A tous ceux qui liront ces lettres, salut et que la bénédiction de Deos et ses prophètes soient sur vous
LEmpereur assiège aujourdhui Genève.
Il argue faussement dune agression surprise, belliqueuse et religieuse de Genève envers la Savoie, quand le Phare de lAristotélicité réclamait depuis longtemps la fin des proscriptions iniques de la Savoie qui abattait à vue les honnêtes combourgeois genevois. Quand la diplomatie genevoise se démenait comme diable en eau bénite pour négocier avec les paranoïaques noblions de Savoie, qui confondent marchands de poissons et chevaliers-brigands.
Lempereur, sous la dictée de Victor de Cernex, a déclaré qu'il destituerait tous les nobles de l'empire qui ne prendraient pas part à la libération de la Savoie. Que voilà belle conception des libertés germaniques !
En outre, ses armées sont donc payées par les impôts des paysans, artisans et notables des villes dEmpire, pour lui permettre dêtre le conquérant quil croit être.
Outre appauvrir ses sujets, il les mène donc à la boucherie face à linfanterie la plus redoutable du continent pour profiter de son nouveau jouet, mais aussi piller et rançonner la Confédération sous prétexte fallacieux.
Armoria, princesse vanillée française, assiège Annecy vaillamment prise par larmée genevoise il y a trois semaines. Armoria, qui avait déjà humiliée lEmpire lors de sa précédente prétendue croisade lan passée, où pour paraît-il sauver le Béarn elle attaquait une Genève sans défense en foulant aux pieds les libertés germaniques avant daller ravager la Provence dune guerre de six mois.
Pendant que le Béarn, malgré les menaces réitérées dexcommunication romaines, accédait avec bon sens aux demandes genevoises. Elle voyait aussitôt finir avec soulagement la guerre quelle avait provoquée.
La Savoie continue de pratiquer la seule diplomatie quelle connaisse : « Moi vois, moi tue ». Alors que les offres de négociations genevoises nont cessé à aucun moment, en vain hélas !
Que voyons-nous maintenant ?
Nous voyons les citoyens confédérés, aux frontières de leur patrie, défendant les terres que leurs familles ont cultivées depuis des temps immémoriaux. Je les vois qui protègent les foyers où lon prie, tous ensemble, pour le salut des êtres chers.
Nous voyons ces centaines de villages de la Confédération où les moyens de subsister sont tirés du sol avec tant de peine, mais où toutes les joies primordiales de lhomme nen existent pas moins, ces villages où les jeunes filles rient et où les enfants jouent.
Nous voyons qui savance vers eux, pour les massacrer, la machine de guerre impériale, avec ses élégants chevaliers saxons cliquetant et claquant des talons, avec ses experts en bûchers des OMR, excités à la perspective du pillage et de lasservissement dune douzaine de cantons. Je vois également la masse sinistre, abrutie, soumise et brutale de la soldatesque française qui sabat lourdement comme un essaim de sauterelles.
Il ne sagit pas de se battre pour Annecy ou de combattre pour Genève.
Nous nous battons pour préserver la Confédération, mais même lAristotélicité entière de cette peste quest la tyrannie, ici impériale, française et romaine, et pour défendre tout ce que lAristotélicien a de plus sacré.
Non, il ne sagit pas dune guerre pour la domination, pour lagrandissement de Genève ou pour un profit matériel, pour une cause religieuse ; il ne sagit pas dune guerre qui priverait une nation de sa lumière ou qui lécarterait du progrès, qui lui imposerait des convictions qui ne sont pas les siennes.
Il sagit, maintenant, et parce que les OMR, Armoria et lEmpereur interviennent au mépris de toute légitimité ou légalité, dune guerre destinée à établir, par notre résistance, sur des fondements inaltérables, les libertés de lAristotélicien, une guerre destinée à établir et restaurer la dignité de lAristotélicien.
Nous faisons face à la plus terrible des épreuves. Nous avons devant nous maints longs mois de lutte et de souffrance.
Vous demandez ce quest notre politique ? Je peux vous le dire : cest faire la guerre, sur mer, sur terre, par tous les moyens, avec toute la puissance et avec toute la force quil plaira à Deos de nous donner ; faire la guerre contre une tyrannie monstrueuse, sans égale dans le sinistre et lamentable catalogue du crime humain.
Vous me demandez quel est notre but ? Je vous réponds dun mot : la victoire, la victoire à tout prix, la victoire en dépit de toute terreur, aussi longue et difficile que puisse être la route, la victoire ; car sans victoire, il nest point de salut.
Seuls sil le faut, pendant des années sil le faut.
Nous réunissons des hommes et des femmes de tous duchés, de tous partis, de toutes opinions. Nous avons pu être en désaccord et nous opposer par le passé ; mais un même et unique lien nous unit à présent ; la volonté de conduire la guerre jusquà la victoire, et de ne jamais nous soumettre à la servitude ni à la honte, quels quen puisse être le prix et la souffrance.
Cette période est des plus terrifiantes. Cest également, sans doute aucun, la plus sublime. Côte à côte, sans autre renfort que celui de leurs amis et parents dans tous les cantons et dans les vastes duchés qui nous entourent ; les peuples de la Confédération et les Aristotéliciens libres, côte à côte, se portent lun lautre pour sauver, non seulement la Confédération, mais lAristotélicité toute entière de la tyrannie la plus infâme et la plus vile qui ait jamais obscurci et souillé les annales de lhistoire.
Des paroles ont été écrites pour appeler et encourager les fidèles serviteurs de la Vérité et de la Justice : « Armez-vous et soyez valeureux, et soyez prêts pour la bataille ; car mieux vaut périr au combat que de voir outrager notre nation et notre autel. Que la Volonté du Seigneur saccomplisse, sur la terre comme au ciel ».
Car nous ne faiblirons ni ne faillirons.
Nous tiendrons jusquau bout. Nous nous battrons en Annecy, à Genève. Nous nous battrons dans les étables et les jardins. Nous nous battrons dans les combes et les vallées avec une confiance et une force croissantes, nous défendrons notre cause quel quen soit le prix.
Nous nous battrons dans les prairies, nous nous battrons dans les forêts et dans les rues, nous nous battrons dans les maisons, dans les cuisines, dans les potages, dans les fromages, sous lorage, les nuages ou dans la neige, dans les marais et les pics alpins.
Nous ne nous rendrons jamais.
Et si ce que je ne crois pas un instant possible-, nous nous trouvions défaits, alors, nos amis au-delà des montagnes poursuivraient le combat jusquau moment choisi par Deos où ils obtiendraient enfin lobjet absolu de notre quête : le rétablissement des libertés, le signal tant attendu du retour à la paix grâce à notre victoire.
Tatoumi, avoyère de Genève.