le carrosse avait enfin rejoint l’endroit indiqué par le passant, une croix de pierre, et deux routes qui se séparaient, l’une menant à Genève et l’autre un simple chemin de terre conduisant à un hameau entouré de champs. Les quelques maisons contournés le chemin se poursuivait, de plus en plus sinueux, le temps de grimper une colline verdoyante et d’arriver sur un plateau où une maison de pierre avec un étage avait été édifier, tout comme un imposant pigeonnier, près d’un chêne massif et de quelques arbres fruitiers dont les branches laissaient apparaître des bourgeons naissants.

Eléanore leva les yeux sur la bâtisse, satisfaite de voir que sa fille avait bien choisi son ermitage. Voilà cinq minutes qu’ils piétinaient au milieu des poules et personne pour les accueillir. Son capuchon rabattu sur ses cheveux grisonnant, la femme impatiente frappa à la porte à plusieurs reprises, lorsqu’enfin dans l’embrasure de la porte une petite bonne femme aux cheveux blonds fit son apparition, un large sourire sur le visage et le ventre en avant. C’était cette brave Anna, la même qui avait suivi sa fille jusqu’à Antwerpen l’année passée, elle n’avait pas changé, mis à part ces formes qui annonçait l‘arrivée prochaine d‘un enfant. Eléanore la salua et entra à son invitation. Anna lui proposa de s’asseoir le temps qu’elle aille prévenir sa maîtresse et les enfants. La femme fut gênée qu’on lui propose un tabouret pour traire les vaches en guise de fauteuil et refusa poliment en fronçant les sourcils. Son regard bleu ayant pris le temps de faire le tour de la petite entrée, elle ne s’en étonna finalement pas plus que ça. L’extérieur était accueillant, mais l’atmosphère qui régnait à l’intérieur était totalement différente. L’Anversoise qui avait pris l’habitude de rendre visite à des amis logeant dans de grandes maisons bourgeoises richement décorées et de s’en inspirer pour la décoration de sa propre demeure, trouva les murs de cette maison comtoise bien dénudés et les meubles bien rares. Elle eut l’impression que personne ne vivait ici, que c’était un simple lieu de repos abandonné. Des rideaux bien trop longs pour ces petites fenêtres, deux malheureux coffres jumeaux de chaque côté de l’entrée, un banc et une vieille tapisserie dont il était difficile de deviner la provenance, les bords ayant été rongés. Oh ce tabouret bien sûr et une statue en bois sans traces aucune de peinture, une relique récupérée dans le grenier de l’église de St Claude peut-être. La femme trouva regrettable le peu d’intérêt qu’avait sa fille pour l’entretien de sa maison, mais décida de profiter de sa présence pour y mettre sa touche personnelle et faire de sa chère enfant une maîtresse de maison digne de ce nom.

Une maîtresse de maison qui se faisait par ailleurs attendre… et ce alors que les enfants venaient d’arriver ; l’héritier mâle de la famille de la Marche en tête du cortège, accompagné de sa sœur jumelle, tous deux tenant les mains d’une petite fille aux boucles blondes et aux joues délicatement rosées, qui visiblement s’essayait à la marche depuis peu de temps et semblait y prendre beaucoup de plaisir, puisqu’un grand sourire illuminait son petit visage.
--Epsonstylus


----------------------------------


A St Claude, dans la maison d’Epson :

Après avoir répondu à de nombreux courriers, être allée prendre soin de son cheval lui aussi malade, la rouquine s’était reposée pendant près d’une heure, jusqu’à ce que Anna vienne la sortir de sa torpeur pour lui annoncer l’arrivée de sa mère. En vitesse, elle posa un châle sur ses épaules et descendit les escaliers accompagnée de la jeune gouvernante, sans rien montrer de l’effort qu’elle devait accomplir pour descendre chacune des marches. Un sourire se dessina même sur son visage balayant, ce qui, l’espace d’un instant avait laissé paraître une grimace de douleur. Arrivée au pied de l’escalier, elle s’arrêta sur la dernière marche et s’appuya sur sa canne, lançant :

Bonjour mère, je suis heureuse de vous revoir, veuillez m’excuser pour cette attente.

