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[RP] Confidences sur l'oreiller

Jehanne_elissa
Une auberge sur les routes de Bourgogne. La nuit est déjà bien avancée et le ciel est d’encre. Les nuages dansent avec la lune, jouent un jeu qu’ils aiment, ils se cherchent, ils se trouvent, ils la masquent, ils la dévoilent, belle et ronde, aux yeux des badauds et des gens ne trouvant le sommeil. L’hiver est là et l’hiver est froid un léger vent fait bruisser les feuilles, spectatrices du jeu de séduction entre les habitants de ce grand ciel noir. La campagne dort elle aussi, des chevaux montés par des cavaliers vêtus de couleurs sombres passent à proximité de l’auberge réveillant certainement de pauvres lapins. Pauvres lapins qui dormaient paisiblement… Et oui, c’est le genre de chose que peut penser la Goupil au beau milieu de la nuit.

Elles étaient arrivées depuis peu avec leurs compagnons de voyage, elles avaient trouvé du monde connu et chérit aux abords de Châlons mais continuaient leur route : l’objectif restait les terres de Malpertius. Pour la première fois la Volpilhat allait découvrir ses terres Bourguignones et plus les jours passaient, plus leur convoi avalait les kilomètres, plus elle était pressée, impatiente. L’histoire des Volpilhat était née ici, dans cet écrin qu’est la Bourgogne, en ces terres, en cette Baronnie qui était presque autant évocatrice de ses origines que ses cheveux roux. Elle qui depuis aussi loin que remontent ses souvenirs avait fait de son nom et de son héritage les pierres angulaires de sa vie allait enfin mettre ses petits pieds fins au cœur même de son histoire. Et ça la ronge, ça la ronge, ça l’habite ! Elle voudrait déjà y être, elle est autant excitée que pour le couronnement de la Reine, autant excitée que pour le début des festivités passées à Cauvisson. D’ailleurs peut-être qu’elle pourrait y organiser des festivités, ici aussi, une fois habituée aux lieux… Non, non, ce n’est pas l’heure de penser à ça. Elle ferme les yeux. Il faut dormir.

De nouveaux cavaliers font une embardée près de l’auberge. Elle ouvre les yeux. Ils ne l’ont pas réveillée non elle est excitée comme une puce nous l’avons dit, tellement que le sommeil la boude. Ils seront un prétexte quand l’on s’inquiétera au matin de ses cernes qui s’accentuent de jours en jours elle dira que les routes de Bourgogne sont trop empruntées la nuit et que les voyageurs sont la cause de son mauvais sommeil ; et pour s’excuser de ce mensonge auprès de ces gens qu’elle ne connaît pas elle ira prier ensuite, peut-être même qu’elle sautera un repas pour faire don de nourriture aux pauvres. Un soupir vient troubler le calme de la chambre, elle se tourne brusquement sur le côté avant d’arrêter son mouvement d’un coup sec. Elle avait presque oublié, perdue dans les pensées dévergondées et exubérantes de l’insomnie, qu’elle dormait avec son amie. Peu de chambres. Elle aurait pu se vexer et s’énerver, mais non, bien sur que non, plus qu’une Vicomtesse elle est une adolescente qui ne voit que trop peu sa meilleure amie en ce moment.

Et à y bien penser cela faisait maintenant un beaucoup trop long moment que les deux jeunes filles n’arrivaient à passer du temps ensemble. Avant c’était jamais l’une sans l’autre, toujours fourrées au même endroit au même instant, l’une à côté de l’autre, presque siamoises et les séparer ne serait-ce qu’une journée provoquait un vrai drame. Mais ça, c’était avant. Quand avaient-elles commencé à passer moins de temps ensemble ? Elle fronce les sourcils. Eilinn avait maintenant des obligations à Paris et puis le temps avait fait son œuvre tout simplement : elles grandissaient donc vaquaient, chacune de leur côté, aux occupations dont elles voulaient faire leur vie. Rien de grave en ça… La tête se tourne furtivement vers son amie. Le cœur de la jeune Goupil se serre à la vue des cheveux noirs balayant ses azurs paisiblement fermés : même si elles étaient moins souvent ensemble elle aimait toujours Eilinn, si ce n’est plus qu’avant encore.

