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[ Note: Ce que vous prendrez un évident plaisir à lire ici, n'est connu que de vous, joueur.]
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Née vers la fin des années 1430, Esmey est l’enfant naturel d’un ancien duc Normand et d’une quelconque servante qui mourut en lui donnant le jour. Élevée dans la soie au milieu de ses frères aînés, elle eut droit à la même considération qu'eux et apparaissait parmi eux lors des sorties officielles. On peut alors supposer que son père lui portât une certaine affection. Il était sans doute cruel, mais elle l’adorait. Esmey garde de cette éducation le port de tête altier et l’air sévère, le regard parfois hautain, cependant adouci par de grands yeux mauves. Elle a le visage rondelet, le nez court et fin au dessus d’une bouche à la courbe sensuelle. La jeune femme garde de son enfance choyée un corps potelé, mais musclé grâce aux nombreuses parties de chasse. Elle est dotée d’une peau blanche qui se couvre de taches de son à la venue de l’été et arbore une tignasse blonde qu’elle coiffe habituellement en deux tresses épaisses.
--Ce qui a été--
Esmey grandit dans une maison devenue presque uniquement masculine lorsque l'épouse de son père mourut en couches. Avant d’avoir atteint 10 ans, elle crachait par terre, mangeait des pépins de pomme et donnait à un cheval un coup de pied assez violent pour lui couper le souffle avant de resserrer la sangle d’un cran. Elle porta une dague et apprit à ne pas jouer avec les chatons et à ne pas se soucier des vieux chiens aveugles.
On la retrouvait attablée entre son père et les canailles qui lui tenaient compagnie, en train de boire de la bière forte, de roter et de chanter des chansons qui parlaient de batailles, de pillages, de viols, de chevaux, de châteaux et de vierges, jusqu’au moment où elle tombait endormie, sa petite tête aux cheveux dorés sur la table.
Si seulement elle avait pu garder la poitrine plate, elle aurait vécu une vie heureuse. Mais le moment vint où les hommes se mirent à la regarder différemment. Ils ne riaient plus aux éclats quand elle disait : « Ôte-toi de mon chemin ou je te coupe les couilles pour les donner aux cochons.»
Un jour, elle vit son père en conversation avec le prêtre de la paroisse –évènement rare- et tous deux la regardaient comme si c’était d’elle qu’ils parlaient. Le lendemain matin, son père l’informa : « Tu vas partir avec Henry et Eveard et faire ce qu’ils te diront.» Puis il l’embrassa sur le front. Elle sella son coursier gris – elle refusait de monter un palefroi de dame ou un poney d’enfant – et s’en fut avec les deux hommes d’arme. Ils la conduisirent dans un couvent de religieuses et l’y abandonnèrent.
Les deux hommes partis, tout le couvent retentit des jurons obscènes de la jeune fille qui se débarrassa de l’abbesse en lui donnant un coup de couteau, avant de refaire à pied tout le chemin jusqu’à la maison de son père. Celui-ci la renvoya pieds et poings liés, attachée à la selle d’un âne. On la mit au cachot en attendant que la blessure de l’abbesse ait cicatrisée.
Lorsqu’on l’en fit sortir, elle retourna une fois de plus chez elle. Son père la renvoya de nouveau et cette fois on la fouetta avant de la jeter au cachot.
On réussit bien sûr finalement à la mater et elle dut endosser la robe de novice, obéir aux règles et apprendre les prières, ce qui ne l’empêchait pas de haïr les nonnes, de mépriser les saints et de ne croire à rien de ce qu’on lui disait sur Dieu. Mais elle sut bientôt lire et écrire, elle apprit la musique, l’arithmétique, le dessin et ajouta le latin, le français et l’anglais au patois maternel. Au bout du compte, la vie au couvent n’était pas si terrible. Une communauté unisexe, avec ses règles et ses rituels.
Lorsque sa fille eût quinze ans le père fit sortir Esmey du couvent et la ramena chez lui. Cette dernière, bien trop heureuse de quitter les nonnes, ne se doutât aucunement qu’elle eût mieux fait de refuser de rentrer…
Son géniteur ne l’ayant jamais reconnue du point de vue de la loi, Esmey fut privée d’un titre et de la fortune de son père à la mort de celui-ci. Quoi de plus normal ? Après tout, elle n’était qu’une bâtarde. On la maria donc au second fils d’un orfèvre dieppois avec pour dot une robe de brocard écarlate, une bourse remplie d’une centaine d’écus et un coursier.