Elle s’approcha d’elle et lui tendit la main, l’invitant ainsi à la suivre jusqu’au petit salon avec les enfants. La flamande n’avait pas changé ou alors avait-elle gagné quelques cheveux blancs, mais sans plus, c’est du moins ce qu’Epson constata lorsqu’elle la serra dans ses bras. Les jumeaux vinrent embrasser leur mère qu’ils n’avaient pas encore vue de la journée et la petite dernière, qui n’était jamais en reste, s’agrippa de toutes ses forces à l’un pan de la robe de sa mère et tira dessus, en réclamant qu’on la prenne dans les bras. La rouquine fit un signe discret à Anna, pour qu’elle s’occupe de la petite. Une fois hissée dans les bras de la jeune femme, Epson s’approcha et posa un énorme bisou sur cette petite joue douce et chaude.

Elle a beaucoup grandi, n’est-ce pas mère ? Vous avez vu ? Elle marche.

Mais toujours aucune réponse. L’anversoise semblait préoccupée, ne cessant à aucun moment de l’observer en silence.

Qui y a-t-il ?

Un soupir, un de plus… La comtoise se dirigea vers le salon, en silence elle aussi, mais un silence ponctué par les piaillements des enfants. Elle savait pourquoi sa mère ne disait rien, quelque chose devait la contrarier ou l’inquiéter. Epson s’assit dans un fauteuil ; elle était épuisée, mais surtout rien ne devait paraître.

Mère, comment allez-vous ?
--Margaret
St Claude dans la maison d'Epson :

L’Anversoise suivit la rousse jusqu’au petit salon. Elle avait été surprise de constater à quel point sa fille avait changé. Son corps semblait avoir souffert, sans doute cette maudite guerre… Ses traits s’étaient durcis et à en juger par les grandes cernes dessinées sous ses grands yeux bleus, elle semblait fatiguée. Même sa voix n’était plus la même, un voile semblait l’étouffer. La vieille femme était inquiète, l’état de sa fille lui rappelait le bien triste souvenir de son époux dans les derniers jours de sa vie.

Mère, comment allez-vous ?

Eléanore approcha son fauteuil de celui de sa fille cadette et s’asseyant, elle lui prit la main.

Ma chère enfant, je vais bien. Mais, vous, vous semblez épuisée et vos courriers m‘ont alarmée. Je suis donc venue vous apporter mon aide, je vais m’occuper des enfants, vous aurez ainsi la possibilité de vous reposer et d’entrer en contact avec des amis aristotéliciens pour régler votre problème, si vous voyez de quoi je veux parler.

Jusqu’au soir elles discutèrent ensemble de la conduite à tenir face à l’Eglise Aristotélicienne, la fille se faisant brimer par sa mère à chaque fois qu’elle confiait ne rien vouloir faire.
--Epsonstylus


----------------------------------


Saint Claude, dans la maison d’Epson :

Après avoir discuté de longues heures avec sa mère au sujet de l’excommunication, Epson dîna avec elle, embrassa les enfants et monta se coucher ; il était onze heures. Elle se sentait vidée de ses forces. Anna l’aida à se dévêtir et se retira.

Bonne nuit dame, à demain.

La rouquine se laissa tomber lourdement sur le lit et regarda vers son livre des vertus poser sur la petite table située à proximité. Elle l’attrapa et l’ouvrit à la page qu’elle avait abandonné la veille au soir. Sans perdre de temps, elle se plongea dans sa lecture, mais la fatigue se fit rapidement sentir, la douleur aussi. La comtoise reposa son livre, souffla l bougie et s’allongea sur le dos. Pendant de longues minutes, elle garda les yeux ouverts, contemplant le plafond peint de jolies étoiles dorées sur fond azur.

Depuis plusieurs semaines, dès qu’arrivait la nuit et qu’elle se retrouvait seule, à l’image d’une enfant elle avait peur. Le silence, la laissait face à un flot de pensées ininterrompu et très divers. Mais la nuit était aussi synonyme de douleurs, ne pouvant plus se concentrer sur autre chose, il lui semblait souffrir plus que le jour. Epson avait beaucoup de mal à trouver le sommeil. Bien souvent, elle devait attendre trois heures du matin avant de réussir à s’endormir, terrassée par la fatigue.

