Lumena

J'avais entre 3 et 5 ans lorsque mon père de coeur, Mathias, m'a trouvée sur les bords du Rhin, non loin de St Dié, 15 années passées.
D'après ce que l'on m'a conté, j'étais silencieuse et presque sauvage alors, couverte de crasse et de poux, et lorsque mon père de coeur s'est approché de moi, un corbeau est venu se poser entre nous, comme pour le défier d'approcher encore. Mathias aurait alors sourit et pioché quelques grains de maïs d'une de ses poches avant de les poser doucement près de l'oiseau au regard noir. Le corbeau aurait alors attrapé un grain de maïs dans son bec et serait venu le poser devant moi avant d'en gober un autre, m'invitant à "festoyer" en sa compagnie.

Dans mon souvenir, Mathias et ce curieux corbeau, depuis rebaptisé Maraud, ont toujours été auprès de moi.

J'ai grandis sur les routes, accompagnant mon père de coeur où qu'il aille, apprenant la nature, apprenant la vie, travaillant ou chassant pour vivre au jour le jour sans se poser de questions.

Malheureusement, tandis que nous quittions Narbonne pour nous rendre à Carcassonne, une troupe de brigands nous a surpris, tuant Mathias et me laissant pour morte sur le bord du chemin.
Des jours suivants, je ne me souviens que d'un brouillard fait de plumes noires et d'herbe grasse, de poussière et de sang, d'un goût de métal et de grain.

Après avoir retrouvé conscience, j'ai repris péniblement le chemin de Carcassonne.

Déchirée entre des blessures physiques et la blessure morale du deuil, peu habituée à parler à des inconnus ou à vivre en communauté, me voilà donc au sein de cette ville, au moins le temps de reprendre quelques forces.

Heureusement, Maraud veille sur moi.