Elle se rendit compte assez rapidement que son époux était d’une nature faible et tombait souvent malade. Deux ans à peine après leur mariage, le pauvre succomba suite à la consommation d’un repas gargantuesque préparée par sa douce épouse. La soupe à l’anguille n’était pas fraîche? Peut-être aussi était-ce la ciguë qu’Esmey avait malencontreusement versée dans son bol… Toujours est-il que le veuvage de la jeune femme fut de courte durée et elle ne se fit pas prier pour quitter le domicile conjugal.
D’aucuns disent que c’est le fossoyeur de l’endroit qui, charmé par son teint clair et ses cheveux blonds, aida la demoiselle à se procurer le poison. Esmey multiplia ses visites au cimetière et y passait de longues heures. Ces jours-là, le croque-mort restait introuvable et la jeune femme revenait souvent chez elle les cheveux défaits. Leur relation resta discrète et les villageois ne remarquèrent rien…jusqu’à ce que son ventre devienne rond. C’est en août 1454 qu’Esmey donna le jour à une fille prénommée Aénor. Le couple s’installa dans une maisonnette au toit de chaume et aux murs nus. La nouvelle mère mena une existence des plus tranquilles pendant environ un an. Un bête accident emporta son compagnon dans l’Autre Monde au mois d’octobre 1455.
Elle réussit à se faire employer comme gouvernante dans la maison d’un notable de Dieppe. Son érudition et son joli minois l’aidèrent sans doute à décrocher l’emploi. Pour pouvoir garder sa place et ainsi offrir un toit et de la nourriture pour elle et sa fille, elle dut s’offrir à son maître, les dents serrées. Étrangement, l’homme finit par s’attacher à elle et fit de la jeune veuve sa maîtresse officielle. Cette idylle fut de bien courte durée, car Esmey se rendit compte qu’elle allait être mère à nouveau. Lorsque le démiurge fut mis au courant, il s’empressa de la chasser.
Traînant son ventre pesant sur les routes, elle se posa à Cambrai le temps de mettre au monde un fils chétif au mois de janvier 1457. Prénommé Tarquin, le nourrisson ne survécut pas jusqu’au printemps. Avant de reprendre la route, Esmey laissa sa fille à une amie où l’enfant pourra espérer avoir la vie que sa mère souhaitait pour elle. Elle s’arrêta cette fois Dans le Saint-Empire où elle tenta tant bien que mal d’apprendre la langue. Elle fit la connaissance d’un homme charmant prénommé Lasse qui eut la bonté de l’aider à s’intégrer. Elle resta à Ravensburg pendant quelques mois. Lorsque le goût du voyage la reprit, Lasse se porta volontaire pour l’accompagner dans ses pérégrinations. Il fit l’achat d’un couple de poneys et les deux complices chevauchèrent jusqu’en Espagne. Le beau blond ne manqua pas de se faire remarquer et décida d’élire domicile à Barcelone. La petite Normande, quant à elle, ne resta que le temps d’apprendre à bien parler le Castillan avant de retourner en terres françaises, laissant son ami à sa cour.
--Ce qui est--
Alors qu’elle s’était arrêtée un instant dans un sentier d’une quelconque forêt espagnole pour permettre à sa monture de se reposer, un groupe de gitans tentèrent de lui dérober son cheval et sa bourse. N’ayant pas oublié son apprentissage de garçon manqué, la jeune femme se défendit du mieux qu’elle put, à grands coups de poignard. Il était certain qu’elle ne fit pas le poids contre quatre gaillards armés. Affligée d’une profonde blessure à la cuisse, elle gît là pendant quelques heures, incapable de bouger, avant de se faire recueillir par des moines partis à la chasse aux truffes. Les saints hommes soignèrent la plaie, firent baisser la fièvre et, lorsque la malade réussit à articuler quelques mots, elle leur expliqua à grands renforts de gestes, d’espagnol entrecoupé de français ainsi que de quelques expressions germaniques qu’elle cherchait à retourner en France.
Au mois de Juin 1459, la jeune femme arrive à Montauban, juchée sur un âne et recouverte d’un mantel de moine, le sac rempli d’onguent pour soigner sa blessure. Esmey quitta cette ville moins d’un mois plus tard. Des échos de révolution se font entendre et les routes deviennent de moins en moins sûres.
Muret, juillet 1459. Un soir où la petite blonde se trouvait seule à vider sa flasque en regardant passer les heures, il entra. Il n'est plus grande tragédie que la passion.