Non, la vie avait simplement suivi son cours et la distance n’abimait en rien son amitié. En cherchant bien elle pouvait voir des raisons aux changements. La mort d’Aléanore avait put être une légère rupture. La violence de la scène, la violence des images, l’odeur de sang et surtout le mensonge qui avait précédé cette mort avait été une blessure pour chacune d’elles, renforçant les caractères, rendant plus affreuse encore réalité, la vraie vie qui n’était pas le monde dans lequel vivait Jehanne Elissa. Peut-être que la jeune Goupil s’était aussi, sans le vouloir mais par protection tout ce qu’il y a de plus animale, retranchée, éloignée, après avoir appris que son père n’était pas mort. Peut-être oui, certainement même, elle avait passé un bon mois cloîtrée à Cauvisson. Elle soupire et regarde à nouveau la lumière de la lune qui filtre dans la chambre.

Elle déglutit. Ou alors tout était entièrement sa faute. En acceptant, à la fin des festivités de Cauvisson, l’engagement auprès du Comte de Scye elle avait rompu le lien qui les rendait indissociables, elle avait été la première à les éloigner et… Oh ventre qui se serre, oh nœud dans la gorge. C’était sa faute ! Oh depuis combien de temps voulait-elle en parler à son amie ? Elle se redresse et s’assoit sur le lit. Non pas maintenant, c’est le milieu de la nuit, tu as assez attendu un jour de plus ne sera pas si grave… Mais si c’était ça. Si c’était ça la raison ? Elle se mord nerveusement la lèvre inférieure. Elle est comme ça la rouquine, elle doit faire les choses, elle est comme ça, elle a déjà trop attendu, repoussant à un moment propice, à un moment d’intimité. Mais là elle le sent, elle ne peut plus. Elle n’a jamais vraiment du faire preuve de patience au fond c’est là le problème des jeunes ayant grandit dans une certaine facilité. Mais ne serait-ce pas terriblement égoïste de briser le sommeil de son amie pour vider son sac chose qu’elle seule avait repoussé ? Devait-elle lui faire payer sa lâcheté ? La tête se penche vers la droite et elle regarde son amie. Son visage se tord en une étrange grimace comme si elle se préparait à recevoir un coup de coussin ou une remarque cinglante, après tout, ça serait mérité.


- « Eilinn ? Tu dors ? »
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Eilinn_melani
Le périple bourguignon se poursuivait. Eilinn se laissait vivre au rythme imposé par son amie, appréciant de ne pas décider de son emploi du temps, ni d'avoir à organiser les choses. Elle profitait de ces instants d'ennui pour rêvasser, ou simplement ne pas penser. Oublier le Louvre, oublier Noirlac, regarder les paysages défiler.
Oublier un instant que les chimères de l'enfance se délitaient, et que bientôt elle serait adulte.

Les étapes s'enchainaient et se ressemblaient le plus souvent, et parfois il fallait faire avec les contraintes. Ce jour-là, la répartition des chambres s'était faite pour pallier au mieux le manque de place, Eilinn dormant avec Jehanne Elissa, Alice avec la gouvernante Narcisse. La soirée avait ressemblé au passé, les deux jeunes filles piaillant, narrant des histoires farfelues, des ragots parisiens que même la pire feuille de choux n'aurait pas osé écrire, avant qu'il ne soit l'heure de dormir.

A quoi ressemble le sommeil d'une adolescente ? Le corps, bouleversé par la tempête hormonale, et le cerveau tentant de garder une stabilité toute précaire dans la psyché perturbée d'Eilinn, donnaient des nuits sans rêves, ou la jeune fille se relevait parfois plus épuisée qu'au coucher. Mais cela en gênait pas plus que cela la jeune fille. Les rêves d'Eilinn lui réservant parfois des surprises, et beaucoup de cauchemars.


