Zeinar
[La même nuit, un autre regard.]
Limoges, aux premières heures d'un dimanche.
Pendant lamentablement à la poignée de porte sur laquelle ses doigts s'étaient accrochés au prix d'un bel effort, irrésistiblement attirée vers le bas Kat tenait bon, cherchant à actionner ce mécanisme tellement plus complexe qu'il n'y paraissait -surtout avinée comme l'était la flamande-.
Après sept tentatives infructueuses et la laborieuse recherche d'un engrenage mal maitrisé, le huitième coup de poignet fut le bon. A ce moment précis, très très inconsciemment ils surent tous deux où ils étaient, car le miracle qui venait de se jouer n'aurait pu voir le jour qu'à la porte de la maison de Dieu. La grâce divine avait frappé la flamande, s'était emparée de son bras jusqu'à ce que la porte claque, et l'on pouvait presque sentir sous ce clocher la présence bienveillante de Très Haut, soucieux d'aider les deux jeunes égarés - et inquiet pour sa porte qu'on aurait défoncé en peu de temps-.
Kat, emportée par une fougue qui la traine et l'entraine, qui l'élance et la danse dans une une folle farandole (*) .... finit par s'échouer vacillante contre l'épaule de Zeinar, car tout prodige ne dure qu'un temps.
L'histoire ne cessait de le prouver: c'était toujours dans les situations les plus inattendues que naissaient les idées de génie. Les plus pessimistes diraient plus simplement que l'alcool faisait faire n'importe quoi. Toujours est-il qu'ils eurent ce soir là la brillante inspiration de s'emmêler les bras, un coup dessus, un coup dessous, et de joindre leurs mains. Puisque Kat penchait à droite et Zeinar à gauche, l'un fit contrepoids à l'autre, et la stabilité s'instaura presque immédiatement. Ils évoluèrent ainsi quelques mètres en équilibre précaire, réussissant sans le savoir à former la toute première balance humaine pour éméchés du samedi soir.
Malheureusement le grain de sable enrailla la belle mécanique, un pouce glissa d'un index, et l'harmonie que bien des savants chercheraient à reformer des siècles plus tard se rompit.
Le maire prit l'avantage, l'édifice de leurs deux corps hésitants dévia de son côté gauche.
Même une soirée bien arrosée n'interrompait pas la flamande qui continuait de jacasser vers un brun aussi apte à comprendre sa marraine que s'il avait été sourd.
- Cétait une borne idée le crin qua ruminé l''oeuf thèque d'Eugène, cest du sucre épinard.
- Cette aile ment veau de pouvoir maire conscience sur des mulets aussi sans cibles que le bain de messe! Purin, jen chat le raie presque !
Le jeune homme se contentait d'acquiescer à tout ce que disait la flamande, tandis que dans sa tête se formaient de drôles de mots dont il ne comprendrait jamais la véritable signification. C'était quand même beau et surement très profond alors il prit le mouchoir pour s'essuyer les yeux, comme on faisait dans ces cas-là.
Bien aidés par l'alcool, ils se murent une poignée de secondes dans un silence solennel, se regardant en chiens de faïence comme se serait plu à dire l'amateur de céramiques s'il en avait eu le courage.
Puis ils débutèrent leur incroyable expédition au quartier riche, sur le versant nord d'une pente terriblement raide. Du moins c'est comme ça que Zeinar la percevait, gesticulant et couinant contre une Kat qui le forçait à descendre malgré ses protestations virulentes.
- J'ai le vertige! Lâche-moi eeeeuuhh. J'veux remonter au sommet, allons voir la neige Kat. On mangera les flocons qui tombent.
- Ne fais pas ta chochotte.
- Chochotte, chochotte ... oh, oh, oh, oh, OOOOOOOOHHHH, l'aut' hé !
Piqué dans son orgueil, le brun se laissa entrainer et suivit la flamande qui connaissait visiblement la bonne technique pour aborder les chemins escarpés, tournant à droite à gauche pour atténuer l'effet abrupt de la rampe. Bien sûr ils ne faisaient que tituber, mais dans le feu de l'action tout ceci semblait parfaitement stratégique.
Arrivés en bas, le gourmand Zeinar, féru de belles bâtisses comme il n'en possédait pas encore, cibla la grande demeure de son il vitreux mais néanmoins expert.
