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Prélude :
Au cours de mon existence, les manuscrits ont défilés entre mes mains, du chiffon à la plus belle plume.
Au fond de moi je rêve d’écrire un jour un manuscrit qui serait lu, ça
ou là, par quelqu’un d’aussi passionné que je le suis. Le fin parchemin
qui me sert de support me semble bien vide. J’ai le sentiment que je
n’aboutirai jamais à rien. Pourtant j’essai encore, ne voulant renoncer à
cette entreprise qui me travaille depuis des années. Je n’ai rien fais
de ma vie qui mérite d’être couché sur papier alors comment pourrais-je
rêver laisser une trace de ce que j’ai été. Ma vie n’a rien
d’extraordinaire. Et pourtant… ?
Peut être que coucher ma vie ici m’aidera à faire disparaitre les
fantômes de mon passé. A éteindre le feu … à nettoyer le sang … Tant de
questions auxquelles je ne peux encore répondre et pourtant ma plume
glisse inlassablement sur la toile. La tête de Galen se pose sur ma
jambe, et je sens son regard posé sur moi. Le molosse a ce regard humide
et profond qu’Eliot adorait tant. Il sera mon seul compagnon pour cette
nuit je le crains. Même Harmonie est absente. C’est une sorte de
journal qui se dessine sous mes lignes, comme un portrait de moi-même
que mes mots auraient tissé, des moments choisis de ma vie… de
l’éphémère … hélas…
Enfance :
Je n’ai pas le souvenir de tout ce qui a fait mon enfance. Je me
rappelle avoir été heureuse, je me rappelle de certaines parties de mon
existence, je me rappelle de mes frères, de ma mère, je me rappelle
père… . J’étais une enfant insouciante, pour qui sa vie aisée était
banalité. Fille de deux jeunes nobles du Bourbonnais, j’ai grandis
partagée entre la vie au domaine de père, Alan Varthak, qui fut le
seigneur de Tournemire, et Thiers, la ville où mes parents résidaient
quand ils n’étaient ni au domaine ni en campagne militaire. C’est un 18
novembre que mon frère et moi-même naquîmes, entourés d’une famille que
mes parents s’étaient choisis. Rodéric a vu le jour quelques minutes
après moi et pourtant il m’a toujours semblé avoir une longueur
d’avance. Eliot, fils adoptif de mes parents, mon ainé de quelques
années, partagea nos jeux et les apprentissages imposés.
Les hivers nous travaillions les lettres, l’étude des herbes et tant de
choses théoriques qui, déjà gamine, me fascinaient. J’appris très jeune
les arts également bien que je ne devais jamais trouver grand intérêt
aux enjolivures. Les illustrations me plaisaient bien plus tout comme la
musique. Mon bureau est encore aujourd’hui jonché de dessins inachevés,
de manuscrits qui ne connaîtront jamais de fin. Les étés, nous
apprenions à manier les armes, travaillant avec les soldats du château.
Bien qu’appréciant leur compagnie, je rechignais à la tache. Mes mains
s’usaient et prenaient des cales disgracieuses sous l’effet de
l’entrainement. Enfants d’officiers supérieurs, nous nous devions de
respecter les ordres. Je n’ai jamais manqué d’amour, malgré la dureté
apparente de certains enseignements. Père nous bordait les soirs quand
il était la, mère ne s’éloignait jamais vraiment. Je crois avec le recul
qu’elle a mis de coté bien des rêves pour nous en cette époque, nous
chérissant autant qu’elle le put. Malgré tout je lui en voulais de
vouloir faire de moi un soldat alors que je n’aspirais qu’à ressembler à
ses grandes dames, comme la suzeraine de Père, Thémis la douce, pour
qui j’avais une admiration toute particulière.
Ses visites étaient toujours synonymes de festivités et de diners
pompeux. J’adorais ces moments à entendre les histoires de père, mère,
Thémis, et bien d’autres de leurs compagnons comme oncle Guy, Tante
Elly, Anfa…Vlaams… Flavius…
Mère m’imposa également l’enseignement religieux qu’il se devait et qui
fonda en mon esprit de nouvelles valeurs que jamais je l’espère
n’oublierai. Elle songea peut-être à tort que, n’appréciant pas les
armes, je partagerai avec elle cet attachement à l’Eglise
Aristotélicienne. Je suis croyante, mais jamais je ne pourrais vivre au
couvent.
Mais cette enfance, si heureuse fût elle, s’arrêta un jour de façon
brutale l’année de mes 13 ans. Eliot m’avait souvent raconté de quelle
façon, mère et lui tissèrent des liens si forts. Car je l’ai toujours
vu, elle garda un œil plus que protecteur sur lui. Ses histoires
d’incendie, d’orphelinat, de folle furieuse glaçaient le sang de la
petite fille que j’étais. Cette année là, les raides d’hérétiques dans
le duché se faisaient fréquents et nous avions déjà entendus parler de
bien des villages ravagés. Les hérétiques se regroupaient, et je ne puis
oublier leur nom… ANGELUMS REVIVISCENT.