- « Eilinn ? Tu dors ? »

La jeune fille ouvrit les yeux, grognant de mécontentement. La silhouette se découpait dans la nuit devant elle, allongée, une main caressant les cheveux courts, trop courts, malmenés pour accentuer l'aspect androgyne de la Salamandre. Un instant rendue confuse par le réveil inattendu, Eilinn mit un instant à reconnaitre la femme qui venait de la réveiller.

- Mère ?
- Eilinn, écoute-moi !
L'étreinte maternelle se fit plus chaleureuse, et Eilinn, un instant enveloppée par la peau maternelle, sentit le parfum de la fleur d'oranger que sa mère portait. C'était un de ces doux instant de bonheur, comme lorsqu'on évoque un souvenir agréable, comme pour la madeleine de Proust.
- Mère, vous me manquez tant.
La voix rauque de la Vicomtesse d'Avize susurra à l'oreille de sa fille quelques mots, comme semblant pressée par le temps.
- Eilinn, c'est important, c'est à propos de la fibule à la rose.
- Quoi ? Qu'est-ce ?
- Retrouve la ! C'est important. C'est important. C'est important...

- « Eilinn ? Tu dors ? »

Eilinn ouvrit les yeux d'un coup, et distingua dans la clarté lunaire son amie, redressée sur le lit. Désorientée par ce qui venait de se passer, elle mit un instant à se redresser aussi, se frottant les yeux.

- Jehanne ? Qu'est ce qui se passe ?

Quelle mouche piquait son amie pour la tirer de son sommeil en pleine nuit ?
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Jehanne_elissa
Toujours avec cette drôle de grimace et les yeux légèrement plissés elle guettait les réactions d’Eilinn. Au départ rien et elle en fut presque surprise. Comme si Eilinn devait se réveiller comme une fleur, fraîche et dispo dans la seconde même. Puis il y eu des changements : son amie se recroquevilla un peu, se serra en position de fœtus et plongea sa tête dans l’oreiller comme si c’était devenu l’endroit le plus agréable du monde, comme un enfant le ferrait sur le sein d’une mère. Étaient-ce là des mouvements pouvant annoncer un réveil imminent ? En tout cas ça encouragea la Goupil et elle récidiva donc à lui demander si elle dormait et là, là, PAF, les yeux de son amie s’ouvrent.

Un sourire doux vient alors barrer le visage de la jeune Vicomtesse. Le visage tout chiffonné, les yeux gonflés de sommeil mais rivés sur elle, pas de doute elle était réveillée. La main droite de Jehanne vient alors serrer une des mains de son amie, comme pour s’excuser de ce réveil brutal, puis elle se redresse pour s’asseoir en tailleur, prenant soin de poser la couverture sur ses jambes nues. Voila la position parfaite pour une discussion nocturne entre pucelles non ? Oui, oui, certainement. Bon. Hum. Maintenant que le mal est fait par ou commencer ? La crainte revient et le ventre se serre à nouveau. Ah non non non on ne recule plus ! Elle a les yeux ouverts, tu l’as dérangée alors c’est pour de bon. Une grande inspiration, on remplit ses poumons d’air, on fait circuler le sang vers le cerveau, on ouvre la bouche, on lui donne la forme pour articuler les syllabes à venir et…


- « Je-mmmhpf.

Oh quelle est mauvaise. Oh qu’elle se déteste en cet instant ! La jeune Goupil qui n’est qu’une ado rappelons-le ne peut réagir, face à ce fiasco d'éloquence, que comme une ado. Alors que fait –elle ? Elle se recouche sur le dos et dans un autre grognement remonte la couverture par-dessus sa tête. Et bien on est mal parties ! Quelques instants passent comme ça ou un spectateur n’ayant pas accès au bazar sous les cheveux roux peut penser qu’elle compte les fibres du tissus, essaie d’évaluer combien de laine a été utilisée et combien de temps a pris le tissage de cette couverture pour en calculer le coût de production exact hors TVA. Mais quand, comme la narratrice –balèze- on a accès à ce qu’il se passe en dessous de la tignasse… Ma parole, c’est un vrai champ de bataille !

