Mariealice
Lors de son emménagement à Sémur, Marie avait fait l'acquisition d'une petite île sur l'Armançon, constituée par plusieurs parcelles de terrain sur lesquelles une ferme fortifiée avait érigée. Quelques aménagements avaient été nécessaires pour que tout le monde puisse trouver sa place, la famille était nombreuse à l'époque. Hélas, depuis, les morts avaient été nombreuses et ces murs qui avaient connu bien des rires d'enfants résonnaient désormais d'une vie bien plus calme. Surtout depuis qu'ils étaient tous partis pendant un long moment. Flaiche était rentré le premier, bien avant eux mais enfin ils étaient libres.
Plus de mission, du moins pour l'instant. Ces dernières s'étaient enchainées depuis plusieurs mois et Marie n'en pouvait plus. Touraine, Maine, Normandie, Alençon... Des nuits et des nuits sur les remparts ou bien à leurs pieds, par n'importe quel temps, tandis que les journées se trouvaient occupées à répondre aux messages qu'on lui transmettait et à remplir ses charges. Avec, dès qu'elle le pouvait, un peu de temps pour dormir, s'allonger ici ou là, la plupart du temps sous sa tente, pour dormir d'un sommeil si lourd qu'il était sans rêve. Et tant mieux. Ses heures de veille étaient bien assez peuplées de fantômes. Elle avait perdu tant et tant de gens mais la douleur la plus vive restait encore et toujours celle de ses enfants. Arthur son fils au moment où elle partait de Limoges, et ses filles Aleanore et Maeve avaient désormais quitté cette terre et ses chagrins. La première avait été enterrée, la seconde le serait sous peu quand elle en aurait discuté avec Flaiche et le père Ian. Ian.. Curé... Elle avait encore du mal à s'y faire d'ailleurs.
La petite troupe, composée d'Enguerrand, Ewaele, Walan et Minouche, son écuyer qui, miracle, ne s'était perdu avant d'arriver. Elle s'était arrêtée un instant avant d'emprunter le pont pour entrer dans la cour, observant les bâtiments, les hauts murs d'enceinte, l'eau coulant lentement alors que certains endroits étaient déjà pris par la glace. N'était-ce pas un sort peut-être enviable que d'ainsi cesser tout mouvement, de se laisser engourdir par le froid jusqu'à ne plus rien ressentir? Mais elle ne pouvait faire qu'y songer. Merlin, son fils, leur fils, était là, il allait connaitre pour la première fois la Bourgogne. Né dans une forêt, il avait à peine quelques jours quand son père était rentré. Ils allaient donc se découvrir également. Et lui n'aurait point d'ainés pour l'aider en ce monde, elle ne pouvait dès lors point lui faire défaut... Et puis... Et puis ce n'était pas parce que Flaiche et elle se séparaient que.... Son regard se porta sur une silhouette devant elle, elle poussa un soupir et s'engagea sur le pont de pierre. Elle était enfin rentrée chez elle.
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