Aelig
Et tandis que succédaient au combat au corps à corps, le tir aux pigeons et le sauciflard, Aelig, lui, essayait de reconnecter, étourdi par la confusion, le vacarme et l'odeur du sang.
-Où suis-je ?
- Sur ma main !
-Ah ! pardon...
- Y a pas dmal...
Deuxième bataille pour notre jeune combattant, toujours pas mort précocement du reste. La première fut le siège de Craon en Anjou lannée dernière et le point commun avec celle-ci est qu'il fut aussi utile qu'un fer à cheval à une laie. A se demander comment il sétait débrouillé avec le Raoul pour se faire ratiboiser aux portes de Gênes alors qu'ils musardaient sur les chemins de Rome et de la dolce vita.
Et de bataille, alors que le soir se pointait et le loup mordait la queue du chien, l'ambiance en était à sa fin.
La déculottée fut de mise pour nos calottés culottés, et cavalerie lourde en partie étrillée, battit retraite.
Au loin, on pouvait entendre les mugissements sauvages des cors des Alpes sonner l'hallali et se répondre en échos dans les vallées, tandis qu'au même moment de nouvelles forces déboulèrent à quelques lieues en aval pour tenter de prendre à revers les restes de l'Armée Memento, bousculant au passage trois-quatre promeneurs à la réputation sulfureuse qui avaient eu l'idée ingénue de passer par là au même moment.
Mais revenons aux portes de Sion, si vous le voulez bien. Le sol était jonché de cadavres, de chevaux tués et pardon pour les amis de lequus caballus de ce triste état des choses. Des hommes et femmes gisaient à terre, ici épars comme des arbres abattus, là en lignes ordonnées comme des rangées d'épis fauchés.
La lune, qui s'était levée, éclairait distinctement leurs faces livides ou ensanglantées, leurs équipements souillés de boue, maculés de taches rouges. Les armes tombées de leurs mains scintillaient.
Au milieu des râles des mourants, des gémissements des blessés, on entendait, à de courts intervalles, un cri rauque comme étouffé. C'était quelque soldat qu'un pilleur assommait pour lui voler sa bourse ou notre infirmière-chef Hilde qui avait rempilé pour l'occasion. Il était du reste difficile de la discerner du pilleur au cri des mourants.
- Quel bazar
Certaines personnes adeptes de la discipline martiale et de l'ordre critiqueront le joyeux foutoir et le mélange fantaisiste le plus total laissé par l'Armée du Bonheur, cela au milieu des corbeaux qui se marraient entre eux, alors que le plus lourd tribut fut porté par les ambuleurs qui se ramassaient à la pelle. Nous saluerons aussi le dévouement de ceux qui, anonymes, tombèrent sur le champs d'honneur...
- C'est à cause de L'avant-garde. Elle a été trop lente. C'est c' qui a transformé l'avant garde en arrière-garde. Comprenez?
Commenta un commentateur. Il était aussi tacticien amateur. Les dimanches surtout.
- Quelles sont les pertes ?
- 80, à la louche.
- 80 parfait ! A moins de 100 % les pertes sont relatives !
Vous excuserez ces étranges résultats qui dépassaient de loin toute notion de calculs voir même la totalité des soldats engagés. Mais c'était pour la légende. Et d'aucun vous diront que les légendes prenaient quelques libertés avec la réalité, sinon qui croirait qu'un jour les Ambuleurs sauvèrent une princesse de sang royale à l'aide d'un dragon et pour qui le Raoul follement épris, composait des poèmes à l'envers.
- Et que fait on dEsclandres ?
- Fermez lui la bouche ! Ça va attirer les mouches.
-Et Benedict ?
- Un arrêt de travail pour 10 jours.
- Raoul ?
- Il a été blessé Raoul ?
- Oui, un creux à lestomac, Mais il se soigne. Lastreaumont aussi.
- Lastreaumont mange aussi ?
- Non, Lastreaumont pisse le sang. Remarquez, il reste dans le ton de son chapeau.
-Dautres ?
- Il y a Barth, il est allongé là bas.
- Il est mort?
- Non, il sest assoupi avant les combats de peur de ne plus avoir le temps de faire la sieste durant.
Puis il y a Maria...
Maria !
Et chers lecteurs, pardonnez cette redondance avec le dernier post, car il est difficile de reprendre le fil après une telle digression. Et à parler de narcoleptique, Maria était douée également pour toujours roupiller dans des coins insolites, mais cette fois ci, là où il y avait de la passion, de l'entrain, de la joie à la simple évocation de ce nom, ce jour là, c'était plutôt du tremolo dans la voix.
Et Aelig, lâchant ses armes accouru pour se porter vers sa belle à genoux.
-Nom de Déos ! Dans quelle douloureuse épreuve m'envoies tu encore ?
Il l'a prit dans ses bras, ça saignait beaucoup sous l'épaule, mais il sentit un mince souffle de vie encore sortir de sa bouche. Et à force de se croiser, de se recroiser et se décroiser, cette fois-ci ce sont les croisés qui a coup de décharge, recroisèrent nos deux âmes soeurs. Il la touchait enfin, prenant conscience de son corps. Il approcha la tête de l'oreille et lui susurra :
Façonnons enfin notre histoire, chère castillane.
Le temps passe si vite.
Rien n'est plus beau que ce bonheur, animer d'un seul désir
Et nous iront le clamer, c'est une chance de t'avoir et d'aimer
Kidnappe mon coeur à jamais...
-M'enfin il y a t'il un Medicastre dans le coin !
-Je me meurs...
_________________