C'est là que les deux soiffard s'arrêtèrent pour se retrouver en face et face. Comme souvent, un défi à la noix mit le feu aux poudres. Ni l'un ni l'autre n'aimait perdre, chacun disposait d'une bonne dose de mauvaise foi, qui couplée à l'alcool devenait un poison.
Des animaux fabuleux qu'ils s'étaient promis de dessiner, il n'en virent jamais la pointe d'une corne.
Le monde féérique leur était toutefois ouvert, et une nouvelle page se tourna. Ils la réécrivirent comme ils se plaisaient à le faire et la princesse Raiponce fut mariée sur un bateau pirate avec Nev, le barbu flamand. Ainsi il s'échouèrent vers des contrées plus lointaines où les questions existentielles n'étaient jamais bien loin.
Enfin il levèrent les yeux au ciel pour s'accrocher au sept couleurs d'un arc-en-ciel.
Les débats passionnés auraient pu s'étendre encore longtemps si le propriétaire de l'habitation cossue n'était pas venu les déranger, leur rappelant soudainement ce qui les avait amené ici.
La décision se prit sans qu'ils eurent à se parler. L'échange d'un regard malintentionné suffit à déclencher le signal. A l'assaut !!
En un éclair ils ramassèrent leurs lourds parpaings, les envoyant se fracasser contre une vitre qui vola en éclats, impuissante face à la volonté coriace des deux buveurs.
Ils avaient gagné et s'envolèrent vers la dernière phase du plan: les gaufres.
Gais comme des pinsons ils chanteraient et danseraient leur victoire en se félicitant mille fois d'avoir été aussi inspirés. Et iraient s'offrir le luxe d'une récompense.
Zeinar demanderait discrètement au marchand de verser la quintuple dose de confiture sur la gaufre dégoulinant de sa marraine. Celle-ci s'en mettrait partout et prétexterait des alvéoles trouées ou l'incompétence du marchand.
Puis ils referaient la scène, se disputeraient verbalement le titre de meilleur lanceur de parpaings pour finir par reconnaitre à demi-mot que les deux tirs se valaient.
(*) : clin d'il assez pitoyable il faut bien le dire à la grande Edith Piaf. Pardon, j'ai honte.
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Limoges, aux premières heures d'un dimanche.
Pendant lamentablement à la poignée de porte sur laquelle ses doigts s'étaient accrochés au prix d'un bel effort, irrésistiblement attirée vers le bas Kat tenait bon, cherchant à actionner ce mécanisme tellement plus complexe qu'il n'y paraissait -surtout avinée comme l'était la flamande-.
Après sept tentatives infructueuses et la laborieuse recherche d'un engrenage mal maitrisé, le huitième coup de poignet fut le bon. A ce moment précis, très très inconsciemment ils surent tous deux où ils étaient, car le miracle qui venait de se jouer n'aurait pu voir le jour qu'à la porte de la maison de Dieu. La grâce divine avait frappé la flamande, s'était emparée de son bras jusqu'à ce que la porte claque, et l'on pouvait presque sentir sous ce clocher la présence bienveillante de Très Haut, soucieux d'aider les deux jeunes égarés - et inquiet pour sa porte qu'on aurait défoncé en peu de temps-.
Kat, emportée par une fougue qui la traine et l'entraine, qui l'élance et la danse dans une une folle farandole (*) .... finit par s'échouer vacillante contre l'épaule de Zeinar, car tout prodige ne dure qu'un temps.
L'histoire ne cessait de le prouver: c'était toujours dans les situations les plus inattendues que naissaient les idées de génie. Les plus pessimistes diraient plus simplement que l'alcool faisait faire n'importe quoi. Toujours est-il qu'ils eurent ce soir là la brillante inspiration de s'emmêler les bras, un coup dessus, un coup dessous, et de joindre leurs mains. Puisque Kat penchait à droite et Zeinar à gauche, l'un fit contrepoids à l'autre, et la stabilité s'instaura presque immédiatement. Ils évoluèrent ainsi quelques mètres en équilibre précaire, réussissant sans le savoir à former la toute première balance humaine pour éméchés du samedi soir.
Malheureusement le grain de sable enrailla la belle mécanique, un pouce glissa d'un index, et l'harmonie que bien des savants chercheraient à reformer des siècles plus tard se rompit.
