Lotx
[Route entre Fécamp et Rouen, 9 mars]
Les bruits de sabots venaient de cesser au loin, la plaine avait retrouvé son calme comme si rien ne s'était produit. "Ils" étaient enfin partis.
Alors, dans un hoquetement le garçonnet sortit sa tête d'entre ses genoux où il s'était réfugié pour ouvrir deux grands yeux emplis de larmes. Il avait froid, il avait mal. Oh rien de bien grave, des coupures, des bosses. Les épées avaient dansé contre sa peau mais n'étaient profondément entrées dans ses chairs, il avait eu beaucoup de chance, comme souvent.
Et puis il avait couru vite. Dès le début de la charge normande il s'était rué vers les premières broussailles pour s'y jeter à plat ventre. C'étaient des aubépines et à présent tout son corps brûlait marqué par des écorchures cuisantes. Mais au moins était-il vivant. Traumatisé mais vivant. Qu'en aurait-il été s'il s'était tenu droit sur le champ de bataille sa misérable dague tendue face à une troupe de soudards? S'il n'avait pas abandonné vivres et écus, poneys et évêque... attendez une minue, et évêque?!
Il l'avait complètement oublié celui-là, mu qu'il était par le plus simple des instincts de conservation. Qu'était devenu son évêque qui l'accompagnait, ou plutôt son évêque qu'il accompagnait et qu'il était sensé protéger. "Sensé"... aheum... peut-être avait-il présagé de sa survie un peu trop rapidement finalement comme ce dernier lui ferait sûrement payer le moindre ongle retourné.
S'extirpant du buissonnet le jeune prêtre s'avança alors lentement vers les lieux du méfait, trop faible pour adopter une allure bien plus soutenue mais trop effrayé de voir ressurgir un membre de la compagnie d'ordonnance du duché pour retenir d'avantage le pas. Et effectivement, il apparut qu'il n'avait pas super bien protégé l'évêque en question...
Lotx eut un fort haut le cur devant le spectacle qui lui était infligé. Combien de plaies ouvertes, combien de fragments de chair déchiquetées parsemaient le corps du saint homme, il aurait été incapable de compter, d'ailleurs il s'attelait plutôt à rendre à la terre son déjeuner qu'à compter, éclaboussant sa robe de bure d'un liquide verdâtre aussi peu ragoutant que le liquide jaunâtre épongé par ses braies. Oui, à la charge ennemie il avait été "débordé d'émotions", bon...
Ayant fini de disséminer ses émotions partout il fallait alors prendre une décision. Devait-il fuir et abandonner là le saint homme (ou tout au moins ce qu'il en restait)? Un archevêque aimé et respecté de tous (si l'on occultait les trois quart du royaume), un primat consciencieux et inspiré par le Très Haut lui-même? Un type qui avait promis de faire de lui un évêque un jour?
Ce dernier argument mit fin à la petite discussion interne du garçonnet au sujet du fait que "bon foncièrement tout l'monde s'en congne des gens inspirationnés par le Très Haut" dans la mesure où "d'un autre coté c'est à peu près le seul type qui serait d'accord pour l'poste d''évêque alors on va pas l'laisser caner hein?" Et c'est ainsi que, courageusement, le jeune prêtre commença à réaliser un de ses vieux rêves en attribuant plusieurs mandales au primat assorties d'un:
Youhouuuuuu! Monseigneureuh révéillationnez-vous! L'armée est passé 'pouvez arrêter de faire le mort, même si avec tout ce sang d'partout c'est vachement bien réussi hein, vous avez fait comment?
Mais il sembla pourtant que celui-ci ne se réveillerait pas.
Bordel, faut toujours qu'vous trouviez une excuse pour vous faire porter vous, z'êtes fatiguant à la fin. Et me dites pas qu'vous faites pas exprès hein! Et vous pourriez répondre quand j'vous parle nanmého. J'vous préviens s'la dernière fois hein, et z'aurez intérêt à l'faire savoir à Rome à quel point j'suis conciliant d'abord!
Et, ce disant, Lotx attrapa les deux bras du vieil homme dans l'idée de la traîner vers Lisieux jusqu'à la première auberge ou maisonnette qu'il trouverait... Ouais, le sol était cahoteux et le vieux grec y laisserait sûrement sa bure.
