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Amandine Malamer, dite Renarde par certains, dite Lady par d'autres,
dite Sale Gosse par beaucoup, dite Risueña par un seul, dite Mondine
enfin.
Si on y regarde de plus près :
- Une cicatrice, petite mais très sombre, raye le contour droit de sa mâchoire.
- Une mèche de ses cheveux est tressée avec un fin ruban bleu-gris. Si
on y regarde d'encore plus près - mais c'est chose ardue car le ruban ne
quitte jamais sa tignasse - on peut lire une phrase dans une drôle de
langue, brodée au fil doré "minden út, ha szükséges... Az Utazó". Elle
effleure souvent l'extrémité du ruban, quand nul ne la regarde...
- Dans son sac, on peut trouver diverses choses : quelques lettres
d'amour fanées, des vers rapides, le dessin d'un ciel de nuit déchiré
par les pins, une étoile en bois sculpté, un autre dessin, plus récent,
représentant un petit garçon à l'air curieux, souligné d'une phrase qui
fit soupirer Mondine et signé d'un minuscule F., quelques morceaux
d'étoffe plus ou moins usés par le temps...
- Une bague en fer grossièrement forgé entoure son pouce gauche. La bague a une histoire qu'on a préféré oublier.
Mais encore ?
Mondine est une longue fille à crinière rousse non moins longue, qu'elle
ramasse la plupart du temps en un chignon des plus approximatifs. Elle
regarde au moyen de deux billes d'un bleu rêveur dont elle est sacrément
fière. Exception faite desdits brasier capillaire et océan oculaire, la
rouquine est fort commune : sur son visage, tout est à la bonne place,
sans aucun de ces traits singuliers qui font le charme de certaines –
quoique quelques observateurs avertis concèdent parfois à ses pommettes
haut-perchées un petit air mutin – mais, comédienne sans vergogne, elle
se satisfait fort bien de cette frimousse si propice aux métamorphoses.
Grandie à droite à gauche au gré des vents, elle a piétiné quantité de
chemins, éparpillé quantité d'éclats de rire. Mondine est née d'une
quelconque mère réticente à goûter aux joies du pouponnage ; ainsi, ce
fut avec un plaisir et un talent grandissant qu'elle se fit
méthodiquement renvoyer de chacun des couvents, maisons et hospices où
l'on avait bien voulu d'elle. De cette enfance volage, elle tire son
goût de l'inconstance et son regrettable manque de manières. N'étant
fille de personne, elle développa rapidement le don de se créer une
naissance au fil de ses envies : elle n'avait pas six ans lorsqu'elle se
présenta auprès de quelque voyageur curieux comme la progéniture d'un
roi ruiné et d'une sorcière étourdie. Ainsi, nulle inquiétude à avoir si
vous l'entendez narrer d'un jour à l'autre deux de ses origines
imaginaires... Mondine, amoureuse des mots, adore se composer des
préambules.
Curieuse, bavarde ou muette selon les jours, facilement insupportable,
Mondine se targue d'être une étrange demoiselle. Au milieu de son
ventre, une triste histoire d'un autre temps remue parfois des larmes
comme on plante des griffes ; elle se retire alors dans son moulin
d'ermite le temps que passe la tempête, puis elle refait surface, plus
souriante que jamais. Mondine aime les gens, parce que même le dernier
des gueux a toujours une histoire à raconter, et qu'elle aime les
histoires. Pour un peu que vous lui fassiez un effet sympathique, elle
vous propulsera sans plus attendre dans son répertoire de personnages ;
puis il se peut qu'un jour où l'autre, au fil de ses humeurs théâtrales,
elle revête le costume de votre phrasé et de vos mimiques.
Alors, si votre route vient à croiser celle de cette drôle de
rimailleuse... offrez-lui un verre, car il sera toujours le bienvenu ;
ensuite, il vous appartiendra de décider si converser avec elle tient de
l'aubaine ou de l'infortune !