Le maire prit l'avantage, l'édifice de leurs deux corps hésitants dévia de son côté gauche.
Même une soirée bien arrosée n'interrompait pas la flamande qui continuait de jacasser vers un brun aussi apte à comprendre sa marraine que s'il avait été sourd.
- Cétait une borne idée le crin qua ruminé l''oeuf thèque d'Eugène, cest du sucre épinard.
- Cette aile ment veau de pouvoir maire conscience sur des mulets aussi sans cibles que le bain de messe! Purin, jen chat le raie presque !
Le jeune homme se contentait d'acquiescer à tout ce que disait la flamande, tandis que dans sa tête se formaient de drôles de mots dont il ne comprendrait jamais la véritable signification. C'était quand même beau et surement très profond alors il prit le mouchoir pour s'essuyer les yeux, comme on faisait dans ces cas-là.
Bien aidés par l'alcool, ils se murent une poignée de secondes dans un silence solennel, se regardant en chiens de faïence comme se serait plu à dire l'amateur de céramiques s'il en avait eu le courage.
Puis ils débutèrent leur incroyable expédition au quartier riche, sur le versant nord d'une pente terriblement raide. Du moins c'est comme ça que Zeinar la percevait, gesticulant et couinant contre une Kat qui le forçait à descendre malgré ses protestations virulentes.
- J'ai le vertige! Lâche-moi eeeeuuhh. J'veux remonter au sommet, allons voir la neige Kat. On mangera les flocons qui tombent.
- Ne fais pas ta chochotte.
- Chochotte, chochotte ... oh, oh, oh, oh, OOOOOOOOHHHH, l'aut' hé !
Piqué dans son orgueil, le brun se laissa entrainer et suivit la flamande qui connaissait visiblement la bonne technique pour aborder les chemins escarpés, tournant à droite à gauche pour atténuer l'effet abrupt de la rampe. Bien sûr ils ne faisaient que tituber, mais dans le feu de l'action tout ceci semblait parfaitement stratégique.
Arrivés en bas, le gourmand Zeinar, féru de belles bâtisses comme il n'en possédait pas encore, cibla la grande demeure de son il vitreux mais néanmoins expert.
C'est là que les deux soiffard s'arrêtèrent pour se retrouver en face et face. Comme souvent, un défi à la noix mit le feu aux poudres. Ni l'un ni l'autre n'aimait perdre, chacun disposait d'une bonne dose de mauvaise foi, qui couplée à l'alcool devenait un poison.
Des animaux fabuleux qu'ils s'étaient promis de dessiner, il n'en virent jamais la pointe d'une corne.
Le monde féérique leur était toutefois ouvert, et une nouvelle page se tourna. Ils la réécrivirent comme ils se plaisaient à le faire et la princesse Raiponce fut mariée sur un bateau pirate avec Nev, le barbu flamand. Ainsi il s'échouèrent vers des contrées plus lointaines où les questions existentielles n'étaient jamais bien loin.
Enfin il levèrent les yeux au ciel pour s'accrocher au sept couleurs d'un arc-en-ciel.
Les débats passionnés auraient pu s'étendre encore longtemps si le propriétaire de l'habitation cossue n'était pas venu les déranger, leur rappelant soudainement ce qui les avait amené ici.
La décision se prit sans qu'ils eurent à se parler. L'échange d'un regard malintentionné suffit à déclencher le signal. A l'assaut !!
En un éclair ils ramassèrent leurs lourds parpaings, les envoyant se fracasser contre une vitre qui vola en éclats, impuissante face à la volonté coriace des deux buveurs.
Ils avaient gagné et s'envolèrent vers la dernière phase du plan: les gaufres.
Gais comme des pinsons ils chanteraient et danseraient leur victoire en se félicitant mille fois d'avoir été aussi inspirés. Et iraient s'offrir le luxe d'une récompense.
Zeinar demanderait discrètement au marchand de verser la quintuple dose de confiture sur la gaufre dégoulinant de sa marraine. Celle-ci s'en mettrait partout et prétexterait des alvéoles trouées ou l'incompétence du marchand.
Puis ils referaient la scène, se disputeraient verbalement le titre de meilleur lanceur de parpaings pour finir par reconnaitre à demi-mot que les deux tirs se valaient.
(*) : clin d'il assez pitoyable il faut bien le dire à la grande Edith Piaf. Pardon, j'ai honte.
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