Pourquoi se sent-elle si mal ? Allons, on ne va pas vous faire croire que c’est seulement car elle a troublé le sommeil de son amie. Il y a bien plus profond là dedans, bien plus compliqué, bien plus retors, des raisons existentielles même ! Des raisons d’ado. Et oui, adolescente, parler, c’est moins facile qu’avant. D’autant plus sur ce sujet, le sujet « mariage » lui met le feu aux joues et met ses hormones de jeune femme sans dessus ET provoque des questions ô combien gênantes du genre « comment on embrasse ? », « comment on fait des bébés ?» ou alors la variante « c’est comment le corps d’un garçon ? ». Surtout qu’elle le sait, ça va devenir une discussion de grandes et même si Eilinn devait être la personne qui la connaît le mieux… Se montrer aux antipodes de la légèreté face à elle la dérange. Et si c’était ça, l’idée ? Et si pour que se soit plus simple il n’y avait juste à… Ne pas être en face ?

La main gauche de la Goupil sors de sa cachette et attrape le bras d’Eilinn pour lui indiquer de venir là-dessous. Elle hésite à se mettre sur le côté mais non, ça saboterait son super plan « ne pas être en face ». Alors en attendant que son amie la rejoigne elle ferme les yeux sous les draps, serre les poings, inspire et… Oui, elle se lance !


- « Je suis désolée de t’avoir réveillée Eilinn. Vraiment désolée mais d’un côté j’ai vraiment besoin de te parler. Tu sais je repousse depuis longtemps car nous nous voyons moins donc chaque fois que l’on se retrouve je veux que se soit une fête et une fête n’est pas une fête lorsque des sujets trop importants sont abordés et puis j’ai peur que tu prennes mal ce dont je veux te parler, j’ai peur que le sujet soit délicat car on ne l’a jamais vraiment abordé et puis toi tu es parfois si mûre et moi si enfant encore j’ai peur tu sais et…

Et si tu respirais, Jehanne Elissa ? Ah la pudeur adolescente… Alors qu’avant on gambadait à demi nu dans les couloirs d’un château, montrer un bout de jambe à cette âge devient extrêmement gênant. Alors qu’avant elle criait à tue tête tout son amour universel maintenant elle avait un peu plus de mal. Et surtout, surtout, à cet âge là on découvre de nouveaux problèmes mais le majeur de notre petite Vicomtesse restait sans aucun doute : je ne veux pas grandir mais c’est pas facile. Et cette discussion devait être mature… Prenant son courage à deux mains elle se retourne sous la couverture pour faire face à son amie.

- « Quand Actarius cessera d’aller faire la guerre ça et là, quand Tante Pol sera de retour dans le même monde que nous et quand Cristol sera aussi disponible, je vais me faire baptiser. Et après ce baptême je pourrais… Je pourrais dev… Devenir l’épouse du Comte de Scye. Ça va faire quelques… Quelques changements. Et j’aimerais bien qu’on en parle. Tu veux ? »
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Eilinn_melani
Peut-être un peu agacée par le fait d'être réveillée en pleine nuit, Eilinn poussa un soupir en voyant Jehanne Elissa se réfugier sous les draps. C'était quoi le souci ?!? Hop elle la réveille, puis elle se recouche aussitôt ?!? C'était un coup à lui balancer une bassine d'eau sur la tête une nuit prochaine en vengeance. Mais Eilinn se contenta seulement de ronchonner un peu au passage, elle était rarement de bonne humeur au réveil.

Naaan mais Jehanne Elissa c'est pas drôleuh...

