Gamin de six ans environ, un peu plus désormais. Une dent en moins, la deuxième branlante. Il zozote, sur les "je" surtout.
Le regard sombre et le sourire facile. Tête pleine d'orages et d'éclaircies. Le chiard.
Un tambour en bandoulière, une épée de bois à la ceinture, mieux planquée, une dague au manche racorni par les flammes. On distingue sous le noir les pierres qui y sont restées incrustées.
Autour du cou, d'un lien de cuir maintenue, on observe ce qui fut jadis une boucle d'oreille d'or à perle noire. Funeste pendentif sans éclat.
Une besace qui contient ce qui reste de sa vie. Des courriers, une boite à mèche blonde, cocottes en papier pour apprendre la Ristotélisme. Quelques écus. C'est tout.
Hormis ce qu'il garde précieusement dans son esprit. Souvenirs et mensonges. Des flammes, un trou qu'il a mis longtemps à comprendre. Maman.
Il s'appelle Galaad von Frayner. Et il a cinq amoureuses. Depuis peu.
D'abord, Spada, sa numéro un. Parce que Spada, c'est Spada. C'est tout, c'est comme ça, c'est avec elle qu'il se mariera plus tard même si elle sera fripée et que ça fait pleurer Zisla. Zisla, c'est sa numéro cinq, mais on va d'abord parler de la numéro deux.
En deux, donc, c'est Flore, Flore, elle est jolie, presqu'autant que Spada, c'est dire, et gentiiiiille ! Mais faut pas qu'elle s'énerve. Enfin, pas de risque pour lui. Il est sage. Flore, avant d'être la Procuratrice de la Provence, elle était CaMée.
La troisième, c'est Délia, mais plein de gens l'appellent Doch. Elle est jolie aussi, mais elle a les cheveux moins foncés. Et pis gentille aussi et pis elle est intelligente, comme les autres... Non, mais, Galaad avec une pas intelligente, c'est pas possible.
La quatrième, c'est celle qui a mis bas. Farwen qu'elle s'appelle. Elle lui donne du lait à la Fafa... c'est trop bon ! C'est comme souvent les grands grands ils ne veulent pas lui donner du vin alors que tout le monde il sait que c'est ce qu'il y a de meilleur pour la santé mais les grands grands ils sont bizarres, et bien elle, Farwen, elle lui fait du lait. Et le lait à la Fafa, c'est pas le lait qu'elle donne à son bébé hein ! Non, le lait, c'est celui qu'elle fait chauffer auquel elle rajoute du miel et des épices de toutes sortes et... une tombée de l'alcool, pour le goût.
En cinquième, comme le petit doigt, c'est pas une grande grande adulte qui sera vieille dans dix ans et qu'il voudra se marier. Non. C'est une toute petite qui s'appelle Zisla, avec un Zé. Elle a une petite tête toute blonde et elle est encore plus gentille que gentille. Elle a quatre ans. Elle lui a offert une mèche de cheveux pour pas qu'elle tombe dedans le fond de sa tête, dans son oubli. Galaad, il la protège.
Pis dans le monde du mioche, il n'y a pas que des amoureuses. Non.
Il y a Benquoi, son copain rencontré sur les routes. Benquoi, dès qu'on parle mal à Galaad, il serre les poings et il s'énerve. Et le môme, il aime ça. Parce que ça veut dire qu'il a comme un papa, mais un papa à qui faut pas couper les bizoux de la famille. Parce que ce papa qu'est pas son papa, il est gentil. Et surtout, c'est son copain. A lui.
Et puis, aussi, le Popa Yu. Le Popa Yu, c'était un copain de sa maman et de son Papé, mais son Papé on en parle après. Il est curé, le Popa, c'est lui qui a tout appris la Ristote et les Cristaux au petit qu'il faut pas dire qu'il est petit. Et oui, il savait pas tout seul, faut apprendre. Et le zus de poires. C'est le truc qui va avec les poires qui font vivre. Il a tout compris !
[suite à venir]