Ce soir, sans doute, elle allait s’endormir plus vite, car si d’habitude ses journées étaient moins rythmées, aujourd’hui elle avait du faire un effort considérable pour se lever tôt et veiller si tard, sans s’allonger un seul instant, de peur que sa vieille mère ne se doute de quelque chose. Elle s’en voulait de devoir mentir ainsi, si bien sûr le fait de ne pas dire toute la vérité et de garder une partie de celle-ci secret était une forme de mensonge. Lorsqu’elle avait vu la flamande dans l’entrée la regarder fixement descendre les escaliers, Epson aurait aimé tout lui dire, mais elle n’avait pas jugé le moment propice et craignait que sa mère ne s’inquiète, même si c’était son rôle. Si l’ancien gouverneur devait mourir, elle voulait que ce soit rapide ou plutôt qu’il y ait un semblant de rapidité aux yeux des autres.

Epson serrait des dents toujours allongée, elle remonta l’épais drap sur elle et chercha quelques instants une position confortable, sans la trouver. Un profond soupir, voilà ce qui retentit dans la chambre. La marque d’une certaine lassitude. La nuit s’annonçait une nouvelle fois difficile.

La rouquine se retenait d’éclater en sanglots pour qu’on vienne la réconforter. Pour canaliser ses pensées et sa souffrance, elle devrait encore tourner son esprit vers les lignes apprises par cœur du Livre des vertus ou bien se remémorer quelques beaux coups d’éclats ; mais à force de toujours ressasser les mêmes choses depuis plusieurs mois, la femme finissait par se lasser. Si encore elle avait eu de la haine envers quelqu‘un, peut-être aurait-elle pu imaginer les pires projets pour lui nuire, mais il n’y avait personne à haïr, mais beaucoup à blâmer. Et quelqu’un à aimer ? Epson n’y pensait même plus, que pouvait-elle attendre de l’avenir ? De l’Amour elle ne gardait que des regrets, la sensation d’un échec permanent. Intérieurement elle savait qu’elle n’avait pas su saisir de nombreuses opportunités et qu’à présent il serait sans doute trop tard. Qui prendrait envie d’une femme excommuniée avec trois enfants en bas âge et dont la vie semblait vouloir l’abandonner ? Probablement personne, à par peut-être quelques hommes malsains, lorgnant sur son petit pécule, lequel avait été amassé grâce à la sueur de son front et parfois-même son sang. Son prochain compagnon serait certainement sans doute peu charmant un corbeau peut-être…

La rouquine soupira encore, mais cette fois en pensant à sa pauvre monture, cloîtrée à l’écurie et en aussi mauvaise santé que sa cavalière. L’homme qui s’en était occupé, trois jours auparavant n’était pas très optimiste quand à la survie de l’animal. Et la dernière fois qu’Epson était venu voir si son état avait changé, elle l’avait trouvé encore plus affaibli, l’œil terne et toujours couché sur le flanc, pour ne s’en relever que très rarement et toujours très péniblement. Plusieurs fois, elle avait pensé qu’il ne valait mieux pas attendre que son beau frison souffre et qu’il était temps de faire quelque chose, mais elle ne pouvait pas. Payer quelqu’un pour s’en charger, elle y avait penser, mais l’idée même lui donnait la nausée et lui fendait le cœur. L’étalon serait sans doute emporté avant elle… Il était encore relativement jeune mais voilà trois ans qu’il ne cessait d’être en permanence sollicité. Lui aussi avait bien vécu ou plutôt survécu. Au simple souvenir de son fidèle destrier agonisant, des larmes perlèrent sur le visage de la rousse, mais elle les ravala aussitôt se consolant comme le pouvait, en se disant que son cheval avait engendré trois autres beaux chevaux, et que l’un deux se trouvait entre les bonnes mains du Sénéchal Zephirin.

Demain matin elle devait se rendre à l’écurie, voir si les choses avaient évolué.
See the RP information <<   1, 2   >   >>
Copyright © JDWorks, Corbeaunoir & Elissa Ka | Update notes | Support us | 2008 - 2024
Special thanks to our amazing translators : Dunpeal (EN, PT), Eriti (IT), Azureus (FI)