Sur son lit de convalescence, Glover se morfont. Lennui, fils du désoeuvrement, tisse en lui la trame de la mélancolie.
Les jours se suivent, grisatres, et lappel de la patrie où sont les siens se fait douloureux.
Le regard se perd dans le vague. Puis un son. Un battement dailes caractéristique, celui dun pigeon. Et en écho un battement de cur qui saccélère.
Le volatile se pose près de lui. Il lattrape avec douceur. Un message.
Non, trois.
Glover résiste à la tentation de se jeter avidement dessus. Maintenant il peut jouer avec le désir, remettre à un peu plus tard cette envie dont il est désormais maitre
Il caresse le messager et lui murmure un remerciement. Prend de ses nouvelles. Lui offre quelques graines que loiseau picore.
Attendri, lhomme le regarde. Mais il ny tient plus. Il sadosse au mur, sous la petite fenêtre qui lui donne la clarté et, étendant le bras, sempare des papiers.
Ils sont chiffonnés, en mauvais état. Pas même refermés, comme sils avaient été donnés au pigeon à la va-vite.
Il déplie le premier billet.
Citation:Ta blessure va mieux?
Glover devient blème et son cur marque alors un temps darrêt. Une si longue attente crée forcément des espérances. Et la sécheresse de la ligne nest certainement pas en phase avec celles ci.
La deuxième missive a mal voyagé. Elle semble avoir été roulée en boule, froissée. Il lit et une rougeur monte à son visage.
Citation:Mon cher Glover,
Je ne sais pas m'exprimer. Parce que j'ai peur de m'exprimer... Je ne parle pas de moi, parce que je déteste me dévoiler, sans doute par peur que les informations données ne se retournent contre moi. Peut-être aussi par peur de m'attacher puis de me retrouver seule, ou que l'on me fasse du mal.
Pourtant toi... Toi tu es diff *rature* Toi tu es particulier... Je ne me dévoile pas plus à toi, mais l'envie de le faire me vient souvent. Toi Je ressens quelque chose d'étrange pour toi. Quelque chose que j'ai peur de ressentir que j'ai peur de m'avouer.
Tu comptes tellement... Depuis que tu as quitté Annecy, il n'est pas un jour qui passe sans que tu ne me manques. Je ressens un vide. Je voudrais tellement être auprès de toi. Je voudrais tellement être dans tes bras.
Les mots quil attendait. En vérité bien au delà.
Il la connaît la rousse. La première partie elle navait pas à lécrire. Plusieurs mois de pérégrination commune sans quil en sache plus sur elle quau premier jour .
Ou si peu, qu'il a deviné en l'observant.
La seconde partie il aurait pu lécrire lui même. La même impression détrangeté quant au ressenti de leur relation. La même peur . La même tentation à la fois de nier ce quil éprouve et le besoin de l'exprimer.
Et enfin, ces mots délicieux quil lit et relit et gonflent son âme. Tenir Shirine dans ses bras, il donnerait tous les trésors du Pape pour cet instant.
Quelques moments ou les yeux clos il jouit de ce fugace bonheur. Un, sentiment comme il nen connaît plus depuis des mois. Depuis quelle est hors de portée de son regard.
Emu, il déplie tant bien que mal le troisième pli et le déchiffre. Ses sourcils se froncent.
Citation:Glover,
J'espère que tu vas bien. *rature* tout se passe bien pour toi. Je pense beaucoup à toi.
Toutefois, je prends la plume pour une raison bien particulière. J'ai besoin de te dire quelque chose qu'il m'est plus facile de te dire par écrit, en plus, je ne sais pas quand nous nous reverrons et je n'arrive pas à patienter davantage.
Tu te souviens *rature*
Celui ci est une énigme. Un brouillon certainement, raturé et inachevé, mais pourquoi lavoir inclus dans lenvoi ?
Et quel en est le sens ? Quest ce quelle a voulu lui dire ? Quelle pense à lui comme elle le dit dans le deuxième message ? Il ne sait pas. Le ton quil lui semble deviner lui parait trop préoccupant pour cela.
Il perd son regard au plafond et songe aux zones dombre de cette femme.
Mystérieuse Shirine songe t il
Mystère ou mystification ? Ses yeux se posent sur le pigeon. Il doit savoir.
Glover saisit alors son écritoire, qui nest jamais bien loin et commence à faire crisser la plume. Comment commencer. Comment linterroger sans la heurter ?
Des tréfonds de son inconscient la question entêtante quil na jamais reformulé ressurgit. Cette interrogation qui semble être une clé. Qui est Zoé ?