Le bras de la rouquine vint alors taquiner son épaule, semblant dire "viens là-dessous". En soupirant à nouveau, Eilinn se glissa sous les couvertures, se demandant ce qui se passait. Une fois réinstallée, et luttant contre le sommeil quand même un peu, son amie cracha le morceau.

Et quel morceau, mazette ! ça expliquait pourquoi la rouquine ne dormait pas si elle se torturait en pleine nuit sur tout ça. Eilinn retint encore un soupir, car ça en faisait quand même beaucoup en un laps de temps assez court, et réfléchit un instant.
Choix 1 : avoir pitié du sommeil de son amie et accepter de taper la causette.
Choix 2 : se rendormir et laisser Jehanne Elissa se taper des méga-cernes demain.
Le choix était rude, mais il était difficile à Eilinn de refuser quelque chose à la Volpilhat. Elle répondit d'abord par une pointe d'humour pour désamorcer la situation.


Je suis pas plus mûre que toi... Peut-être un peu coquelicot, mais surtout framboise en fait...

La phrase était pleine de sous-entendus, mais il n'était pas certain que Jehanne les comprenne, ce qui n'était pas vraiment important.

Je sais que tu vas te marier avec le comte de Scye... Oui ça fera des changements... Mais on n'y peut rien. Peut-être que moi aussi je vais me retrouver à devoir me marier si Rhân trouve un soupirant qui lui convienne. Et on y pourra rien non plus.

Je me suis fait une raison...
Et pour des tas de choses tu sais. Mais c'est trop long à énumérer à cette heure-là !

Et bon, il ne pourra pas m'empêcher de venir te voir, et inversement...

Tu crois quand même pas que tu vas te débarrasser de moi aussi facilement ?


Il y avait un sourire dans cette dernière phrase, tout comme sous les draps, dans le noir, Eilinn souriait.
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Jehanne_elissa
Malgré elle, malgré le sérieux qu’elle s’imposait pour cette discussion hautement importante un sourire vint étirer sa bouche imparfaite : voila que la réponse d’Eilinn prenait des tours culinaires ! A vrai dire s’il fallait en ce sens elle n’était pas non plus mûre mais plutôt pomme… Et surtout cannelle. Oh tiens elle avait faim, non ? Mais chut, chut ventre, tais-toi gourmandise, voila la Salamandre qui vient de prononcer le titre qui met le feu aux joues. Et au sourire de s’effacer lentement pour donner au visage des traits sérieux, chaque mot d’Eilinn est entendu et chacun trouve une réponse sous la tignasse rousse. Dans un profond soupir elle se tourne vers son amie sans voir son visage puis finalement sort de sa tanière pour s’asseoir en tailleur. D’ordinaire, en plein jour dans une carrosse ou assises côté à côté devant un feu ou alors en plein petit déjeuner les derniers mots de son amie lui auraient arraché un cri de surprise : se séparer ! Quelle idée ! Mais là ce n’était pas d’ordinaire, là on parlait d’avenir et depuis quelle grandit et que la vie la force, petit à petit, à sortir de son monde elle sait combien il est périlleux parier sur ce fichu futur. Finalement sa main se tend sous les draps pour aider son amie à remonter.

- « Oh je te sais coriace je sais que me débarrasser de toi est presque impossible… Mais tu sais sous mes airs gentils je peux aussi être une vraie plaie. Je ne veux pas qu’on se sépare. Et tu sais quoi ? Ca sera peut-être difficile, certainement même, mais on ne se séparera pas.

Les derniers mots sont martelés avec une ferveur étonnante, comme si elle avait édicté une vérité générale, une de ces phrases qu’on ne peut contester, presque une sentence religieuse. Même si prédire ce qui nous attend est chose compliquée elle reste persuadée qu’il faut croire en certaines choses et se battre pour elles. Avant elle prêtait ce trait de caractère à son innocence d’enfant et maintenant l’âge enfant passé -mais l’innocence restée, malheureusement- elle se rend compte que c’est une des rares forces de son état d’esprit volage. Eilinn est une de ces « choses » pour lesquelles elle veut se battre, après tout pour leur jeune âge n’avaient pas déjà beaucoup vécu ? Un doux sourire est décoché à son amie.

