Babette
Je décline toute responsabilité pour ce jeu de mots moisi que j'ai choisi pour titre et vous prie d'accepter mes excuses.
[Gueule de bois]
La lumière lagresse Violente, inquisitrice, elle se glisse sous les paupières, titillant la pupille, lançant le cerveau, E a mal, grogne, se retourne. Et tombe ce faisant sur un parquet poisseux. Levant une paupière, E rive lil encore endormi sur trois taches carmines qui non seulement maculent le sol mais agressent la narine, empestant la vinasse.
Dailleurs ya pas que ces taches qui puent E toute entière respire le vin. Ce qui explique la chape de plomb sur ses sourcils, le mal de crane, la langue pateuse, lhaleine de chien mort depuis trois jours et la vague nausée qui sempare delle. En revanche, ça nexplique pas les douleurs aux épaules, au dos et aux jambes .
Dans un effort surhumain, la Lettre se redresse sur un coude. Et tente de situer où elle se trouve. Les mirettes clignent, elle essaie de faire le point. Dans les brumes éthyliques qui lentourent encore, elle comprend quelle nest pas dans son lit, sen étonne. A côté delle une grosse forme la toise, quelle identifie après quelque effort mental comme un tonneau
ce qui explique les taches de vin près delle .
Quelques cadavres de bouteilles trainent ça et là, quelques souvenirs remontent en caboche. Elle ssouvient sêtre pris une cuite monstrueuse. Avoir bu jusquà plus soif. Et elle comprend mieux pourquoi elle a mal partout .
E sest endormie au petit matin, un bras autour de son meilleur ami le tonneau, une bouteille dans sa main libre, et navait pas bougé avant son réveil agressif. Saleté de soleil Toujours à briller les mauvais jours. Pouvait pas pleuvoir non ? Quelle puisse cuver tranquille
Avec une volonté de fer, elle rampe difficilement jusquau lit. Défait. Elle sy hisse et telle la croute moyenne, sy roule en boule pour terminer sa nuit, dans une odeur qui nest pas la sienne. Maintenant elle se souvient. Et aurait préféré que lalcool efface pour elle cette soirée. Plusieurs informations essentielles lui ont été communiquées, de certaines qui la pousseraient à crier et tempêter. Dautres qui lamènent à faire la seule chose possible
Reprendre la route. Trop longtemps maintenant quelle est ici, et elle sait désormais que toute illusion a sa fin. Caura été un joli mirage, mais ça naura été quun mirage. Il est lheure de faire ce quelle fait de mieux : voyager. Se promener sur les nuds, visiter les coins perdus, les poches des passants et retrouver la douce insouciance avec laquelle elle avait posé un pied à Limoges. Elle naurait pas du rester, elle lavait su, elle avait oublié. On ne ly reprendra pas.
Les yeux se referment, elle se rendort. Pas de rêve pour celle qui cuve, rien que le noir apaisant dun sommeil de plomb.
[Bien plus tard dans la journée]
Second réveil. Le crépuscule qui doucement sétend sur la campagne limousine le rend moins difficile que le premier. E sassied sur son lit, en repousse du pied les draps jusquà les faire tomber. Elle regarde le capharnaüm qui règne, et hausse une épaule. E sen fiche désormais. Pas elle qui rangera, et que pourrissent les vivres et autres provisions .
Elle avise sa besace dans un coin, son balluchon dans un autre. Esquisse un sourire fatigué, et se rappelle de sa décision. Il est lheure décrire et de mentir. Après tout, ça, elle sait faire. Dun pas las, elle va chercher son matos et sort une vieille plume défraichie, un pot dencre presque sèche et quelques torchons qui avaient été des parchemins dans une vie antérieure de sa besace.
Revenue sur le lit, elle se met à la tâche, et gratte activement de la plume. Autant en finir vite. Yaura le balluchon à préparer ensuite, T à prévenir aussi, et puis vérifier litinéraire.
A la Rien qui vaut Tout,
A la Belle dentre toutes,
A celle à qui à jamais jappartiens,
A ma Suze-Reyne,
A Alda Arégonde,
Le bon jour,
Je ne te croise pas depuis quelques jours, il ne me reste donc plus que cette extrémité impersonnelle pour tannoncer que je dois absolument rejoindre mon père. Je pars donc dès que possible vers lui, et comme je ne pense pas te revoir avant mon départ
Ne tinquiète pas, je prends la route avec T, je ne risque rien tant quil naura pas croisé une gironde paysanne pour laquelle il me laissera en plan. Et puis jai lhabitude.
Prends soin de toi. Et sache que si javais pu rester, tu aurais droit à une sacrée remontrance de ma part. Voire même deux ou trois. Tu ne paies rien attendre, tu y auras droit à mon retour. En attendant, si tu maimes ne serait ce quun peu, tu vas me retirer ce cilice. Je te jure que si japprends quaprès cette lettre tu as continué à le mettre, je ne reviens pas, mais je paie des gens pour te foutre la raclée de ta vie. Là tu comprendras quavoir mal physiquement na jamais arrangé quoi que ce soit de spirituel. Et cest une promesse, Alda.
Il me reste bien des choses à préparer
Sache que je penserai à toi, et que je te suis reconnaissante pour tout ce que tu mas apporté.
E.
Et de une la plus difficile.
T,
Soyez demain à la sortie nord de la ville.
Nous partons. Et namenez pas Django, ou il composera notre premier diner.
E.
Après avoir roulé celle-ci, elle en envisage une autre
Zeinar,
Mon père mappelle près de lui, et je
Elle ne la finira pas. Assez de mensonges pour la journée. Quant à la dernière E repousse même léventualité de la commencer. Parfois, le silence a du bon. Labsence aussi. La nuit est tombée et elle souffle sur la bougie allumée un peu plus tôt. Dans une relative obscurité, elle embarque ses courriers, pose une cape sur ses épaules afin de masquer létat pitoyable de sa robe, rabat la capuche sur sa tignasse échevelée, et sen va vers le pigeonnier.
Demain elle sera partie.
Un jour elle reviendra
Menteuse.
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