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Pasque y a pas que les poneys dans la vie d'abord: l'hymne de Lotx
Les bruits de sabots venaient de cesser au loin, la plaine avait retrouvé son calme comme si rien ne s'était produit. "Ils" étaient enfin partis.
Alors, dans un hoquetement le garçonnet sortit sa tête d'entre ses genoux où il s'était réfugié pour ouvrir deux grands yeux emplis de larmes. Il avait froid, il avait mal. Oh rien de bien grave, des coupures, des bosses. Les épées avaient dansé contre sa peau mais n'étaient profondément entrées dans ses chairs, il avait eu beaucoup de chance, comme souvent.
Et puis il avait couru vite. Dès le début de la charge normande il s'était rué vers les premières broussailles pour s'y jeter à plat ventre. C'étaient des aubépines et à présent tout son corps brûlait marqué par des écorchures cuisantes. Mais au moins était-il vivant. Traumatisé mais vivant. Qu'en aurait-il été s'il s'était tenu droit sur le champ de bataille sa misérable dague tendue face à une troupe de soudards? S'il n'avait pas abandonné vivres et écus, poneys et évêque... attendez une minue, et évêque?!
Il l'avait complètement oublié celui-là, mu qu'il était par le plus simple des instincts de conservation. Qu'était devenu son évêque qui l'accompagnait, ou plutôt son évêque qu'il accompagnait et qu'il était sensé protéger. "Sensé"... aheum... peut-être avait-il présagé de sa survie un peu trop rapidement finalement comme ce dernier lui ferait sûrement payer le moindre ongle retourné.
S'extirpant du buissonnet le jeune prêtre s'avança alors lentement vers les lieux du méfait, trop faible pour adopter une allure bien plus soutenue mais trop effrayé de voir ressurgir un membre de la compagnie d'ordonnance du duché pour retenir d'avantage le pas. Et effectivement, il apparut qu'il n'avait pas super bien protégé l'évêque en question...
Lotx eut un fort haut le cur devant le spectacle qui lui était infligé. Combien de plaies ouvertes, combien de fragments de chair déchiquetées parsemaient le corps du saint homme, il aurait été incapable de compter, d'ailleurs il s'attelait plutôt à rendre à la terre son déjeuner qu'à compter, éclaboussant sa robe de bure d'un liquide verdâtre aussi peu ragoutant que le liquide jaunâtre épongé par ses braies. Oui, à la charge ennemie il avait été "débordé d'émotions", bon...
Ayant fini de disséminer ses émotions partout il fallait alors prendre une décision. Devait-il fuir et abandonner là le saint homme (ou tout au moins ce qu'il en restait)? Un archevêque aimé et respecté de tous (si l'on occultait les trois quart du royaume), un primat consciencieux et inspiré par le Très Haut lui-même? Un type qui avait promis de faire de lui un évêque un jour?
Ce dernier argument mit fin à la petite discussion interne du garçonnet au sujet du fait que "bon foncièrement tout l'monde s'en congne des gens inspirationnés par le Très Haut" dans la mesure où "d'un autre coté c'est à peu près le seul type qui serait d'accord pour l'poste d''évêque alors on va pas l'laisser caner hein?" Et c'est ainsi que, courageusement, le jeune prêtre commença à réaliser un de ses vieux rêves en attribuant plusieurs mandales au primat assorties d'un:
Youhouuuuuu! Monseigneureuh révéillationnez-vous! L'armée est passé 'pouvez arrêter de faire le mort, même si avec tout ce sang d'partout c'est vachement bien réussi hein, vous avez fait comment?
Mais il sembla pourtant que celui-ci ne se réveillerait pas.
Bordel, faut toujours qu'vous trouviez une excuse pour vous faire porter vous, z'êtes fatiguant à la fin. Et me dites pas qu'vous faites pas exprès hein! Et vous pourriez répondre quand j'vous parle nanmého. J'vous préviens s'la dernière fois hein, et z'aurez intérêt à l'faire savoir à Rome à quel point j'suis conciliant d'abord!
Et, ce disant, Lotx attrapa les deux bras du vieil homme dans l'idée de la traîner vers Lisieux jusqu'à la première auberge ou maisonnette qu'il trouverait... Ouais, le sol était cahoteux et le vieux grec y laisserait sûrement sa bure.
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Pasque y a pas que les poneys dans la vie d'abord: l'hymne de Lotx