- « Je me souviens encore de notre première rencontre, ce drôle d’entretien. J’avais dit avoir besoin d’une dame de compagnie oui mais surtout d’une amie, d’une alliée, pour affronter ce Monde qui me fait peur. Tout le monde est si retors et méchant, ces guerres, ces gens avides, ces opportunistes, ce malheur que tout le monde porte et d’ailleurs porte si mal… J’avais besoin d’une alliée et je l’ai eue, j’ai même eu beaucoup plus. Mais j’ai encore besoin de toi car ce monde m’effraie toujours. Et le mariage m’effraie aussi…

Elle soupire à nouveau puis s’adosse contre le mur auquel est collé le lit. Oh que oui ça l’effraie parfois elle n’a qu’une envie : courir se réfugier à Cauvisson et s’occuper de ses lapins la vie entière pour éviter le monde et le mariage. Mais ça c’est un désir de gamine et le temps n’est malheureusement plus aux gamineries de ce genre… Alors elle retourne s’enfermer à Cauvisson moins de temps que souhaité. Son esprit vient à penser aux solutions pour éviter la séparation. Avant il y en avait une toute trouvée, celle de proposer à Eilinn d’être sa curette attitrée comme ça pour l’amour et le respect du Très-Haut elles seraient obligées de se voir souvent : pour des cérémonies, des confessions, pour l’entretien des chapelles de ses fiefs… Elles auraient mêlé la piété à l’agréable, faisant des confessions des séances potins et des cérémonies des fêtes permantentes. Mais la récente lubie de Rhân, marier sa fille, avait tout balayé. Que faire maintenant ?

- « Souhaites-tu te marier ? Enfin, pardon… » Un rire amusé s’échappe : Eilinn, se marier ? Il n’y avait qu’à voir son attitude envers les garçons. « Je veux dire est-ce obligé ? Si oui on peut te trouver un prétendant… Il pourrait être proche du Comte ou alors même de sa famille, tu imagines, nous seront liées ! Car j’avais une idée pour ne pas nous séparer mais pour ça il aurait fallu que tu prononces tes vœux… Ou alors veux-tu que nous fassions un plan pour convaincre Rhân ? Par exemple on pourrait lui présenter les pires nobles du Royaume pour qu'il voit qu'il n'y en a aucun qui te mérite, ou alors le prendre par les sentiments, je pourrais lui proposer des échanges de lapins ou quelque chose du genre... Après la Bourgogne on pourrait aller lui rendre visite ! »
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Eilinn_melani
Et un instant, un bref instant, Eilinn s'imagina mariée à un proche du Comte de Scye, garantissant qu'elle n'aurait pas à s'éloigner de sa meilleure amie. Car son beau-père pourrait jeter son dévolu sur un noble vivant bien loin des terres impériales ou bourguignonnes, compromettant ainsi l'avenir commun des deux jeunes filles.

Imagine que l'un de ces pires nobles lui convienne ! On aurait l'air malignes après ça ! Je me retrouverais alors avec un époux edenté, prenant un bain une fois l'an et vivant à l'autre bout de la France !

Et euh... c'est quoi ton plan au cas ou je deviendrais ordonnée ?

Probablement que Jehanne fomentait encore un plan à la Oui-Oui.

Et puis... enfin...

Eilinn savait pertinemment que ses chances de vivre un grand amour passionnel et transcendantal étaient aussi élevés que celle de la révélation publique de l'amour du Duc de Bourgogne pour les lapins nains. Autant dire, proche du zéro. Voire même en dessous. Mais si son beau-père s'entêtait dans sa décision, alors il lui faudrait peut-être présenter un prétendant acceptable, et qui accepterait de voir son épouse vivre plus proche de sa meilleure amie que de lui. Or il n'existait probablement pas d'homme de ce genre... Mais avoir un nom à présenter en cas d'ultimatum paternel, c'était toujours un atout en plus en sa faveur.