Chaque partie de mon corps vibre à ce souvenir, ma main crie vengeance, mon cœur pleure encore…
J’étais au domaine quand ils attaquèrent Thiers, à l’abri chez moi alors
que les miens luttèrent pour la ville, pour leur vie… C’est mère qui me
contât les événements, du lit, qu’elle garda des semaines par la suite…
Les Angelums attaquèrent très tôt un peu partout en ville. Elle se
retrouva face à une créature qui n’était ni femme, ni homme et dont la
soif de sang était indéniable. Plus loin, la Rose Noire, taverne de mes
parents, était elle aussi ravagée. Je ne sus jamais ce qu’ils firent à
Harmony qui mit des mois à s’en remettre. La muette était mutilée,
terrifiée et ô combien triste. Mère lutta donc avec la créature, portant
aujourd’hui encore bien des cicatrices de cet affrontement sanglant.
Père arriva alors, trop tard sans doute et ne vis pas la folle qui
derrière lui se glissa. Une lame si bien placée qu’il s’écroula. Les
hérétiques prirent la fuite et c’est dans les bras de ma mère qu’il
rendit son dernier soupir.
J’avais 13 ans, et mon père venait de mourir.
Une larme glisse sur ma joue alors que je songe à lui. Un grand homme…
Papa…. Cette blessure la ne saurait se refermer. Elle est juste devenue
plus supportable avec le temps.
Ses funérailles furent célébrées par l’évêque Smithysmith, qui devait
rejoindre Aristote après la cérémonie, suite à un accident idiot. On
accorda à mon père les honneurs dus à un grand soldat mort sur le front.
Ses armes et le fanion de la COBA furent mis au tombeau avec son corps
afin que même dans la mort, l’honneur de sa vie passée l’accompagne.
Mère, en signe de deuil nous fit couper les cheveux. C’était une
tradition de sa famille, un signe de respect pour le défunt.
Mon frère jumeau hérita du domaine, suivant les volontés de père.
Nous quittâmes Thiers, et nous établîmes à Moulins. Mère découvrit
bientôt que père lui avait laissé un dernier présent avant de nous
quitter. En son sein grandissait un enfant qu’elle refusait de laisser
naître. Elle s’éloigna du domaine un temps, me laissant avec mes frères
et Harmony. Quand elle revint, ce fut avec Flavius. Mon frère était né.
Elric. Et mère essayait de se reconstruire avec ce vieil ami de la
famille. J’enrageais les premiers mois, et puis je m’y fis.
Mère dut anoblit par le Duc Martymcfly de Billy, au cours d’un bal et
nous priment nos quartiers au domaine de Marcenat. Flavius décéda peu
après, en campagne et l’on ramena son corps à moulins. Il eut des
funérailles simples, de soldat, comme il l’aurait souhaité mais mère
elle était détruite. C’est je pense à ce moment que je décidais de
m’éloigner d’elle.
A 17 ans, on entre dans un âge ou nos actes sans cessent sont contradiction pour nos parents…
Retour aux sources:
Forte d’une longue année passée à Mortagne, ayant perdu l’homme à qui
j’avais promis ma main, un écossais au visage marqué de la lame d’une
épée, je me levai un matin avec une décision ferme. Retourner à Thiers,
retrouver mes racines…
Je rassemblai tous mes effets personnels, vendit mon champs, et pris
rapidement le chemin de ce village du BA qui avait vu mon père
s’épanouir.
Malheureusement, je fis une mauvaise rencontre en chemin, brigandée,
laissée pour morte, sans nourriture, c’est affaiblie et sans le sou que
j’arrivai à Thiers au début du mois de Janvier 1458.
Cette année loin de chez moi m’avait changé, murie… Je rêvais toujours
de revêtir ces robes de Dame de haute société, ce que je ne manquais à
aucune occasion, mais était apparut en moi ce désir ardant de mettre en
pratique mon enseignement militaire.
J’ai poussé les portes de la Coba en Mars 1458…
Depuis lors, ma vie a changée. J’ai d’abord pensé que je succomberais
aux avances de Sglurp, cet étonnant jeune homme, étourdit, et à la fois
si mignon. Mais la vie vous joue parfois des tours et il disparut du
jour au lendemain.
Puis, en Aout, un évènement me troubla… Seuls tous les deux dans mon
bureau, une étrange sensation avait envahie mon cœur alors que j’otais
les vestiges de sa tristesse enfoncés dans sa chair.
J’avais ignoré cette sensation, mais aujourd’hui je la comprends mieux.
L’absence de mes supérieurs m’a forcée à faire preuve d’initiative, à me
surpasser. Et leur retour fût une épreuve difficile. Devoir accepter de
voir les pierres des murs que j’avais érigé retirées une à une fût trop
dur pour moi. Dans cette douleur et cette souffrance, j’ai découvert
l’âme sœur. Le seul qui puisse me rendre heureuse, le seul, dont les
simples battements de cœur résonnant dans son torse me réconfortent et
me radoucissent. Mon oxygène et ma raison d’être…
Nous avons décidé de déménager tous deux à Moulins, la situation à
Thiers demeurant trop invivable pour moi. Je suis touchée de sa décision
car je la sais difficile et lourde tant il était attaché à cette ville…
Puis, j’ai appris la mort de Roderic… Cette épreuve insupportable m’a
conduite à aller combattre aux côtés des savoyards à Genève. Ce qui m’a
également valu ma première blessure de guerre, et certainement pas la
dernière… Khris est venu me chercher pour me ramener en BA. Nous allons
nous installer tous les deux, mais la vie nous prépare encore un chemin
rempli d’embûches, en commençant par séparer nos deux mondes par son
anoblissement…
L’amour triomphera, et le temps fera ses preuves, tant qu’il demeure à mes cotés…