Enfin... si je ne devais pas avoir le choix, peut-être qu'un homme proche du Comte de Scye, acceptant que je passe beaucoup de temps avec toi, pourrait être un parti... raisonnable.

Eilinn avait presque honte de ses paroles, c'était une trahison envers tout ce quoi elle forgeait depuis des mois, visant à ne pas trouver d'époux. Mais ses rêves d'ordination s'éloignaient, et quitter Jehanne Elissa, il n'était pas sur qu'elle en ait la force pour affronter seule le monde.

Seulement si Rhân voulait me forcer la main, bien sur.

Ou comment faire du mariage un échafaud.
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Jehanne_elissa
- « Quand tu as annoncé ton ordination tout a semblé beaucoup plus clair… Je me suis dit que si tu avais été ma dame de compagnie avant de prendre la place que tu as maintenant il était tout à fait possible qu’ordonnée tu ai aussi une place cautionnant le fait que nous soyons souvent ensemble. Enfants personne ne s’en étonnait mais adultes…

Un léger rire file. Ben oui adulte on allait attendre plus d’elles, on allait se demander pourquoi elles étaient encore fourrées ensemble. Vous pouvez répondre que c’est car elles sont amies tout simplement et que maintenant tout un chacun est habitué à les voir piailler ça et là, entre mariages et enterrements, baptêmes et joutes. Mais sans savoir pourquoi Jehanne Elissa doutait de l’esprit adulte, leur amitié ne serait-elle pas jugée comme un enfantillage ? Leurs vies à venir ne pourraient-elles pas pousser à modifier leurs comportements ? Non il y a besoin de caution, il y a besoin de preuve, il y a besoin d’une sorte d’excuse pour que son assertion précédente ne soit pas contrée : on ne les séparera pas.

-« L’idée va peut-être te paraître étrange mais attention tu sais qu’on ne peut pas douter de ma foi… J’ai pensé que tu pourrais devenir ma religieuse à moi. » Un sourire, lui tout droit sorti d’un livre illustré de Oui-Oui vient se dessiner sur le visage de l’adolescente. « Il faut que je fasse consacrer les chapelles de Malpertuis et Cauvisson, elles seraient à ta charge ; il faut qu’un jour j’aille en cette terre dite maudite de Bernis, tu serais mon exorciste alors qu’en fait ça serait assez drôle de partir à la chasse aux fantômes ; et je te ferrais toutes mes confessions ce qui obligerait à se voir souvent car ma légèreté à vivre est parfois contradictoire à une vie exempte de péchés… Qu’en penses-tu ? Je crois au Très-Haut je ne doute jamais à ce sujet mais… Si en plus il peut-être une aide pour notre amitié dans ce monde…

Elle se mord la lèvre inférieure, masquant avec grande peine un sourire avant de rire à nouveau.

- « Tu vois par exemple en ce moment même j’aurais besoin de confesser cette idée !

Ravie d’avoir lâché son idée très utilitariste de la foi elle laisse tomber son dos sur le lit et joue pensivement avec les fils des draps. Oh elle s’y voit déjà, adultes – forcément belles- , allant de réceptions en réceptions avec un air grave et profond, comme si leur amitié s’était muée en amour commun du Très-Haut, une introspection quotidienne, un mysticisme hors normes, loin des enfantillages passés, parler à des gens assommants de tout leur travail pour le respect de la Foi et du recyclage de leur jeunes années pour le salut de leurs âmes, Eilinn majestueuse curette connue de tous, respectée et admirée, elle femme mariée et mère d’une tripottée de petits roux… Ah le beau tableau ! Et ainsi ou que soit Eilinn, prenant le prétexte d’une terrible faute à confesser elle quitterait son époux pour aller alléger son âme et accomplir sa pénitence… En mangeant des sucreries dans un hôtel parisien.

Mais tout ceci est du rêve, oui du rêve, c’était une réalité qu’elle pensait proche mais que la vie avait éloignée par la parole de Rhân. Elle se renforgea alors un peu, se demandant pourquoi le beau-père d’Eilinn était à ce point rabat-joie alors que la mère de son amie avait aussi enfanté d’un fils pouvant donner une belle descendance à la famille… Et pourquoi s’opposait-il ainsi au bonheur de sa belle fille ? Etait-il aveugle en plus d’être rabat-joie pour ne pas voir son aversion au mariage ? Elle se souvient alors de sa dernière discussion avec le Chevalier de Siarr. Il lui avait demandé ses disposition quant au mariage et elle avait répondu y être prête pas devoir mais que plus jeune l’idée d’embarrasser une carrière religieuse lui avait aussi traversé l’esprit… Et l’idée, au contraire de ce qu’elle avait pu imaginer, lui avait semblé bonne et il l’avait respectée. Car le Chevalier voulait son bonheur ? Rhân était-il trop borné ? Les adultes sont extrêmement incompréhensibles pour la jeune Goupil et les hommes, n’en parlons pas.


- « Tu sais je serais heureuse que par des mariages nous puissions nous rapprocher encore plus mais ce n'est pas ce que à quoi tu aspires… Si être ordonnée est ton choix, alors il faut le faire, nous chercherons vaguement un nom d’époux acceptable mais seulement quand on aura envisagé toutes les idées pour que tu prononces tes vœux. Rhân ne m’aime pas trop je crois depuis notre fugue… Penses-tu qu’il a un sujet avec lequel je pourrais le faire chanter ? Ou alors à défaut de te trouver les pires hommes de France on pourrait faire de toi une femme non épousable, ou trouver un époux qui accepterait après le premier héritier mâle de disparaître… Il faut qu’on trouve une solution ! »

Maintenant que le sujet « Comte de Scye » est clair et clos, il semblerait que la Goupil ait trouvé une autre lubie…
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Eilinn_melani
Revenue en position verticale, Eilinn entreprit de rassurer Jehanne Elissa.

Je ne pourrai pas consacrer les chapelles, mais je pourrai toujours devenir chapelain, et aussi ton confesseur, de par mon statut d'oblat au sein de Noirlac. Il me faudra juste faire un peu de paperasse à Rome pour cela, mais avec l'appui du recteur de Noirlac, cela ne devrait pas être difficile.

En tailleur en face de son amie, Eilinn se mit à triturer le drap nerveusement. Il était assez difficile pour elle d'évoquer ses faiblesses, ses doutes, d'assumer son imperfection et sa frivolité.

Concernant l'ordination, en fait... en fait... je doute.

Allez poulette, crache le morceau.

Pas de ma foy, bien entendu, mais je me demande si je suis bien destinée à l'ordination. Des fois, c'est étrange, je me dis que c'est la Cuisine que je voudrais épouser, c'est la seule chose qui m'épanouisse réellement désormais.

C'est idiot hein... C'est idiot.

Mais si tu savais à quel point je me sens... à ma place dans les Cuisines du Louvre ! Je me disais même que lorsque je ne serai plus Premier Maitre d'Hotel, je pourrais acheter une auberge à Paris, à destination des nobles et des bourgeois, en utilisant tout mon savoir-faire. Et puis peut-être aussi faire des commandes spéciales pour des nobles, lors de festivités, aller dans leur domaine et préparer des choses somptueuses !


Et même si Eilinn disait que c'était idiot, il était perceptible dans sa voix qu'elle était véritablement enflammée par cette idée, alors qu'elle était plus habituée à être posée et calme. Ce qui n'avait été au départ qu'une simple passion devenait au fur et à mesure une véritable vocation.
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